COUPS DE CŒUR 2014

Solide début d’année littéraire

Quels livres ont marqué la première moitié de 2014 ? Voici les coups de cœur de l’équipe des pages Lecture, tous genres et origines confondus.

Des romans brillants

Réparer les vivants de Maylis de Kerangal (Verticales)

Quoi ? L’histoire d’une transplantation cardiaque, du constat de mort cérébral d’un jeune homme jusqu’au premier battement du cœur une fois la transplantation réussie, 24 heures plus tard.

Pourquoi ? Dans le fond et dans la forme, une expérience littéraire comme il s’en fait peu. Un mélange parfait de précision et d’empathie, d’intime et de collectif, une écriture riche, bouleversante, humaine, pour ce voyage sidérant dans l’essence de ce que nous sommes. (Josée Lapointe)

Le chardonneret de Donna Tartt (PLON)

Quoi ? Quelque 800 pages pour raconter Theo, dont le destin dérape lorsque sa mère meurt dans un attentat dans un musée et que, sous le choc, il quitte les lieux du drame en emportant une toile, Le chardonneret.

Pourquoi ? Un roman-fleuve à la fois initiatique et thriller, nerveux en rythme, coloré en personnages, qui vous plonge dans les boutiques d’antiquités de Brooklyn aussi bien que dans les casinos de Las Vegas et les canaux d’Amsterdam. (Sonia Sarfati)

Notre quelque part de Nii Ayikwei Parkes (Zulma)

Quoi ? On oblige un jeune médecin légiste du Ghana, formé en Angleterre, à enquêter dans un petit village sur une étrange affaire.

Pourquoi ? Ce premier roman du jeune poète ghanéen est écrit avec un humour mordant et une verve véritablement poétique. Prix Mahogany 2014. Non, ce n’est pas un polar, c’est un grand roman sur l’Afrique de l’Ouest d’aujourd’hui. Et un grand roman tout court. (Marie-Christine Blais)

Poisson d’avril de Josip Novakovich (Boréal)

Quoi ? Ivan Dolinar naît un 1er avril. Jeune idéaliste rêvant de gloire, il se battra durant la guerre autant du côté croate que du côté yougoslave et en mourra… mais pas tout à fait !

Pourquoi ? Josip Novakovich manie l’ironie sans jamais tomber dans la dénonciation ou le burlesque. On débarque en Croatie comme dans un pays des merveilles qui ne cesse de surprendre, vraisemblable, mais surréaliste. Roman triste et jouissif à la fois. (Mario Cloutier)

Sam de François Blais (L’instant même)

Quoi ? Le narrateur de Sam devient amoureux d’une femme après avoir lu son journal intime, trouvé au fond d’une boîte. Il part sur ses traces, enquête qui le mènera de Saint-Sévère, à Limoilou, à Parent, en passant par bien des digressions.

Pourquoi ? On ne s’ennuie pas une seconde chez François Blais, dont l’imagination et la culture éclectique n’ont d’égal que le ton débonnaire, l’intelligence et l’humour. Une mise en abîme et un jeu littéraire réussis. (Josée Lapointe)

La petite communiste qui ne souriait jamais de Lola Lafon (Actes Sud)

Quoi ? Des bribes imaginées de la vie de Nadia Comaneci, cette enfant-prodige qui a marqué les Jeux olympiques de Montréal en 1976.

Pourquoi ? Surtout pour la petite Nadia, athlète aussi insolente que vulnérable, cachée dans un corps d'enfant. Pour le rapport étouffant avec le corps des femmes. Pour le parfum d'opportunisme soufflant de chez les apparatchiks communistes. Pour l'écriture, aussi souple et tonique que les pirouettes de la petite Roumaine. (Pascale Fontaine)

Des histoires haletantes

Prague fatale de Philip Kerr (Le Masque)

Quoi ? Polar historique dont l’action se situe à Prague en 1942, avec, en toile de fond, l’assassinat du général SS Reynhard Heydrich, figure clé du Troisième Reich. Bernie Gunther, devenu capitaine dans les services de renseignements, enquête sur le meurtre d’un officier allemand dans l’entourage de Heydrich.

Pourquoi ? Huitième volet d’une série exceptionnelle dont tous les récits sont un brillant mélange d’action, de suspense et de précision historique. (Norbert Spehner, collaboration spéciale)

Feu de Jean-François Sénéchal (Leméac)

Quoi ? Un roman d’aventures qui nous propulse dans une ville futuriste où une panoplie de jeunes personnages tentent de survivre et d’améliorer leur sort.

Pourquoi ? Malgré une thématique qui rappelle par moment la mode survivaliste, l’auteur évite les écueils de ce genre de récit glauque et offre une histoire rafraîchissante avec des personnages solides et attachants. (Jean-François Villeneuve)

Le beau mystère de Louise Penny (Flammarion Québec)

Quoi ? Huitième enquête de l’inspecteur-chef québécois Armand Gamache, cette fois dans un monastère du nord du Québec.

Pourquoi ? C’est un vrai « whodunit », un polar dans les règles, mais empreint de grâce et de poésie, notamment parce qu’il y est question de chant grégorien. La preuve que la musique n’adoucit pas les meurtres… mais inspire des romans policiers fascinants. Un des meilleurs Penny. (Marie-Christine Blais)

Crimes à la librairie, dirigé par Richard Migneault (Druide)

Quoi ? Cette anthologie thématique – les librairies sont des scènes de crimes – regroupe 16 nouvelles écrites par des auteurs de polars québécois parmi lesquels on retrouve, entre autres, des vétérans comme Chrystine Brouillet, Mario Bolduc ou Patrick Senécal, et des nouvelles voix comme Richard Ste-Marie et Ariane Gélinas.

Pourquoi ? Des textes originaux, variés, inventifs, qui donnent un bon portrait d’ensemble du polar québécois contemporain et de ses principaux représentants. (Norbert Spehner, collaboration spéciale)

Des atmosphères envoûtantes

Malabourg de Perrine Leblanc

Quoi ? Trois femmes sont assassinées dans un village de la Gaspésie. Mina, témoin des meurtres, refait sa vie à Montréal où elle retrouvera Alexis, un garçon de son village qui étudie la parfumerie.

Pourquoi ? Beaucoup plus sensuel et incarné que L’homme blanc, ce deuxième roman de Perrine Leblanc est un inquiétant enchantement, dans lequel le parfum enivrant de la rose laisse un imprégnant sillage dans la mémoire du lecteur. (Chantal Guy)

Bondrée d’Andrée A. Michaud (Québec Amérique)

Quoi ? Été 1968 à Bondary Pound, près de la frontière américaine. Deux adolescentes meurent à quelques jours d’intervalle, la jambe prise dans un vieux piège à ours. Accident, meurtre ou fantôme du passé qui ressurgit ?

Pourquoi ? Le thriller littéraire existe, Andrée A. Michaud en est la preuve. Créatrice d’ambiance exceptionnelle, elle joue avec la langue, les mots et les consonances dans ce huis clos chaud et humide où une foule de personnages se battent avec leurs démons. (Josée Lapointe)

Tempête de J. M. G. Le Clézio (Gallimard)

Quoi ? Deux novellas envoûtantes. Une fillette sans père et un vieil homme rongé par le remords dans la première ; une jeune femme à la recherche de son identité dans l’autre. La mer, le vent et la tempête ajoutent à l’intensité de ces tragiques destins.

Pourquoi ? Pour l’écriture lumineuse, la musique des mots, la sobriété et la poésie du récit. Le Clézio est au sommet de son art et fait preuve d’une fabuleuse maîtrise de l’écriture. (Andrée Lebel)

L’homme qui avait soif d’Hubert Mingarelli (Éditions Stock)

Quoi ? À l’issue de la Seconde Guerre mondiale, un soldat japonais frappé d’un mal étrange recherche désespérément un œuf de jade, cadeau destiné à sa promise.

Pourquoi ? Ce roman rédigé dans un esprit japonisant, à la fois dépouillé et philosophe, abreuve le lecteur d’un souffle d’une délectable légèreté. (Sylvain Sarrazin)

Le chant de la terre innue de Jean Bédard (VLB éditeur)

Quoi ? L’épopée d’une jeune innue sur les traces de son animal totémique, dans la taïga, où elle apprend à survivre en communion avec la nature.

Pourquoi ? Pour sa poésie et pour le talent de conteur de Jean Bédard, qui inspire ici une profonde réflexion sur l’identité et le sens de la vie. (Laila Maalouf)

Récits remuants

Extraordinaire de David Gilmour (VLB)

Quoi ? Une femme veut mourir et demande à son demi-frère de l’assister dans son départ vers l’au-delà. Ils se connaissent peu, mais, en une nuit fulgurante, apprendront à s’aimer. 

Pourquoi ? On ne s’attendait guère à autant de sensibilité de la part de David Gilmour après ses déclarations sur les femmes romancières. Tout est ici parfaitement dosé, pertinent, émouvant. Prose juste, ambiances feutrées, message clair. Un roman au diapason de son titre, extraordinaire. (Mario Cloutier)

Le feu de mon père de Michael Delisle (Boréal)

Quoi ? L’écrivain fait le difficile portrait de son père « psychopathe », ex-bandit devenu croyant.

Pourquoi ? Parce que Michael Delisle va bien au-delà du témoignage dans ce récit qui se transforme en hommage à la poésie salvatrice et qui, en filigrane, fait aussi le portrait d’un Québec étouffant. (Chantal Guy)

La vie littéraire de Mathieu Arsenault

Quoi ? Sous la forme d’une logorrhée haletante, une narratrice scrute, juge, et s’interroge sur la vie littéraire d’aujourd’hui, au Québec.

Pourquoi ? Parce qu’il y a beaucoup de passion et d’humour dans ce monologue halluciné, sans point ni virgule, qui est à la fois la critique d’un milieu et un cri désespéré envers la force de la littérature. (Chantal Guy)

Lettre à Justine de Danielle Pouliot (Art global)

Quoi ? Confronté à une peine d’amour trop grande pour lui, conservant un frêle équilibre grâce à son employeur dans une boutique d’épices, Olivier soliloque en quête de sa Justine en allée, de Montréal à Rivière-Éternité.

Pourquoi ? Une écriture toute en finesse et sobriété, avec des accents parfois poétiques, parfois tragiques, un court roman sur une peur démesurée, un amour démesuré, un déni démesuré. (Marie-Christine Blais)

Les variations Burroughs de Sylvie Nicolas (Druide)

Quoi ? Une femme se souvient. Elle revit en pensée son enfance et ses amours, de la vie et des hommes.

Pourquoi ? Ce récit, qui se lit comme un roman, semble ancré fermement dans la réalité, mais son style farouchement libre s’en éloigne. Sylvie Nicolas y dévoile un amour fou de la vie, de l’amour et ainsi de la tristesse qui en découle. Sa sensibilité à fleur de mots y décrit les moindres soubresauts de l’âme. (Mario Cloutier)

En finir avec Eddy Bellegueule d’Edouard Louis

Quoi ? Né dans un milieu rural ouvrier, Eddy est victime des préjugés de sa classe envers les homosexuels. Moqué, insulté, frappé, il est condamné à l'exclusion. C'est grâce au théâtre qu'il s'échappera du village, du milieu et par conséquent, d'un avenir culturellement et économiquement misérable.

Pourquoi? Édouard Louis est à peine sorti de l'adolescence et des souffrances subies, ce qui fait la force de son récit autobiographique. Son style, déjà étonnamment mature, est très prometteur. (Marielle Bedek)

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