Réplique Frénotomie

Une procédure efficace
et sécuritaire

À la suite de l’article écrit par Gabrielle Duchaine dans La Presse du 1er mai « Une pratique controversée », j’aimerais réagir à titre de codirectrice de la Clinique d’allaitement Herzl-Goldfarb de l’Hôpital général juif.

Mme Duchaine m’a questionnée sur mon opinion médicale concernant la frénotomie. En lisant l’article, je constate qu’il ne donne pas une opinion claire et basée sur les données probantes de l’effet de l’ankyloglossie (frein de langue court) sur l’allaitement maternel et sur le rôle de la frénotomie. Je pense que le public doit aussi être informé sur les recherches et les données scientifiques à ce sujet.

La journaliste Gabrielle Duchaine écrit que la frénotomie est « critiquée par la Société canadienne de pédiatrie ». Cependant, la Société canadienne de pédiatrie a pris position en faveur de la frénotomie lorsque l’ankyloglossie pose des problèmes d’allaitement qui n’ont pu être résolus par d’autres interventions moins invasives.

La frénotomie est une procédure pratiquée à travers le monde pour améliorer l’allaitement. Les données probantes démontrent que l’ankyloglossie peut nuire à l’allaitement en affectant la prise du sein, en causant de la douleur maternelle et/ou en diminuant la production lactée, et que la frénotomie est efficace et sécuritaire. En effet, les risques pour l’enfant d’interrompre précocement l’allaitement, c’est-à-dire les risques de ne pas être allaité, sont considérables et bien documentés, et surpassent de loin les risques d’une frénotomie. 

Loin de minimiser les risques reliés à cette procédure, les médecins qui pratiquent au sein de notre clinique s’assurent que les autres interventions pouvant être efficaces ont été tentées avant d’envisager une frénotomie et discutent des risques avec tous les parents auxquels cette intervention est proposée. Finalement, nous prévoyons toujours deux visites de suivi à 2 et 10 jours.

L’article mentionne que la procédure est souvent faite « à froid » et rapporte trois cas de frénotomie, dont deux cas ont subi des complications sans que cela ait amélioré l’allaitement. Le faible échantillonnage laisse sous-entendre que les complications sont fréquentes et que la procédure amène rarement un soulagement, ce qui est faux. En effet, la littérature et notre expérience clinique démontrent que quand l’ankyloglossie cause des problèmes d’allaitement, la frénotomie améliore la situation dans la majorité des cas.

Quant à la douleur de la procédure, il serait faux de dire que la procédure est faite « à froid ». Les bébés reçoivent de l’acétaminophène pour atténuer la douleur post-frénotomie et le bébé est mis au sein immédiatement après la procédure qui ne dure que quelques secondes. Le fait de téter ainsi que le sucre contenu dans le lait maternel constituent une façon efficace de contrôler la douleur et sont tout à fait acceptables selon les normes de pratique en néonatalogie. Nous recommandons aux parents de donner des doses subséquentes d’acétaminophène à la maison si le bébé semble avoir mal.

En conclusion, à la Clinique d’allaitement Herzl-Goldfarb, la frénotomie est une procédure pour laquelle des mesures de contrôle de la douleur efficaces sont mises en place et elle n’est pratiquée que lorsque les autres interventions se sont avérées inefficaces. Pour notre part, il est incontestable que les risques pour un enfant de ne pas pouvoir être allaité dépassent largement les risques de la frénotomie et qu’il est du devoir des médecins non seulement d’encourager l’allaitement, mais encore de mettre à la disposition toutes les options permettant à une mère désireuse d’allaiter d’atteindre son objectif, ce qui comprend la frénotomie lorsque cette procédure s’avère nécessaire.

L’équipe de la Clinique d’allaitement Herzl-Goldfarb

— Dre Anjana Srinivasan, IBCLC

— Dre Isabel Larocque

— Dre Meira Stern, IBCLC

— DJ. Graham Pratt

— Dr Howard Mitnick

— Dr Jean Zigby

— Dre Lenore Goldfarb, IBCLC

— Carole Dobrich, IBCLC

— Valérie Lavigne, IBCLC

— Odile Lapointe, IBCLC

— Louise Godin, inf. B Sc., IBCLC

— Lydia Marcus, IBCLC

Frénotomie

Réponse
de Gabrielle Duchaine

Dr Srinivasan,

Ce reportage ne se veut pas une attaque contre l’allaitement ou contre la frénotomie. Il met en lumière l’absence de normes et de règles entourant cette pratique de plus en plus recommandée aux jeunes parents, ce que même vous avez déploré durant notre entretien.

Une lecture rapide de l’avis de la Société canadienne de pédiatrie met en lumière de nombreux flous entourant le recours à cette intervention. C’est aussi la lecture qu’en fait le Collège des médecins du Québec.

« Dans les cas d’ankyloglossie partielle, la question de distinguer les ankyloglossies qui doivent être opérées de celles qui ne doivent pas l’être demeure controversée. […] D’après les données probantes à jour, la frénotomie ne peut pas être recommandée », lit-on notamment.

En tant que journaliste, je me dois de publier un texte équilibré qui montre les deux côtés d’un enjeu, ce que j’ai fait dans ce cas. Je n’ai pas donné plus de place à ceux qui ont des réserves face à cette intervention qu’à ceux qui la louangent. Je n’ai pas écrit que la frénotomie est décommandée. Au contraire. Citant vos propos et ceux de Chantal Lavigne, j’ai précisé que lorsque c’est vraiment nécessaire et bien fait, l’intervention est salvatrice.

Même le président du Collège des médecins, Charles Bernard, estime qu’elle est parfois utile dans le cadre de problèmes d’allaitement. « Il peut arriver qu’un frein de la langue trop court entraîne certains problèmes et qu’il faille le couper, mais on ne peut pas recommander ça à grande échelle », dit-il dans le texte.

Les mères qui se font recommander une frénotomie ont toutefois le droit de savoir que l’intervention est controversée dans le milieu médical québécois et qu’elle est peu encadrée. Ça ne veut pas dire qu’elle n’est pas nécessaire dans certains cas. Ce n’est pas ce que j’ai écrit. Mais les ratés existent, on ne peut les ignorer. Des frénotomies sont bâclées. D’autres ne devraient pas être faites, alors que des poupons qui ont un réel problème ne seraient pas opérés.

La consultante en lactation Chantal Lavigne et la dentiste Nathalie Bessette ont notamment raconté avoir vu très souvent des interventions mal faites. Vous-même m’avez dit qu’il est difficile de trouver un professionnel capable de bien diagnostiquer un frein trop court et de l’opérer correctement.

Vous dites que les cas vécus rapportés par trois mères dans le reportage laissent sous-entendre que les complications sont fréquentes et que la procédure amène rarement un soulagement. Je pense le contraire. Si j’ai choisi ces trois histoires, une qui fut un succès, une qui a nécessité quatre frénotomies avant d’obtenir un résultat et une autre qui n’a pas donné de résultats, c’est justement dans un souci de montrer différentes réalités.

Finalement, pour la question de la douleur, je n’ai pas laissé entendre que la frénotomie fait mal au bébé. Dans le texte, Chantal Lavigne compare l’intervention à un perçage d’oreille. Le Dr Bernard estime que l’enfant souffre. Les deux points de vue sont présentés équitablement.

— Gabrielle Duchaine, La Presse

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