Lecture
Mise à nu
La Presse
La Camerounaise Léonora Miano est l’auteure de sept romans, dont le plus récent,
, a remporté le Femina et figure dans la liste des finalistes du Prix des libraires québécois. Figure importante de la littérature française et emblématique de la littérature noire, elle nous parle de cette anthologie qui nous offre un regard différent sur le désir masculin.Cela fait déjà un moment que je songe à proposer un projet à Mémoire d’encrier, dont j’apprécie le travail. J’espère que nous ne nous arrêterons pas là.
J’ai choisi des auteurs dont les univers m’intéressent et que je souhaite faire découvrir à un large public. Le thème du désir, faussement léger et sans nul doute fédérateur, m’a semblé une bonne idée. Je l’envisage aussi sous un angle politique et le juge important, trop souvent absent de la production de ces auteurs.
Aucun, en dehors du fait que les écrivains se soient tous soumis à la même consigne. Je leur ai laissé la liberté de s’en emparer à leur guise. Ce qui compte, c’est de faire connaissance avec l’esthétique de chacun.
Peut-être le fait que certains prennent soin d’éviter la question du corps. Je trouve cela très parlant.
Ce sont de grands garçons. La maturité n’est donc pas surprenante. Je ne crois pas que ces histoires en tant que telles les aient habités, mais ils avaient sûrement à l’esprit des figures, des motifs et des interrogations qui ont trouvé là leur lieu d’incarnation.
Les auteurs conviés à participer à cette anthologie appartiennent aux francophonies des Suds et des périphéries. Il est normal qu’ils soient sensibles aux contextes sociaux et politiques de leurs espaces de référence.
C’est souvent le cas, même s’il ne faut pas en faire une généralité. Les écrivains haïtiens ne semblent pas avoir ce problème, loin de là. Pour les autres, il peut y avoir, parfois, l’habitude de considérer la littérature comme un travail purement intellectuel, ne devant s’intéresser qu’à des questions reconnues comme étant fondamentales. Aussi abordent-ils rarement le sujet du couple et de sa sensualité. Il y a aussi le fait qu’écrire sur cette dimension de la vie amène souvent à se dénuder, ce qui peut les rebuter. Or, pour moi, écrire, c’est se dénuder.
Cela m’est venu à l’esprit de cette manière. Je sais qu’il est de bon ton de privilégier les femmes, mais la figure de l’homme noir, dans les sociétés occidentales, n’est pas vraiment fêtée. Pour une fois, je voulais qu’ils aient la première place et qu’il leur soit donné de dévoiler la large palette de leurs sensibilités.
Parfaitement à ma place : je suis surtout un écrivain parmi d’autres de ma génération.
Pour vous répondre, il faut que Mémoire d’encrier accepte le projet. Le recueil féminin ne présentera pas une génération d’auteurs, nous ne sommes pas assez nombreuses, et la thématique plus explicite n’emportera pas tous les suffrages. L’anthologie féminine, si elle voit le jour, sera plus charnelle.
Recueil dirigé par Léonora Miano. Mémoire d’encrier, 160 pages.