Pour contrer le vieillissement de la population

Une étude suggère de hausser les taxes à la consommation plutôt que l’impôt

Le vieillissement de la population amènera son lot de défis budgétaires au gouvernement du Québec au cours des prochaines décennies.

Oui, il y aura une hausse des dépenses, notamment en santé.

Mais on oublie que le vieillissement de la population affectera aussi (à la baisse) les revenus de l’État québécois tirés de l’impôt sur le revenu. Une solution pour contrer ce dernier phénomène : miser davantage sur les taxes à la consommation (ex. : la TVQ) et moins sur l’impôt sur le revenu des particuliers, selon une nouvelle étude québécoise publiée mercredi. Cette solution serait aussi plus équitable envers les jeunes générations, selon les chercheurs.

Pourquoi privilégier les taxes à la consommation plutôt que l’impôt sur le revenu si votre population vieillit ? À long terme, à mesure que la population vieillit, les taxes à la consommation sont un revenu plus stable pour l’État que l’impôt sur le revenu. Pourquoi ? Parce que les contribuables paient généralement moins d’impôts sur leur revenu à la retraite que lorsqu’ils sont sur le marché du travail, mais leur consommation diminue très peu avec l’âge.

« Avec le vieillissement de la population, il y a un enjeu de croissance des recettes [fiscales pour le gouvernement du Québec]. Cet enjeu est plus grand quand on utilise l’impôt sur le revenu que les taxes à la consommation », dit le professeur Luc Godbout, coauteur de l’étude et titulaire de la Chaire en fiscalité et en finances publiques de l’Université de Sherbrooke. « Ce n’est pas un constat qu’on est seul à faire, l’OCDE [Organisation de coopération et de développement économiques] estime aussi que le Canada sous-utilise les taxes à la consommation. »

L’étude de la Chaire en fiscalité et en finances publiques de l’Université de Sherbrooke et de la Chaire de recherche sur les enjeux économiques intergénérationnels (HEC Montréal/ESG-UQAM) calcule que le vieillissement de la population causerait une baisse de 10 % des recettes de l’impôt sur le revenu (comparativement aux recettes sans une population vieillissante). Les taxes à la consommation seraient seulement en baisse de 1 %. Comme le gouvernement du Québec compte sur l’impôt sur le revenu davantage que les taxes à la consommation pour se financer, le vieillissement de la population affectera davantage ses revenus.

Six chercheurs, dont les économistes Luc Godbout et Pierre-Carl Michaud (HEC Montréal), proposent donc que Québec mise davantage sur les taxes à la consommation et moins sur l’impôt sur le revenu des particuliers. Il ne s’agit pas de payer plus d’impôts actuellement, préviennent-ils. Au contraire, en 2021, le fardeau fiscal des Québécois resterait le même. Les changements se feraient au départ à coût nul pour les contribuables : Québec augmenterait les taxes à la consommation, mais diminuerait d’autant l’impôt sur le revenu des particuliers. (Sans toucher à l’impôt sur les profits des sociétés.)

Jusqu’à 6,6 milliards de plus en 2060

Selon l’ampleur du changement de structure fiscale (le « redosage fiscal » pour les initiés), le gouvernement du Québec pourrait générer jusqu’à 6,6 milliards de dollars (en dollars de 2019) en revenus fiscaux additionnels en 2060, conclut l’étude.

En 2020-2021, le gouvernement du Québec récoltera 35 milliards en impôts sur le revenu des particuliers et 20 milliards en taxes à la consommation, donc 55 milliards pour ces deux sources de revenus. Québec a des revenus totaux de 118 milliards (88 milliards en revenus autonomes et 30 milliards en transferts fédéraux).

Pour montrer à quel point un transfert d’une partie du fardeau fiscal de l’impôt sur le revenu vers les taxes à la consommation serait avantageux dans un contexte de vieillissement de la population, les six chercheurs ont élaboré trois scénarios.

Premièrement, un transfert minime de 1 % du fardeau fiscal de l’impôt sur le revenu vers les taxes à la consommation. C’est comme si on haussait la TVQ de 9,98 % à 10,08 %, tout en donnant une baisse d’impôt équivalent (voir note 1).

Deuxièmement, un transfert moyen de 9 % de ce fardeau fiscal (ex. : la TVQ passerait de 9,98 % à 10,87 %). (voir note 1)

Troisièmement, un transfert important de 25 % de ce fardeau fiscal (ex. : la TVQ passerait de 9,98 % à 12,47 %). (voir note 1)

De façon générale, les économistes estiment que les taxes à la consommation sont meilleures pour la croissance économique que l’impôt sur le revenu. On pourrait donc s’attendre à une croissance économique accrue si on modifiait la structure fiscale. « L’idée du redosage, c’est d’aller vers des façons de collecter de l’argent qui sont moins dommageables pour l’économie », dit Suzie St-Cerny, chercheuse à la Chaire en fiscalité et en finances publiques de l’Université de Sherbrooke. Selon les chercheurs, il serait aussi possible d’ajuster les crédits d’impôt ou d’adopter d’autres mesures budgétaires pour réduire les inégalités économiques avec les taxes à la consommation.

Plus équitable pour les jeunes

Autre avantage d’une telle réforme : les générations plus âgées (qui nécessiteront davantage de dépenses, notamment en santé) paieraient une partie plus importante de la facture fiscale. « Le redosage fiscal permettait de conserver nos acquis et de garantir une plus grande équité intergénérationnelle [en augmentant le poids fiscal des générations plus âgées] », dit Julien Navaux, chercheur à la Chaire de recherche sur les enjeux économiques intergénérationnels (HEC Montréal/ESG-UQAM).

L’étude a été réalisée par six chercheurs de la Chaire en fiscalité et en finances publiques de l’Université de Sherbrooke et de la Chaire de recherche sur les enjeux économiques intergénérationnels (HEC Montréal/ESG-UQAM). Parmi les chercheurs, Luc Godbout a présidé la Commission sur la fiscalité qui recommandait de miser davantage sur les taxes à la consommation, et Pierre-Carl Michaud était l’un des membres de cette commission.

Note 1 : Pour l’ajustement du taux de la TVQ dans les trois scénarios, c’est un calcul de La Presse et non de l’étude. En réalité, c’est un peu plus complexe, car il faudrait hausser du même pourcentage tous les types de taxes à la consommation (ex. : la taxe sur l’essence), mais ça donne un ordre de grandeur.

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