Grèce

Des migrants mineurs forcés de se prostituer, s’alarme une étude

Des migrants mineurs bloqués en Grèce se prostituent dans l’espoir de poursuivre illégalement leur périple vers le nord de l’Europe et tombent sous l’emprise de groupes criminels, prévient une nouvelle étude de l’Université Harvard.

Pourquoi ces mineurs se retrouvent-ils coincés en Grèce ?

Après avoir dû faire face à l’arrivée de plus de 1 million de migrants en Grèce en 2015, plusieurs pays européens limitrophes ont fermé leurs frontières. L’Union européenne a parallèlement conclu une entente avec la Turquie qui prévoit le renvoi dans ce pays des migrants arrivés illégalement sur les côtes européennes après mars 2016. Des dizaines de milliers de personnes qui espéraient poursuivre leur route vers le nord se sont retrouvées coincées en Grèce et ont déposé une demande d’asile qui ne sera peut-être pas traitée avant des mois. Parmi les quelque 62 000 migrants actuellement retenus en Grèce se trouvent 21 300 mineurs, incluant 2300 enfants qui sont arrivés seuls dans le pays, souvent parce que leur famille n’avait pas les moyens de financer le passage de plus d’une personne.

Dans quelles conditions vivent-ils ?

Environ la moitié des mineurs non accompagnés qui se trouvent actuellement en Grèce sont hébergées dans des centres spécialisés où ils reçoivent une attention adaptée à la précarité de leur situation. Les autres sont cependant détenus dans des centres fermés ou placés dans des camps ouverts, où ils se heurtent à des conditions de vie « à haut risque ». Jacqueline Bhabha, du Centre pour la santé et les droits de l’homme François-Xavier-Bagnoud de l’Université Harvard, relève que certains des camps sont mal éclairés et mal adaptés, et forcent les enfants à cohabiter avec des adultes sans surveillance adéquate, ce qui augmente les risques de sévices. Dans certains endroits, les travailleurs d’ONG et les responsables locaux partent la nuit, laissant la population du camp à elle-même.

Quelles sont les conséquences de cette cohabitation forcée ?

Mme Bhabha note que les enfants vivant dans les camps risquent de devoir faire face à des manifestations de violence, qui surviennent régulièrement en raison de la frustration vécue par les migrants bloqués et des conditions de vie difficiles. Les mineurs risquent aussi d’être agressés sexuellement, y compris par les membres de gangs criminels. Les chercheurs de Harvard ont notamment documenté le cas d’une fillette de 7 ans qui a été agressée après avoir été entraînée dans une tente par un homme qui lui proposait de jouer sur son téléphone. Selon plusieurs intervenants interrogés sur place, les familles sont souvent réticentes à dénoncer les violeurs, de crainte de subir des représailles.

Où s’inscrit la prostitution dans cette dynamique ?

Le désespoir causé par les difficiles conditions de vie dans les camps et par la lenteur des canaux officiels de migration pousse certains jeunes à explorer des voies illégales pour gagner de l’argent et assurer leur survie ou payer les passeurs qui peuvent les aider à quitter la Grèce. Des mineurs se tournent notamment dans ce contexte vers la prostitution, soit de leur propre initiative, soit sous la pression de groupes criminels. « Il suffit de s’asseoir sur un banc dans un parc du centre d’Athènes pour voir ce qui se passe », relève Mme Bhabha. Selon la chercheuse, le prix par relation sexuelle est d’environ 22 $, une somme sans commune mesure avec les tarifs élevés des passeurs qui rendent leurs services pratiquement inaccessibles. « Des enfants se retrouvent dans les griffes des gangs, qui leur donnent de la drogue et les piègent » dans la dépendance, souligne la chercheuse, qui juge la situation intenable. « On ne peut pas permettre à ces pratiques de perdurer », dit-elle.

Qui est responsable de la situation ?

La Grèce, note Mme Bhabha, fait des efforts considérables pour répondre aux besoins des migrants, y compris les mineurs, mais ne dispose pas des infrastructures et des ressources humaines requises pour affronter adéquatement la crise. La véritable solution, dit la chercheuse, doit venir de l’ensemble des pays européens, qui refusent, dans la majorité des cas, d’accueillir le nombre de migrants prévu dans un plan de relogement contesté de 160 000 personnes. En date de décembre 2016, note le rapport de Harvard, 2413 migrants mineurs avaient été installés ailleurs, dont 191 qui n’étaient pas accompagnés. « C’est un problème continental qui demande une réponse continentale », plaide Mme Bhabha.

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