Environnement

Les portes du paradis

Crier à la catastrophe environnementale imminente, comme le font Dominic Champagne et Luc Ferrandez, est contre-productif.

Car la tâche est tellement immense, se disent plusieurs, que ce ne sont tout de même pas mes petites actions qui y changeront quelque chose. D’autres en concluent que puisque la bataille est perdue d’avance, aussi bien faire la fête de l’hyperconsumérisme pour le temps qui reste. La pire réaction est celle de ces jeunes qui disent renoncer à avoir des enfants, à la fois pour ne pas aggraver la situation de la planète et pour leur éviter l’enfer dantesque annoncé.

Et si la situation était moins désespérée qu’on le dit ? Je le montrerai de deux façons : en mettant en lumière l’inanité de l’un des principaux arguments avancés par les chantres du catastrophisme, celui de la bombe démographique, puis, changeant totalement d’échelle, en vous entretenant de ce qui est à mes yeux le paradis sur Terre.

Parlons démographie

La Terre accueillait 2,5 milliards d’humains en 1950. En 70 ans, ce chiffre a triplé, puisque nous sommes aujourd’hui 7,8 milliards. En 2100, prévoit l’ONU, nous serons 11,2 milliards. À supposer que tous vivent à ce moment aussi luxueusement que les actuels Occidentaux, une aspiration dont on conviendra qu’elle est légitime, c’est quelque chose comme quatre ou cinq planètes Terre dont nous aurions besoin. Ce dont on déduit qu’il faudrait d’urgence à la fois freiner la croissance de la population mondiale et résolument engager l’humanité dans une économie de la décroissance.

Le tableau ci-contre montre que la démographie mondiale est aujourd’hui partout maîtrisée, sauf en Afrique.

Regardons-y de plus près. Quand l’ONU annonce que le Burundi et le Rwanda, qui à eux deux couvrent une superficie d’à peine 54 000 km2, accueilleront 83 millions d’habitants en 2100, faut-il la croire ? La surpopulation fut l’un des motifs principaux expliquant les brusques poussées de violence qu’ont connues ces deux pays tout au long de la période 1972-19941. Or, il s’agissait à l’époque d’une densité ne dépassant pas 250 habitants au kilomètre carré, quand les 83 millions mentionnés ci-haut correspondent à une densité six fois supérieure. Si l’on prend d’autres exemples criants, peut-on imaginer, sur la base de ce que l’on sait aujourd’hui de ces pays, que la République démocratique du Congo accueille 379 millions d’habitants en 2100, le Niger 192 millions, ou encore le Nigeria 794 millions ?

Ceux qui persistent à sonner le tocsin de la surpopulation mondiale ignorent-ils que, tout compte fait, seule l’Afrique est désormais en cause ?

Quant aux chantres de la décroissance économique, estiment-ils vraiment crédible cette hypothèse qu’en 2100, plus de 4 milliards d’Africains peuvent raisonnablement aspirer à vivre comme les Américains d’aujourd’hui ? À ces deux questions, la réponse est à l’évidence négative.

En fait, on pourrait presque parler de malhonnêteté intellectuelle, combinée à un je-m’en-foutisme vis-à-vis d’un XXIe siècle qui s’annonce particulièrement cruel pour l’Afrique.

Le Québec, paradis sur Terre

Nous venons de voir qu’où que ce soit ailleurs qu’en Afrique, il n’y a pas, à l’échelle des peuples2, de raison de craindre l’avenir. Qu’en est-il plus particulièrement chez nous, au Québec ?

Nous sommes une toute petite société de 8,4 millions d’habitants, qui ne devrait guère en compter plus qu’une douzaine de millions en 2100. Nous disposons d’un immense territoire regorgeant de richesses.

À l’ère où la rareté de l’eau devient source d’instabilité et même de conflits de plus ou moins forte intensité à de nombreux endroits dans le monde, notre principale richesse est sans doute l’eau douce, surabondante.

Surabondance qui nous a notamment permis de devenir le quatrième producteur mondial d’hydroélectricité, laquelle compte pour 38 % de notre bilan énergétique. Ce qui a fait de nous les champions nord-américains de la faible production de gaz à effet de serre. Notre métropole, Montréal, est citée à tous les palmarès parmi les 10 villes offrant la meilleure qualité de vie au monde, parfois même au premier rang. Et que dire de notre capitale, Québec, peut-être la plus belle ville du continent. Le Jeannois d’origine que je suis ne peut non plus passer sous silence l’exceptionnelle qualité de vie offerte dans nos régions.

Non pas que nous ayons toujours été brillants. Au contraire, l’étalement urbain a partout saccagé nos territoires. Quant à notre boulimie concomitante de consommation automobile, elle a depuis 1990 fait augmenter de 7 millions de tonnes nos émissions de GES. Ceci dit, nous assistons présentement à un véritable renouveau de la vie en ville, ce dont témoignent avec éclat les 25 000 logements mis en chantier depuis 10 ans au centre-ville de Montréal. D’un autre côté, l’alignement favorable des planètes qui fera du Québec le champion nord-américain, si ce n’est mondial, de la mobilité électrique est en voie de se concrétiser.

Mais enfin, que ne dit-il mot des changements climatiques, qui constituent la plus grave menace à laquelle fait face l’humanité en ce XXIe siècle ? C’est que, considéré de notre point de vue, Québécois et Québécoises, il s’agit d’un sujet délicat… pour cette raison évidente qu’à quelques ajustements près relevant du simple bon sens, nous en serons parmi les gagnants.

On ne saurait résumer des sujets aussi vastes dans un texte aussi court. J’espère seulement être parvenu à éroder le discours catastrophiste généralisé et rendre le lecteur plus confiant en l’avenir. M’adressant pour finir aux jeunes du Québec, je leur dirai : n’hésitez pas à mettre des enfants au monde, puisque ce sont les portes du paradis que vous leurs ouvrirez.

1. Voir Effondrement – Comment les sociétés décident de leur disparition ou de leur survie, de Jared Diamond, chapitre 10 : le génocide du Rwanda, Gallimard, 2006

2. Sur le plan des singularités régionales, des catégories sociales et a fortiori des individus, la situation demeurera bien sûr très variable. Seule autre exception notable, pour revenir à l’échelle des peuples, est la situation de l’Inde et du Pakistan, non seulement du fait des 300 millions d’habitants supplémentaires annoncés pour 2100 (compensés en Asie par le déclin de 400 millions d’habitants en Chine et de 40 millions au Japon), mais aussi parce que ces pays, continuellement à couteaux tirés, disposent chacun de l’arme atomique.

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