Opinion

L’humiliante saison des initiations 

Elles reviennent en force chaque année et, comme dirait la chanson, elles ne font plus rire personne. À l’époque des #moiaussi, les initiations scolaires, sportives ou autres n’ont plus leur place dans notre société où chacun a droit au respect le plus élémentaire. 

Qui peut m’expliquer qu’une université qui claironne former les élites de demain accepte que les premiers pas d’un étudiant entre ses murs soient accompagnés d’une humiliation publique, appelée initiation, perpétrée de surcroît par des « anciens » qui devraient plutôt être pris en exemple ? 

Ironiquement, les gangs de rue et autres manipulateurs utilisent ce même type d’humiliation pour abaisser l’estime personnelle des victimes en leur faisant faire des choses qu’elles n’auraient jamais faites sans cette pression de l’importance de faire partie d’un groupe, d’un gang. Cela amène les victimes à un sentiment de culpabilité et de honte. Elles se retrouvent ensuite sous la gouverne de ces manipulateurs qui peuvent vulgairement abuser d’elles !

Comment nos institutions éducatives et de loisir, et nous-mêmes tolérons-nous le modèle des gangs de rue ? 

Chaque année, l’actualité fait état de dérapages indécents à la suite de ces rites, allant parfois jusqu’à la tragédie. Chaque année, nous nous demandons comment il est possible que de tels sévices aient lieu en toute impunité ! 

Ironiquement, le domaine sportif, malgré tous ses travers, documente présentement l’impact d’humiliations sévères qui, surprise, sont largement perpétrés par des coéquipiers et non des entraîneurs. Cette blessure mentale n’est pas que temporaire, plusieurs individus restent marqués pendant des décennies, avec des répercussions évidentes sur l’environnement social de l’athlète. Régulièrement, l’humilié quitte son sport, complètement dégoûté de ces personnes qui auraient dû être de fiers coéquipiers. 

Dans une équipe sportive, l’athlète vétéran ne gagne pas le respect de ses équipiers en les diminuant, mais plutôt en les valorisant.

Lors des fameuses réunions consacrées à l’esprit d’équipe pour entreprise, avez-vous déjà entendu parler d’un formateur qui suggère à un cadre d’abuser d'un novice et de l’humilier ? Bien sûr que non, aucun patron ne tolérerait un tel comportement ! Alors pourquoi n’en serait-il pas de même à l’école ?

Ne plus fermer les yeux 

Les recteurs, directeurs ou autres responsables ferment-ils les yeux ? Peut-être, mais comme pour le harcèlement sous toutes ses formes, ne sommes-nous pas tous un peu responsables en détournant le regard, ou en banalisant ces situations, principalement en nous convainquant que c’est normal, que tous jadis sont passés par là ? Non, ce n’est pas normal. 

Chaque fois que nous ignorons l’indécence de ces initiations, nous cautionnons l’humiliation de notre jeunesse, sans penser que certains se défouleront au centuple l’année suivante sur la nouvelle cohorte, question d’essayer de couvrir encore et encore une blessure qui refuse de cicatriser. 

Quels parents peuvent être fiers de savoir que leurs enfants, si adolescents soient-ils, vont prochainement se retrouver ivres morts, sans contrôle de leur personne, et souvent à demi nus, dans une orgie d’activités douteuses et, malheureusement, parfois avec une trousse médicale pour tenter d’expliquer une partie de la soirée ! ? 

Initiation scolaire, sportive, enterrement de vie de fille ou de garçon discutable, c’est assez. Ces activités ont largement dépassé les bornes, et ce, depuis longtemps. Les événements récents de comportements répréhensibles dans les mondes sportif et culturel devraient nous servir de leçon, et non d’émulation dans le renforcement de futurs agresseurs. 

Le regretté Paul Gérin-Lajoie nous a donné le cadeau inestimable de l’éducation gratuite. Montrons-lui maintenant que nous la méritons, cette éducation.

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