Profession

Courtiers sous pression

Les choses bougent rapidement dans l’immobilier, et les courtiers doivent s’adapter pour répondre aux besoins de leurs clients, qui se font proposer de nouvelles façons de vendre leur propriété dans un marché concurrentiel. Tendances.

UN DOSSIER DE NOTRE COLLABORATEUR YVON LAPRADE

Âpre concurrence

Vendre avec un agent ou planter sa pancarte sans faire appel aux services d’un courtier immobilier ? Voilà la question que se posent de nombreux propriétaires de maison, de condo ou de « plex », qui hésitent entre signer une entente avec un courtier ou s’en remettre aux services d’une firme qui conseille les vendeurs, comme DuProprio.

Les choix qui s’offrent aux vendeurs sont de plus en plus nombreux et tous ne sont pas prêts à verser une commission de 5 % à un courtier pour trouver un acheteur. Pour cette raison, ils seraient de plus en plus nombreux à tenter de vendre par eux-mêmes, pour économiser sur la commission.

« Le marché a beaucoup changé, concède le courtier Raynald Demers, de Century 21. On doit se battre contre des concurrents qui tentent de tuer la business », lance-t-il à propos de la firme DuProprio.

Mais il ajoute, dans la foulée : « Ça nous oblige à revoir nos méthodes pour répondre aux besoins de nos clients. Parce qu’il faut comprendre que dans notre métier, il y a de bons courtiers et des courtiers qui n’ont pas une bonne compréhension du marché. »

Sur la question des commissions, il déplore que certains courtiers aient tendance à exagérer et à ne pas tenir compte de l’évolution du prix des maisons aux cours des dernières années.

« Il y en a qui touchent jusqu’à 30 000 $ [à un taux de 6 %] pour une maison de 500 000 $, relève-t-il. Je trouve ça indécent, étant donné que le travail est le même, peu importe le prix de la maison. Ça nuit à l’image de la profession. C’est ça que les gens retiennent de notre travail, que nous touchons des commissions trop élevées. »

« Dans mon cas, je ne demande pas plus de 4 % à mes clients lors d’une transaction, et pas plus de 10 000 $, peu importe le prix de vente de la propriété. »

Les temps changent…

Chose certaine, précise Marco Dodier, président et chef de la direction de la firme DuProprio, « les temps changent » et « ce n’est plus vrai que les gens sont prêts à payer une commission à un courtier », croit-il.

« J’imagine que c’est la raison qui explique pourquoi nous connaissons une forte croissance, avec une part de marché de 20 %, fait-il valoir. Une pancarte sur cinq, au Québec, est aux couleurs de DuProprio. On nous choisit pour le bénéfice économique et pour la qualité de nos services. »

« On dérange l’industrie et il se fait beaucoup de désinformation à notre sujet. On veut faire croire que nous faisons du courtage immobilier, alors que ce n’est pas le cas. Nous aidons plutôt nos clients à vendre leur propriété. Nous sommes un facilitateur de transactions. »

— Marco Dodier, président et chef de la direction de DuProprio

Une question d’image

Marco Dodier a l’impression que les courtiers sont de plus en plus sous pression, en raison de la concurrence que son entreprise leur livre sur le terrain de la revente. « J’imagine que leur marché est un peu moins grand depuis qu’on a mis en lumière que c’est beaucoup d’argent, soulève-t-il, une commission de 5 % sur une maison qui a pris beaucoup de valeur ces dernières années. »

Et qu’en pense Nathalie Clément, à la tête de l’agence Via Capitale du Mont-Royal, sur le Plateau ? Les courtiers sont-ils trop bien payés pour vendre des propriétés ?

« Ceux qui gagnent bien leur vie dans l’immobilier travaillent généralement sept jours sur sept, rappellent leurs clients dans la demi-heure et consultent jusqu’à 100 courriels par jour », énumère-t-elle.

« Si on veut réussir dans cette profession, il faut être prêt à se plier aux exigences de nos clients, qui s’attendent à ce qu’on soit toujours disponible », précise la propriétaire de l’agence qui compte 70 courtiers.

Salaire moyen

lI n’existe aucune statistique disponible pour établir le salaire moyen et le nombre annuel de transactions d’un « bon courtier » qui exerce son métier à temps plein.

« Nous ne comptabilisons pas ce genre de données, confirme Jacynthe Alain, porte-parole de la Fédération des chambres immobilières du Québec (FCIQ). La base de données provinciale Centris des courtiers immobiliers ne comporte aucune information à ce sujet. »

Impossible, également, de déterminer avec exactitude le total des commissions versées aux courtiers annuellement. « Les taux de commission varient grandement en fonction de la gamme de services offerts, du type de propriété, du secteur ou du modèle d’affaires du courtier immobilier », explique la porte-parole de la Fédération.

Les courtiers exercent leur métier dans un marché de libre concurrence, il n’y a donc pas de « taux de référence » pour déterminer le taux de commission lors d’une transaction entre le vendeur et l’acheteur. Le taux de commission oscille autour de 4 à 5 %, selon les marchés et les régions. Il a déjà été de 7 %.

Un défi constant

Avec sa longue expérience acquise depuis 30 ans dans l’immobilier, Nathalie Clément se dit à même de constater que « 25 % des courtiers s’en tirent très bien », avec de bons revenus, tandis que « 75 % des courtiers trouvent ça plus difficile ». 

« Les courtiers qui travaillent dans mon agence gagnent très bien leur vie parce qu’ils sont très bons et qu’ils mettent les heures qu’il faut, soumet-elle. Je choisis des courtiers qui font ça à temps plein, et en fonction de leurs compétences. »

Elle ne cache pas que la profession de courtier a longtemps souffert d’un problème d’image, parce que des courtiers avaient parfois tendance à tourner les coins ronds. « Mais les choses changent et on voit de grandes améliorations », souligne-t-elle.

« Je suis en mission, ajoute-t-elle. C’est un peu mon obsession, de changer l’image négative de la profession de courtier. Je répète que nous devons constamment faire preuve de transparence, de rigueur et de professionnalisme. »

Avec commission

La somme versée à un courtier sert à payer :

La mise en marché (photos, publicité, collecte d’informations sur la propriété, démarchage pour trouver des clients)

Les heures consacrées aux visites (et l'organisation de ces visites)

La rédaction de la promesse d’achat (et son suivi)

La production des documents à transmettre au notaire (comme le certificat de localisation)

Note : La commission est partagée 50-50 si la transaction est réalisée en présence de deux courtiers. Le courtier doit verser une redevance de 10 à 20 % à son agence sur chaque transaction.

Sans commission

Les sommes versées à DuProprio servent à payer :

La mise en marché (prise de photos)

Des services-conseils (coachs en immobilier, assistance téléphonique)

Remise des documents à remplir pour la conclusion de l’offre d’achat

Note : Quatre forfaits sont proposés, et les prix varient de 699 $ (durée de quatre mois) à 1499 $ (jusqu’à la vente de la propriété).

La vie de courtier

Les courtiers immobiliers passent une grande partie de leur temps dans leur automobile, devant leur ordinateur ou au téléphone cellulaire. Et quand ils vont rencontrer des clients, c’est tout à leur avantage de porter de beaux habits…

« C’est une business d’image, convient Nathalie Clément, de Via Capitale. Le bien paraître est important. »

Au-delà des apparences, il faut aimer tenir un volant… « Je passe beaucoup de temps dans mon véhicule pour aller voir des clients et visiter des maisons avec eux. Chaque année, je parcours en moyenne plus de 50 000 km dans les Laurentides, mon secteur d’activité », explique Jean Leroux, de Proprio Direct.

Josée Legault, qui couvre le secteur de Mont-Tremblant, admet qu’il faut « s’investir pleinement, souvent sept jours sur sept », pour se faire de bons revenus.

« Il faut comprendre que si on ne vend pas, on n’est pas payé. Il arrive qu’on travaille pour rien, qu’on consacre des semaines et des mois à faire visiter une propriété sans parvenir à conclure une transaction. »

— Josée Legault

La courtière de Via Capitale affirme ne pas avoir eu de commentaires négatifs de clients à propos des commissions qui lui ont été versées après une transaction.

Pour sa part, le courtier Robert Cliche, également président de la Chambre immobilière de l’Abitibi-Témiscamingue, reconnaît que les courtiers ont dû s’ajuster – et réduire le taux de commission – pour tenir compte de la réalité du marché immobilier.

« Il y a 20 ans, se souvient-il, le taux de commission était de 7 % et les maisons se vendaient 78 000 $. Aujourd’hui, le taux est de 4 à 5 % et les maisons se vendent 200 000 $. »

« La question n’est pas de savoir quel est notre salaire de base, mais plutôt quelles sont nos dépenses de base ! »

De son côté, Jean-Marc Léger, également de Via Capitale, préfère parler des bons côtés de son travail. « Je ne compte pas mes heures parce que j’aime ça. Je ne suis pas à plaindre ! »

C’est aussi un abonné des stations-service. « Seulement pour mes déplacements en automobile, il m’en coûte 6000 $ d’essence par année ! », calcule-t-il.

Un métier moins populaire

Après avoir atteint un sommet en 2010, le nombre de courtiers immobiliers n’a jamais cessé de diminuer d’année en année.

Il y a huit ans, on dénombrait 15 016 courtiers au Québec. L’an dernier, la Fédération des chambres immobilières du Québec (FCIQ) comptait dans ses rangs 12 900 courtiers.

« Une des raisons possibles expliquant la baisse [d’environ 15 %] du nombre de courtiers est que les exigences pour devenir courtier n’ont jamais été aussi élevées et sévères », souligne Jacynthe Alain, porte-parole de la Fédération.

Elle rappelle qu’un aspirant courtier immobilier doit réussir l’un des programmes de formation de base, de quelque 500 heures, reconnus par l’Organisme d’autoréglementation du courtage immobilier du Québec (OACIQ).

Pour obtenir son permis d’exercice, le futur courtier doit ensuite passer avec succès l’examen de certification de l’OACIQ. En outre, depuis 2015, les courtiers immobiliers doivent également suivre un programme de formation continue obligatoire, à défaut de quoi leur permis d’exercice peut être suspendu.

« Ces formations portent sur le courtage d’achat, la déontologie et l’éthique ainsi que sur les modifications à la Loi sur le courtage immobilier », énumère-t-elle.

Nombre de courtiers au Québec (membres de la FCIQ)

2009 : 14 164

2010 : 15 016

2011 : 15 005

2012 : 14 425

2013 : 13 843

Source : FCIQ

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.