ÉDITORIAL ALEXANDRE SIROIS

ACQUITTEMENT D’UNE CHRÉTIENNE AU PAKISTAN
Asia Bibi et nous

Enfin libre !

La Pakistanaise Asia Bibi avait été condamnée à la peine de mort essentiellement parce qu’elle était… chrétienne ! Le châtiment était aussi odieux qu’injustifié.

Elle vient d’être acquittée. Il faut maintenant l’aider à mettre fin une fois pour toutes à ce cauchemar. Nous sommes ici à des milliers de kilomètres du Pakistan, mais ce n’est pas une excuse pour s’en laver les mains.

Rappelons qu’il y a huit ans, cette ouvrière agricole a été accusée d’avoir insulté le prophète Mahomet. Elle avait, semble-t-il, bu la même eau que des femmes musulmanes. Cela serait un crime, apparemment…

Elle a été jugée par un tribunal pakistanais en vertu de la tristement célèbre loi sur le blasphème. Le verdict est tombé en novembre 2010 : elle allait être pendue. Oui, pendue !

Quel soulagement d’avoir appris récemment que la décision a été annulée (par la Cour suprême du pays, le 31 octobre dernier) et qu’Asia Bibi a été relâchée la semaine dernière.

Bon, « relâchée », dans son cas, est un bien grand mot. Théoriquement, elle est libre. Elle a pu rejoindre son mari et ses cinq enfants, mais elle doit se cacher. Des islamistes radicaux ont mis sa tête à prix. Sa vie est en danger.

Ce ne sont pas des menaces en l’air. Deux politiciens renommés qui avaient défendu publiquement Asia Bibi ont été assassinés en 2011. Et les trois juges qui ont acquitté cette chrétienne viennent d’être eux aussi menacés de mort.

***

Il n’y a pas 36 000 solutions : Asia Bibi doit quitter le Pakistan et trouver refuge dans un pays occidental. Et il est rassurant de voir que le gouvernement canadien est en discussion avec les autorités pakistanaises.

Le premier ministre Justin Trudeau l’a confirmé lundi. Hier, à Ottawa, on signalait que la ministre des Affaires étrangères Chrystia Freeland avait discuté la veille avec son homologue pakistanais à ce sujet.

Il est important de souligner que si une bataille a été remportée dans ce dossier, la guerre n’est pas terminée. Après le verdict, des fanatiques ont bloqué les principales routes du pays pendant trois jours. Pour qu’ils cessent de protester, le gouvernement pakistanais a promis qu’il ne s’opposerait pas à une révision du jugement de la Cour suprême. Il semble aussi avoir convenu de ne pas laisser Asia Bibi quitter le Pakistan d’ici là.

Le rôle du gouvernement canadien ne se résume donc pas à offrir l’asile politique à cette chrétienne persécutée. Avec ses alliés occidentaux, il doit faire pression sur le gouvernement pakistanais pour le convaincre de la laisser fuir le pays rapidement, en toute sécurité.

***

Asia Bibi n’est donc pas encore tirée d’affaire. Et si le combat continue en son nom, il doit aussi se poursuivre, de façon plus générale, contre l’intolérance religieuse.

On sait très bien que cette histoire aberrante n’est qu’un des nombreux exemples de la persécution des minorités religieuses dans le monde. Cette oppression vise trop souvent, de nos jours, les chrétiens.

L’histoire de cette ouvrière agricole injustement condamnée nous rappelle aussi que la lutte contre l’islam radical est loin, très loin d’être terminée – la commémoration, hier, des attentats djihadistes du 13 novembre 2015 en France, les plus meurtriers de son histoire, en est un autre rappel implacable.

C’est pourquoi rester neutre ou indifférent face au sort d’Asia Bibi serait d’une grande bêtise.

Ce qu’il a dit

« On est en discussion avec le gouvernement du Pakistan. Je ne veux pas me prononcer plus là-dessus, parce que c’est très délicat, mais comme vous le savez très bien, le Canada est un pays qui accueille. »

— Le premier ministre du Canada, Justin Trudeau

Source : Agence France-Presse

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.