Opinion : Brexit

Le théâtre anglais

Deux semaines auront été nécessaires pour que la classe politique britannique s’effondre après le référendum sur le maintien de la Grande-Bretagne au sein de l’Union européenne.

Les trois plus importants partis en nombre de votes se retrouvent virtuellement sans chef. David Cameron a démissionné au lendemain du référendum et Boris Johnson a abandonné l’idée de se présenter pour le remplacer. Jeremy Corbyn a perdu la confiance de son caucus. Nigel Farage a démissionné en invoquant la « réussite » de sa cause.

Il y a des leçons à tirer de ces abandons successifs. Ce référendum n’aura jamais vraiment été un vote sur le maintien de la Grande-Bretagne au sein de l’Union européenne. L’analyse du politicologue Andrew Moravcsik est en voie de se confirmer : ce référendum a été et restera une campagne de pouvoir politique national.

La question du Brexit était une présentation théâtrale dramatique où tout un chacun portait un masque.

Cameron a été forcé par son aile parlementaire indépendantiste de promettre un référendum lors des dernières élections générales de 2015. Cette promesse lui a aussi permis de stopper l’hémorragie de votes vers l’UKIP. Une fois les élections et sa majorité parlementaire obtenues, il a dû se lancer dans l’aventure en étant convaincu que ce serait un jeu d’enfant. Le jeu s’est retourné contre lui, avec les conséquences que l’on connaît.

L’ancien maire de Londres Boris Johnson a lui aussi revêtu un costume. En prenant la tête du mouvement pour sortir de l’Union européenne, il se mettait au centre de la pièce de théâtre et dans une position avantageuse pour succéder ou, à tout le moins, pour contester le leadership de Cameron. Même une victoire courte du maintien aurait mis Cameron en difficulté.

Nigel Farage a aussi revêtu un masque. Sa cause indépendantiste a été au centre de l’attention médiatique plus que jamais. Même lui ne croyait probablement pas en ses chances de succès. Dans le cas d’une courte victoire du maintien, il aurait gagné en influence et en légitimité. Il aurait été possible pour le gouvernement britannique de se présenter à la prochaine rencontre du Conseil européen avec une excellente monnaie d’échange pour obtenir encore plus de concessions, tout en restant au sein de l’union.

LES MASQUES TOMBENT

Une fois le résultat du référendum connu, personne ne veut aller de l’avant. Il s’avère que la population a cru à la pièce. Malgré toute la fiction qui a été déroulée par le camp du Brexit – pour ne pas dire les mensonges éhontés et la déformation abusive des faits –, la pièce a été prise sérieusement, et ce, à la plus grande surprise des participants. L’absence de préparation et de plan en cas d’une victoire du Brexit sont maintenant à la vue de tout le monde. Les masques sont tombés. Dès le lendemain du vote, Farage a avoué que la campagne du Brexit avait commis une « erreur » en chiffrant le coût de l’Union européenne à 350 millions de livres par semaine. La promesse d’investir cette somme dans le système de santé n’est finalement qu’une proposition ou une possibilité.

Les démissions successives des différents chefs de parti coulent de source. Placés devant à la conséquence de leurs actions, ils empruntent tous la sortie de secours des coulisses. Après avoir mené son grand bluff, la Grande-Bretagne se trouve face à elle-même. Soit elle avoue son bluff et elle perdra toute la force et la légitimité de ce vote populaire ; soit elle va de l’avant et l’article 50 doit être invoqué bientôt. Le plus grand problème, c’est que personne ne veut porter l’odieux ou le ridicule de cette décision et être celui sur lequel le rideau tombe à la fin de la pièce.

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.