PME Sous la loupe

Bien fabriquer, bien expédier

Ce n’est pas tout de concevoir et de fabriquer les meilleurs produits possible. Encore faut-il qu’ils se rendent intacts à destination. C’est le défi qu’a dû relever le fabricant de baignoires Wetstyle.

Quand Mark Wolinsky a acquis Wetstyle, en 2009, il a vu tout le potentiel de la PME montréalaise. Ce dont il ne se doutait pas, c’est à quel point il y avait du travail à faire pour concrétiser ce potentiel.

Il faut dire que le principal marché de l’entreprise, les États-Unis, venait de sombrer dans une profonde récession. « La première année, nos ventes ont plongé de 40 % », raconte M. Wolinsky, qui a fait fortune dans le secteur des télécommunications au Canada anglais avant de s’installer à Montréal avec sa famille.

Pour contrer ces forts vents de face, l’entrepreneur a d’abord remanié l’équipe de vente de Wetstyle et embauché une firme de publicité de Chicago afin d’accroître la notoriété de la marque.

Mais un problème encore plus criant, voire carrément embarrassant, allait rapidement mobiliser les dirigeants et les employés de l’entreprise : l’expédition. Il arrivait parfois que des clients qui déboursaient de 5000 à 10 000 $ pour une baignoire haut de gamme recevaient un produit endommagé, l’emballage ne l’ayant pas bien protégé des aléas du transport. On imagine facilement leur réaction.

S’y connaissant peu en la matière, Mark Wolinsky a fait appel à une firme spécialisée, Emballages Cre-O-Pack. Depuis ses débuts, Wetstyle empaquetait ses baignoires à la verticale afin d’économiser de l’espace dans les remorques. Mais en voulant ainsi réduire ses coûts, l’entreprise nuisait à sa réputation. Il fallait absolument livrer à l’horizontale et améliorer la qualité de l’emballage.

Ce n’était pas tout. On s’est rendu compte que le matériau de base des baignoires n’était pas suffisamment résistant pour de longs trajets en camion. « Il y avait trop d’air dans nos polymères, il fallait qu’ils soient plus durs », explique M. Wolinsky.

Après plusieurs essais et erreurs, Wetstyle a trouvé une bonne formule pour ses polymères. « Les problèmes de qualité que nous avions sont chose du passé depuis longtemps, se réjouit le président de l’entreprise. Nous ne voyons pratiquement plus de dommages à l’expédition. »

Par contre, il ne faut jamais baisser la garde. « Le défi aujourd’hui, c’est de faire en sorte que les nouveaux employés apprennent à suivre rigoureusement toutes les étapes de notre processus d’expédition, et ce n’est pas si simple », relate Mark Wolinsky.

NOUVEAU MATÉRIAU, NOUVEAUX SOMMETS

Wetstyle a poursuivi ses expérimentations avec d’autres matériaux dans le but de se donner un avantage concurrentiel. C’est ainsi qu’en 2013, l’entreprise a remplacé les résines pétrochimiques qui entraient dans la fabrication de ses baignoires et de ses lavabos par un matériau constitué principalement de soya et de minéraux, le Wetmar Bio. « Même si ça a fait augmenter nos coûts de production, nous n’avons pas haussé nos prix », souligne M. Wolinsky.

Les efforts de l’entrepreneur et de son équipe ont fini par porter leurs fruits. Chaque année depuis 2011, Wetstyle enregistre un chiffre d’affaires record. Ses baignoires, ses lavabos, ses douches, ses meubles et ses accessoires de salle de bains sont vendus partout dans le monde. À Montréal, on peut notamment les trouver au Ritz-Carlton et à l’hôtel W.

L’entreprise tente à présent d’élargir son marché avec le lancement, plus tôt cette année, de sa nouvelle famille de baignoires et de meubles W2. Il s’agit de produits « simplifiés » qui offrent moins de possibilités de personnalisation. Ils sont vendus de 30 à 50 % moins cher que ceux des gammes classiques de Wetstyle.

En six ans, le nombre de salariés est passé d’une dizaine à 40. L’entreprise est désormais à l’étroit dans son usine de Beloeil et projette d’en ouvrir une plus grande l’an prochain. « Nous allons accroître la mécanisation de la production, mais il y aura toujours beaucoup de travail manuel », indique Mark Wolinsky, en précisant qu’il faut de trois à cinq heures pour polir une baignoire.

« Nous ne sommes pas encore rendus là où nous voulons aller, mais nous sommes sur la bonne voie », conclut l’entrepreneur.

Quatre conseils pour bien expédier

Comment s’assurer que ses produits arrivent en bon état chez le client ? Jean-Sébastien Comtois, vice-président et associé de la firme Cre-O-Pack, nous donne quelques conseils.

Y penser tôt

« Trop souvent, des entreprises passent des années à concevoir des produits novateurs et ce n’est qu’à la toute fin, presque en panique, qu’elles pensent à l’emballage et à l’expédition », affirme M. Comtois. Pourtant, il peut valoir la peine d’intégrer l’aspect logistique dans le processus de conception d’un produit, comme le fait le géant IKEA.

S’adapter aux canaux de distribution

Le choix de l’emballage dépend du mode de livraison. Ainsi, il pourrait être avantageux de concevoir un emballage plus résistant pour les produits qui seront surtout expédiés individuellement par l’entremise de services de messagerie comme FedEx ou UPS. En revanche, les produits livrés en grandes quantités aux magasins à grande surface pourront être habillés plus légèrement.

Prévoir un budget adéquat

L’emballage est souvent le premier contact du client avec le produit. « Il reflète l’image de l’entreprise », rappelle M. Comtois. Il importe donc d’en concevoir un qui ne soit ni trop minimaliste (risque accru de bris), ni trop fastueux (risque de heurter la conscience environnementale). Historiquement, on calculait que le coût de l’emballage devait représenter environ 1 % du coût d’un produit, mais en réalité, c’est souvent davantage, indique le dirigeant de Cre-O-Pack.

Consulter la bonne personne

Plusieurs entreprises proposent des services-conseils en emballage, mais certaines d’entre elles ont tendance à proposer les produits qu’elles fabriquent même si ceux-ci ne sont pas les mieux adaptés à vos besoins. Il convient donc d’en consulter quelques-unes avant de prendre une décision. Pour les produits fragiles, des laboratoires offrent des services de simulation qui permettent de tester la résistance aux chocs de différents emballages, relève Jean-Sébastien Comtois.

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