La planète économique

La pollution coûte des milliards à la Chine

En Chine, ces jours-ci, l’application iPad la plus téléchargée est un logiciel qui publie la qualité de l’air en temps réel dans 160 villes. Pas surprenant quand on sait que, selon le gouvernement, au moins 70 % des villes du pays ne respectent pas les normes de qualité de l’air.

La pollution a atteint un niveau alarmant dans l’empire du Milieu, rebaptisé « l’empire de l’air vicié » par des écologistes européens. Ce problème est devenu une préoccupation majeure pour ses 1,3 milliard d’habitants et, de plus en plus, pour les autorités et les économistes.

Alors que les scandales sanitaires se multiplient, la pollution de l’air aurait provoqué la mort prématurée de 1,2 million de Chinois en 2012, soutient la revue médicale The Lancet.

En janvier, durant un épisode de smog particulièrement sévère, le niveau de particules toxiques dans l’air de Pékin a atteint près de 50 fois le niveau recommandé par l’Organisation mondiale de la santé. Les autorités ont demandé aux citoyens de porter un masque antipollution s’ils devaient absolument sortir de la maison. On a même réduit l’usage des feux d’artifice pendant le Nouvel An chinois, afin de ne pas aggraver le problème.

Dans la capitale, le nombre de cancers de la langue a bondi de 60 % en 10 ans, selon le Bureau de la santé de Pékin, alors que près de 50 % des fruits et légumes vendus affichent des taux de pesticides très supérieurs aux normes autorisées. En 10 ans, la moitié des rivières du pays ont littéralement disparu, déplore Greenpeace. Les maladies pulmonaires grimpent en flèche… 

La liste des dérapages environnementaux semble interminable.

50 milliards perdus

La pollution touche tous les secteurs et son impact sur l’économie chinoise se mesure en milliards de dollars.

La semaine dernière, c’est la fierté nationale qui en a pris un coup. Le nombre de visiteurs à Pékin a baissé de 14 % au premier semestre, a révélé l’office du tourisme. Du jamais vu. Outre la baisse de fréquentation des Japonais qui réagissent aux tensions politiques récurrentes entre le Japon et la Chine, la pollution rebute les touristes, selon des sondages.

De façon générale, les nombreuses morts, le nettoyage des sols et des rivières ainsi que les rappels d’aliments contaminés ont un coût énorme. La Banque mondiale a déjà estimé que la pollution coûte l’équivalent de 4,3 % du PIB chinois par an, soit quelque 50 milliards US. La Banque de développement asiatique dit que la pollution de l’air, à elle seule, soustrait 1,2 % au PIB de la Chine.

Quelles sont les causes de cette pollution croissante ? Le vice-maire de la capitale, Hong Feng, a récemment dressé la liste des coupables : les industries génèrent 25 % de la pollution, les voitures 22 %, le charbon 17 %...

Source d’énergie principale en Chine, le charbon est souvent montré du doigt par les experts, car 70 % de l’électricité en Chine est produite par des centrales au charbon très polluantes. La pollution des automobiles, quant à elle, est bien connue, surtout qu’en 2010, 2000 nouveaux véhicules rejoignaient les rues de la capitale… chaque jour !

Enfin des mesures

« Rouler en BMW et boire de l’eau polluée, ce n’est pas la modernisation que nous souhaitons. »

C’est avec cette image d’une franchise peu habituelle que le ministre de l’Environnement a résumé ce mois-ci comment la Chine est déchirée entre la croissance économique et la protection d’un environnement lourdement hypothéqué.

La pollution a provoqué plusieurs manifestations cette année, notamment dans les villes côtières plus prospères. La tension monte chaque jour, si bien que le gouvernement doit réagir.

Le premier ministre, Li Keqiang, arrivé au pouvoir en mars, a promis d’agir « fermement » contre la pollution, tout en exigeant de la patience, et s’est engagé à réduire de 30 % en cinq ans les émissions polluantes.

Entre-temps, les autorités tentent d’endiguer la marée de véhicules sur les routes, en réduisant des deux tiers les immatriculations qui sont désormais attribuées par tirage au sort. Et on a resserré les normes des carburants, si bien que le soufre dans l’essence et le diesel sera réduit par cinq d’ici 2017.

Pour l’industrie, grande pollueuse, Pékin a mis en place il y a 10 jours le premier marché du carbone du pays. Le projet, qui sera implanté progressivement, permet aux entreprises d’acheter et de vendre des quotas de CO2, ce qui incite les pollueurs à diminuer leurs émissions.

Il reste que le combat sera de longue haleine. Dans un nouveau rapport, la Deutsche Bank affirme que, même avec ces mesures, il faudra « au moins 18 ans » pour que la pollution dans les villes diminue à un niveau acceptable. Et ça pourrait être plus long.

Les Chinois devront donc retenir leur souffle, le plus longtemps possible.

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