Chronique

Omerta sur District 31

L’auteur Luc Dionne ne jouera plus avec vos nerfs très longtemps. Et mes nerfs à moi, de chroniqueur télé, vous demandez-vous ? C’est gentil de vous en inquiéter. Leur couche d’acier a été usée au visionnement de presse de District 31 hier matin, mais les nerfs ont tenu le coup.

Je sais ce qu’il adviendra des enquêteurs amoureux Nadine Legrand (Magalie Lépine-Blondeau) et Patrick Bissonnette (Vincent-Guillaume Otis), les deux vedettes de la quotidienne policière de Radio-Canada. Sans blague, obtenir cette information précieuse m’a quasiment fait l’effet d’un anxiolytique, après avoir supputé sur le sort de ces deux détectives pendant presque cinq mois. J’exagère à peine.

De votre côté, le suspense se dissipera autour de 19 h 05 lundi dans un épisode de District 31 bien compact et sans pauses publicitaires.

Il n’y a pas d’entourloupette dans le scénario : ce qui arrive à Nadine et Patrick est révélé sans ambiguïté. J’arrête ici de peur de détruire le plus gros punch de la saison automnale.

Aucun secret aussi dodu n’enrobe le destin des autres flics du poste 31, toujours dirigé par le sympathique Daniel Chiasson (Gildor Roy). Dans les quatre premières demi-heures que j’ai visionnées en rafale, une intrigue importante a été tricotée autour de l’arrivée au 31 d’un membre de la brigade des stupéfiants, soit Geoffroy « Jeff » Morin, interprété par Luc Picard.

Taciturne, mystérieux et efficace sur le terrain, Jeff Morin cliquera rapidement avec Stéphane Pouliot (Sébastien Delorme), lui aussi spécialiste du crime organisé. Les deux piloteront un projet visant à coincer les clients prestigieux des trafiquants du quartier, projet inspiré par celui du super agent antidrogue américain Michael Levine. « Il y a tellement de poudre dans les rues de Montréal qu’il manque maintenant de nez », dira l’un des protagonistes.

L’aveu du meurtre du caïd Alex Vadnais par l’agente double Mélissa (Marianne Verville) rattrapera et tourmentera la sergente-détective Isabelle Roy (Hélène Bourgeois Leclerc), loin d’avoir les mains propres dans cet assassinat nébuleux. Craquera-t-elle sous la pression des affaires internes ?

Lundi soir, les 1,2 million d’accros retrouveront intact –  et même amélioré – le format de leur feuilleton chouchou.

Le scénariste Luc Dionne mesure encore habilement les moments de tension insupportable (comme une prise d’otages avec un bébé) et les rouages internes d’un poste de police. Ça se taquine, ça se tire la pipe, mais ça se serre les coudes quand un confrère patauge en eaux troubles.

Ce dosage entre le dramatique et le comique fait la grande force de District 31, où le jeu des acteurs est naturel, jamais exagéré. Avant le début des tournages, Luc Dionne a fait regarder à tous ses acteurs le film ultra réaliste Polisse de la réalisatrice française Maïwenn.

La façon dont Luc Dionne fait parler ses personnages contribue à la crédibilité de l’œuvre en plantant directement le téléspectateur au cœur de cet univers complexe.

Par exemple, il sera beaucoup question cet automne de l’article 260 de la Loi sur la police, qui exige qu’un policier dénonce un collègue ayant commis une infraction criminelle. À force de l’entendre dans la bouche d’Isa, Poupou et Nadine, on finit par l’intégrer à notre vocabulaire et on se sent (un peu) dans leur gang.

Encore cette saison, District 31 se déploie comme un thriller avec un revirement qui ponctue chacun des épisodes. Il y en a un joli à la fin du deuxième et un autre très intrigant pour clore le quatrième. Personnellement, je déguste mon District 31 en bloc de quatre demi-heures. Je les enregistre en semaine et les écoute, en rafale, le vendredi.

Dans les derniers jours, je ne compte plus le nombre de fois où des collègues du journal, des amis ou des membres de ma famille m’ont demandé : « Pis, y sont-tu morts, Patrick et Nadine ? Y reviennent-tu ? »

Vous voulez vraiment la réponse ? OK, la voici. Oh, attendez. Le téléphone sonne ici. Allô, Fabienne ? Quoi ? L’internet et l’électricité vont couper ? Non, non, donne-moi deux minutes pour finir ma… (bip).

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