Élections générale 2014

Daniel Lebel quitte l’Ordre des ingénieurs en pleine tourmente

Daniel Lebel quitte la présidence de l’Ordre des ingénieurs du Québec (OIQ) pour se lancer en politique alors que l’organisme fait face à une vive contestation interne. Des membres de l’Ordre demandaient carrément la destitution de M. Lebel, qui était en poste depuis juin 2012.

Pauline Marois a causé une surprise, hier, en annonçant que Daniel Lebel allait représenter le Parti québécois dans la circonscription de Drummond–Bois-Francs en vue du scrutin du 7 avril. M. Lebel « sera un atout indéniable dans la poursuite de notre lutte contre la corruption et la collusion », a déclaré la chef péquiste à Drummondville. Il affrontera le candidat caquiste Sébastien Schneeberger, qui avait été réélu en 2012 avec une bonne avance sur la candidate péquiste Annie Jean.

Or, insatisfaits de la façon dont l’Ordre réagit à la crise de confiance qui ébranle la profession depuis 2010, plus de 500 ingénieurs ont demandé et obtenu la tenue d’une assemblée générale extraordinaire, qui aura lieu le 6 mai à Montréal. C’est un collectif baptisé « Groupe qui veut remettre de l’ordre à l’Ordre » (GROLO) qui est derrière la fronde.

Pas moins de sept propositions de membres figurent à l’ordre du jour de l’assemblée extraordinaire. Les récriminations des dissidents, rédigées en termes cinglants, touchent le cœur de la mission de l’ordre professionnel.

Les contestataires demandent d’abord l’abrogation de la cotisation supplémentaire de 90 $ par année décrétée l’an dernier par le comté exécutif pour financer les nombreuses enquêtes d’éthique en cours. Six mois plus tôt, les ingénieurs réunis en assemblée annuelle avaient rejeté une augmentation de 100 $ de la cotisation.

En agissant unilatéralement, l’Ordre s’est comporté de « façon manifestement arrogante et antidémocratique », soutiennent les auteurs de la proposition. Selon eux, la hausse de la cotisation, qui entrera en vigueur le 1er avril, « aura inévitablement pour effet d’accélérer la tendance lourde de nombreux ingénieurs n’ayant pas besoin de leur titre de ne pas renouveler leur inscription » à l’OIQ. Par conséquent, « de moins en moins de membres » devront assumer les dépenses de l’Ordre, « aggravant davantage » sa situation financière déjà précaire, disent-ils.

« Il y a des membres qui sont parfois déçus que l’Ordre leur facture ce que ça coûte d’être un ordre professionnel au Québec, a rétorqué Daniel Lebel à La Presse. Ce n’est certainement pas pour cette raison-là [la bisbille au sein de l’OIQ] que j’ai quitté. »

« Conflit d’intérêts »

Les dissidents pressent par ailleurs l’Ordre de suspendre le règlement qui oblige depuis 2011 les ingénieurs à faire 30 heures de formation continue sur une période de deux ans. À leurs yeux, le public n’est pas « mieux protégé » avec cette nouvelle exigence « puisque beaucoup d’ingénieurs finissent inévitablement par suivre des formations moins pertinentes, mais abordables […], afin de respecter le règlement ». L’Ordre reconnaît avoir perdu plus de 2000 de ses 63 000 membres l’an dernier à cause de cette mesure.

Les ingénieurs mécontents s’insurgent également contre l’obligation qu’ont les membres, depuis l’an dernier, de faire affaire avec des firmes choisies par l’Ordre (le courtier Dale Parizeau Morris Mackenzie et l’assureur Encon) pour leur assurance responsabilité. Les dissidents prétendent que les « redevances » versées à l’OIQ par ce « monopole » font en sorte que l’organisme se retrouve en situation de « conflit d’intérêts ». Ils affirment que les nouvelles dispositions ont fait bondir de 250 à 300 % les coûts d’assurance de plusieurs membres.

Enfin, les contestataires déplorent que l’Ordre impose aux ingénieurs qui ne bénéficient pas d’une assurance médicaments offerte par leur employeur de souscrire celle négociée par l’organisme auprès du Mouvement Desjardins et du courtier Sogemec. D’après eux, ces polices sont moins avantageuses que ce que prévoit le régime public d’assurance médicaments.

Pour toutes ces raisons, les dissidents concluent leur longue liste de doléances en implorant le conseil d’administration de l’Ordre de destituer le comité exécutif et le directeur général de l’organisme, André Rainville.

« Un tel geste fort permettrait à l’OIQ de regagner une partie de sa pertinence et de sa crédibilité, non seulement auprès des ingénieurs, mais surtout du public », écrivent-ils.

Au cours d’un entretien téléphonique, M. Rainville a répliqué que les nouvelles exigences en matière d’assurance visaient à faire en sorte que l’Ordre se conforme aux règles gouvernementales. Pour ce qui est de la formation continue, un règlement plus souple devrait entrer en vigueur au cours des prochains mois.

Les contestataires espèrent que le départ précipité de Daniel Lebel, dont le mandat devait prendre fin en juin, accélérera les changements au sein de l’OIQ. « Aucun des ingénieurs qui ont défilé devant la commission Charbonneau n’a été réellement inquiété par l’Ordre jusqu’ici », dénonce Giuseppe Indelicato, qui a été vice-président de l’organisme de 2000 à 2003.

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