Santé mentale

Les médicaments contre le TDAH diminuent les risques de suicide, selon une étude

Une nouvelle étude montréalaise remet en question une décision de Santé Canada rendue l’an dernier. L’organisme fédéral demandait alors aux fabricants de plusieurs médicaments pour traiter le trouble du déficit de l’attention avec hyperactivité (TDAH) d’inclure sur leurs emballages une mention indiquant que ces médicaments peuvent augmenter les risques de suicide. Or, selon les chercheurs, cette médication entraînerait plutôt une diminution des risques de suicide.

Publiée dans la revue The Lancet, cette étude note que le taux de suicide chez les adolescents québécois a diminué de moitié entre 2001 et 2011, alors que l’utilisation des médicaments contre le TDAH a triplé.

« Ce qui nous a motivés, c’est la crainte qu’on réduise la propension à utiliser le traitement du TDAH, explique Alain Lesage, psychiatre à l’Institut universitaire en santé mentale de Montréal, l’auteur principal de l’étude. C’est un trouble courant chez les enfants et le traitement est efficace. » 

« Si les médicaments pour le TDAH risquent d’augmenter le taux de suicide, on aurait dû le voir augmenter déjà. »

— Le psychiatre Alain Lesage

Quelles sont les études liant ces médicaments au suicide ? « Ce sont des essais randomisés qui montrent parfois une augmentation des tentatives de suicide, dit le Dr Lesage. Mais pas des suicides, qui sont des phénomènes rares qui nécessitent des échantillons de l’ordre de 5 à 10 millions de personnes pour qu’une augmentation du risque soit détectée. Aucune étude clinique ne fait ça. Mais une tentative de suicide, ce n’est pas la même chose qu’un suicide. »

SANTÉ CANADA APPELÉ À REVOIR SES MÉTHODES

Selon le Dr Lesage, Santé Canada devrait plutôt se baser sur les études cliniques dites de « phase quatre », menées après l’approbation d’un médicament. Contrairement aux études cliniques servant à l’approbation d’un médicament, celles de la phase quatre sont menées avec des données épidémiologiques générales, comme celles utilisées par les chercheurs montréalais pour l’étude publiée dans The Lancet. « Dans notre étude de phase quatre, on voit qu’il y a une diminution du suicide, pas une augmentation », affirme le Dr Lesage.

Aux États-Unis, les autorités réglementaires (Food and Drug Administration, FDA) ont imposé en 2005 des avertissements similaires sur le risque de suicide à un seul médicament pour traiter le TDAH, le Strattera.

Quand il n’est pas traité, le TDAH peut causer des troubles scolaires et d’estime de soi, menant à des problèmes de comportement, voire à des démêlés avec la justice et à l’abus de drogue. Il s’agit d’autant de problèmes qui augmentent le risque de suicide, note le Dr Lesage. La popularité des médicaments pour traiter le TDAH pourrait donc même être liée à la baisse du nombre de suicides.

ANTIDÉPRESSEURS ET ADOLESCENTS

Il y a une douzaine d’années, la FDA et Santé Canada ont imposé un avertissement de risque de suicide pour certains antidépresseurs pour les adolescents. En 2014, une étude américaine publiée dans le British Journal of Medicine a noté une baisse de 30 % de l’utilisation d’antidépresseurs et une augmentation de 22 % des tentatives de suicide chez les adolescents dans les six ans suivant l’introduction des avertissements. Au Canada, une étude manitobaine publiée dans le Canadian Medical Association Journal a calculé en 2008 que l’utilisation des antidépresseurs avait diminué de 14 % et que le nombre de suicides avait augmenté de 25 % chez les enfants et les adolescents dans les deux ans ayant suivi l’introduction des avertissements.

EN CHIFFRES

3 % : Proportion des Québécois de 10 ans qui prenaient un médicament pour traiter le trouble du déficit de l’attention en 2000

9 % : Proportion des Québécois de 10 ans qui prenaient un médicament pour traiter le trouble du déficit de l’attention en 2011-2012

50 % : Baisse du taux de suicide chez les adolescents québécois entre 2001 et 2011

SOURCE : The Lancet

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