États-Unis

Le mur Trump prend forme

Moins d’une semaine après avoir pris le pouvoir, le nouveau président américain Donald Trump a fait un premier pas pour remplir une de ses principales promesses électorales : construire un mur à la frontière américano-mexicaine. Résumé de la situation en cinq questions et réponses.

Donald Trump parle de construire un mur à la frontière avec le Mexique depuis plus d’un an et demi. Qu’a-t-il mis concrètement sur la table hier ?

Lors d’un événement au ministère de la Sécurité nationale (Homeland Security), Donald Trump a signé un décret dans lequel il demande « la construction immédiate d’un mur physique à la frontière sud [du pays], surveillé et soutenu par un personnel adéquat afin de prévenir l’immigration illégale, le trafic de drogue, la traite de personnes et les actes de terrorisme ». Le décret demande aussi aux forces de l’ordre d’arrêter les individus qui sont aux États-Unis en violation de la loi fédérale et ordonne l’expulsion de ceux qui ont épuisé leurs recours dans le système d’immigration.

De quoi aurait l’air un mur à la frontière ?

Pour l’instant, on ignore la hauteur du mur, les matériaux qui seront utilisés ou encore son tracé. La frontière entre le Mexique et les États-Unis s’étend sur 3140 km. Déjà, une barrière sépare les deux pays sur le tiers de cette distance. Sur une longueur de 80 km, la barrière est double ou triple, note Élisabeth Vallet, professeure de géographie à l’Université du Québec à Montréal. Le projet de M. Trump vise en priorité un peu plus de 1600 km de frontière. Le reste de la frontière se prêterait difficilement à la construction d’un mur, soit parce qu’elle passe au milieu du Río Grande, soit parce que le terrain est inhospitalier.

Combien coûtera le mur ?

Donald Trump estime que la construction d’un mur coûterait environ 11 milliards. Une étude du Washington Post conclut pour sa part que la cloison coûterait plus de 25 milliards, notamment parce que le gouvernement devra acheter des terrains privés qui appartiennent à des citoyens américains pour terminer la structure.

Qui payera le mur ?

Donald Trump soutient que le Mexique payera la construction du mur « d’une manière ou d’une autre », et ce, même si le président mexicain nie la chose depuis le tout début. Le clan Trump note qu’il serait possible de mettre de la pression sur le Mexique en imposant des droits de douane, en augmentant le coût des visas ou encore en interdisant aux immigrants sans papiers d’envoyer de l’argent dans leur pays d’origine. Élisabeth Vallet croit qu’il y a loin de la coupe aux lèvres. « Il n’y a aucune chance que le Mexique paye pour le mur. En ce moment, ce sont les États-Unis qui donnent de l’argent au Mexique pour que leurs agents gèrent la frontière de l’autre côté. Si le Mexique joue bien ses cartes, il s’en sortira très bien », note l’experte, qui s’intéresse aux murs et aux frontières dans le monde. Le président mexicain Enrique Peña Nieto a condamné hier le projet de son homologue américain et s'est engagé à défendre les migrants mexicains aux États-Unis. « Je regrette et condamne la décision des États-Unis de continuer la construction du mur qui depuis des années, au lieu de nous unir, nous divise » a-t-il affirmé dans un bref message vidéo diffusé sur son compte Twitter. Le président mexicain n'a pas indiqué s'il comptait annuler ou non sa rencontre prévue avec le magnat républicain le 31 janvier, précisant qu'il attendrait le retour d'une délégation de haut niveau à Washington avant de prendre une décision « sur les prochaines étapes ».

Nous sommes le voisin du nord des États-Unis. Le mur aura-t-il un impact sur nous ?

Un récent rapport du Homeland Security inquiète Mme Vallet. « Le rapport propose la construction d’une barrière de 400 milles [640 km] à la frontière canado-américaine. On doit se concerter avec le Mexique. Il est possible que le nouveau gouvernement se retourne vers nous parce que nous laissons entrer des réfugiés syriens », dit Mme Vallet, qui a dirigé l’ouvrage Borders, Fences and Walls : State of Insecurity ? (Frontières, barrières et murs : état d’insécurité ?). D’ailleurs, un document obtenu par le New York Times hier suggère que Donald Trump s’apprête à signer un autre décret qui mettra fin indéfiniment à l’arrivée de réfugiés syriens aux États-Unis et freinera temporairement l’entrée sur le territoire américain des autres réfugiés.

D’autres décrets sur la table du président

Limiter l’accès des réfugiés

Selon des médias américains, Donald Trump devrait aussi signer dans les jours qui viennent des décrets visant à limiter l’accès aux États-Unis pour les réfugiés et les détenteurs de visas en provenance de l’Irak, de l’Iran, de la Libye, de la Somalie, du Soudan, de la Syrie et du Yémen. Donald Trump a également promis de supprimer le programme « DACA », mis en place par son prédécesseur Barack Obama en 2012 et qui a permis à plus de 750 000 clandestins arrivés mineurs sur le territoire d’obtenir des permis de séjour et de travail.

Réduire les fonds des « villes-sanctuaires »

En permettant les « sanctuaires », le gouvernement fédéral encourage les policiers locaux, dans les États et les villes, à « occuper les fonctions d’un officier d’immigration ». De grandes villes comme Los Angeles refusent de communiquer aux autorités fédérales le statut migratoire de leurs détenus, dans un objectif de sécurité publique, afin de ne pas décourager les habitants sans-papiers d’appeler la police en cas de problème. Ces « villes-sanctuaires », décriées par la droite et particulièrement par Donald Trump pendant la campagne électorale, se verront couper une partie des crédits fédéraux, selon ce décret.

Permettre la réouverture des prisons secrètes de la CIA 

Le président Trump envisage de réviser en profondeur les techniques utilisées par les États-Unis pour interroger des terroristes présumés, et il pourrait rouvrir les « prisons secrètes » gérées par la CIA à l’étranger, selon une ébauche de document obtenue par l’Associated Press. La même décision annulerait la fermeture de la prison militaire américaine de Guantánamo Bay, à Cuba, et ordonnerait au Pentagone d’y envoyer à l’avenir les « combattants ennemis » arrêtés. Le document stipule toutefois que les lois américaines devront être respectées en tout temps et interdit explicitement le recours à la torture.

— D'après l’Agence France-Presse et l’Associated Press

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