Zéro Déchet

Noël, tout simplement

Le temps des Fêtes offre un passeport pour des excès de toutes sortes. Et si on revisitait la magie de Noël et ses traditions pour en créer de nouvelles, plus simples, moins stressantes, plus respectueuses, plus vraies ? C’est ce que visent ceux que nous avons rencontrés. L’objectif : remettre le compteur à zéro, comme dans « zéro déchet », gaspillage et surconsommation.

UN DOSSIER D’ISABELLE MORIN

Réinventer les Fêtes

Il n’y aura pas des tonnes de cadeaux sous le sapin à Noël chez Laure Caillot. « Mon conjoint et moi, on va probablement s’offrir plutôt un chalet en famille. Ce sera ça, notre cadeau », prévoit la consultante en « zéro déchet » et auteure du site Lauraki.

« Il m’est arrivé, certains Noëls, de voir une multitude de cadeaux et des enfants qui ne sont même plus intéressés à les ouvrir. Ça fait que maintenant, on ne s’offre presque plus de cadeaux. On passe du temps ensemble », dit-elle.

Pour leur fille de 6 ans, les choses seront un peu différentes, père Noël oblige. « On respecte le fait qu’elle est une enfant et qu’elle a envie de déballer un cadeau le matin de Noël. Elle va recevoir un livre ou un objet dont elle a vraiment envie, dit sa mère, mais on insiste beaucoup sur le temps passé ensemble. Elle commence à comprendre un peu le pourquoi de nos habitudes. On les lui explique clairement. »

L’année dernière, ses parents l’ont accompagnée dans l’élaboration de sa liste de souhaits et dans la recherche de jouets durables. Le choix était judicieux : elle joue encore avec ! Pour son anniversaire, qui coïncidait avec un voyage à New York, elle est aussi montée tout en haut de l’Empire State Building : un cadeau qui n’est pas matériel, mais qui ne s’oublie pas.

Les envies de l’entourage et des grands-parents ont parfois dû être tempérées, affirme Laure Caillot. « Nous, dès qu’on a annoncé qu’on attendait un enfant, on a dit : stop, ne vous ruez pas pour faire des cadeaux. On n’a pas besoin de beaucoup de choses. On a passé quelques petits messages et les grands-parents, de chaque côté, respectent ça. Il ne faut pas hésiter à verbaliser ses attentes et à en parler. » La magie de Noël, croit-elle, c’est dans les petits gestes que ça se passe, beaucoup plus que dans la décoration ou les cadeaux.

Conseils pour un Noël plus simple

Des rituels personnalisés

Laure a confectionné un calendrier de l’avent qu’elle remplit en fonction de ses envies. Une année, ce fut un casse-tête d’occasion réparti dans les petites pochettes, qui a fini par prendre forme à Noël. « Ça peut aussi être un bonbon, un chocolat, une activité spéciale comme de se faire un ciné popcorn sur le canapé en semaine, alors que ce n’était pas prévu », suggère-t-elle.

Un sapin sur mesure

L’arbre de Noël naturel est un incontournable. « Mais c’est notre limite et on n’y met pas une multitude de décorations », précise la jeune maman. Celles qu’elle a sont durables et, dans certains cas, sentimentales. « Je pense qu’il faut regarder ce qu’on a déjà. A-t-on vraiment besoin de racheter une nouvelle couronne ? Et qui a dit qu’il fallait accrocher des boules de Noël du commerce dans le sapin ? », demande Laure. Pourquoi pas des pelures d’orange, des cartes, des dessins, des objets de toutes sortes  ?

Emballer sans s’emballer

Les cadeaux sont emballés dans les sacs à vrac en tissu que Laure utilise pour faire les courses et qu’elle décore pour l’occasion avec des rubans et des boucles pigés dans sa trousse de couture. « Les sacs sont récupérés une fois l’objet offert et personne ne s’en est plaint jusqu’à maintenant », dit-elle en riant. On peut aussi utiliser du papier journal ou magazine, réutiliser de vieux emballages ou mettre les enfants à contribution avec leurs dessins, suggère-t-elle encore. 

La vaisselle :  une responsabilité collective

Même lors des réceptions, la famille utilise des serviettes et de la vaisselle réutilisables. « Si on est nombreux, on peut demander à s’en faire prêter ou que nos convives en apportent. » Le bonus : ils seront plus motivés à faire la vaisselle pour repartir avec leurs morceaux ! Si on fait affaire avec un traiteur, on peut s’assurer qu’il apporte ses assiettes, ses serviettes en tissu, et qu’il est sensible aux questions du gaspillage.

Du temps pour les autres et pour soi

Il y a 10 ans, Amélie Côté et Mélissa de La Fontaine seraient possiblement passées pour les Grincheuses de Noël. Aujourd’hui, elles sont on ne peut plus dans l’air du temps. Les décorations de Noël ? Niet. Le magasinage des Fêtes ? Limité. Du temps de qualité ensemble et pour soi ? Ça, oui.

Chacun établit les limites qui lui conviennent quand il est question d’alimenter la magie des Fêtes, disent ces deux partisanes du « zéro déchet ». L’idée n’est pas d’être rabat-joie, mais il y a peut-être lieu de se questionner sur ce dont on a besoin pour être heureux à Noël, tout en restant fidèle à ses valeurs.

Les décorations de Noël, par exemple. « Y a des gens pour qui c’est un incontournable. Pas pour nous », dit la consultante en environnement Mélissa de La Fontaine. Elle a déjà décoré sa plante-araignée avec des rubans et des boules, dit-elle, et mis des lumières de Noël qui finissaient mâchouillées par son chat : terminé pour elle.

« Si j’avais plein de temps pour moi, je décorerais, mais je décide de prioriser autre chose. Même pour la bouffe, je fais toujours les mêmes choses, parce que ça me stresse moins, et souvent, je propose à des amis de cuisiner avec moi. Pour moi, Noël, c’est ça : passer du temps avec les gens que j’aime et me reposer. »

La base du « zéro déchet » est de refuser. S’il n’y a pas de valeur ajoutée, la réponse est simple : passer à un autre appel. « Je suis très peu portée sur la décoration en général, et comme, pour moi, le temps des Fêtes rime avec surplus d’activités, j’essaie de décroître », soutient également la spécialiste en gestion des matières résiduelles Amélie Côté.

À cette question : « Faut-il choisir un sapin de Noël naturel ou artificiel ? », la manière la plus radicale de répondre est de réduire tout simplement la quantité de sapins consommés, tranche-t-elle. « Sinon, le moindre impact serait de trouver un sapin réutilisable usagé et de le garder longtemps, ou d’acheter un sapin en pot qu’on peut sortir et rentrer aux Fêtes. »

L’entreprise Titi Sapin offre aussi l’option d’adopter un petit sapin pour le temps des Fêtes et de le renvoyer au Pays des Titi sapins ensuite, ou de le planter au printemps.

Conseils pour un Noël plus simple

L’option végétarienne

Amélie Côté, 34 ans, habite en colocation. Mélissa de La Fontaine, 30 ans, habite seule dans un 2 1/2. Il n’y aura pas de réception chez elles, mais elles apportent volontiers des plats végétariens. La tourtière aux pois chiches et champignons de Mélissa, par exemple, remporte chaque année un certain succès et s’offre bien en cadeau. « On parle de plus en plus de l’empreinte environnementale de la viande, dit Amélie. Souvent, les buffets de Noël sont remplis d’options très carnées. Moi, ma contribution, c’est d’amener des alternatives avec des légumes locaux. »

Un cadeau fait au Québec

« Moi, ce qui me choque, dit Amélie, c’est l’achat d’objets souvent fabriqués en Chine, dont on n’a pas nécessairement besoin et qu’on fait sans se soucier de leur empreinte environnementale et sociale. » Comme sa famille est « très recomposée », elle a opté pour l’échange de cadeaux. Chez son père, par exemple, on offre un cadeau fait au Québec, qui peut aussi être fabriqué par la personne qui donne ou être de seconde main.

Diminuer la pression

Mélissa de La Fontaine a opté pour « une approche chill ». « Moi, les cadeaux, je ne souhaite plus en donner et en recevoir. Je ne dis pas que ce n’est jamais le cas, mais je le fais à tout moment de l’année où c’est opportun. » À Noël, lors de la remise de cadeaux, Mélissa se sert une petite coupe de vin et observe la scène de loin. « C’est ma façon de gérer les cadeaux et ça me fait tellement de bien parce que le pré-Noël est beaucoup moins stressant. Pour moi, le “zéro déchet” est devenu juste un bon prétexte pour arrêter de jouer ce jeu-là ! »

S’habiller sans y laisser sa chemise

Acheter d’occasion et local, c’est une belle façon de renflouer sa garde-robe. Faire des échanges de vêtements ou en emprunter à des amis aussi. On peut même en louer. Mais l’idée qu’on n’a pas le droit de remettre la même tenue d’une année à l’autre est à revoir, selon Mélissa. « C’est une pression sociale qu’on se met et qui n’est pas nécessaire. J’ai quelques robes que je tourne depuis des années. Je finis par remettre les mêmes, et c’est bien correct ! »

Consultez notre dossier sur la mode écoresponsable

https : //www.lapresse.ca/vivre/mode/201811/30/01-5206219-mode-pour-une-garde-robe-ecoresponsable.php

Se déconnecter

« On parle du temps des Fêtes comme d’un moment pour passer du temps de qualité en famille. Ça peut aussi être un moment pour ralentir et passer du temps loin de nos écrans, propose Amélie. Ça permet de se reconnecter à notre environnement physique et aux gens qui nous entourent. L’informatique a aussi un impact environnemental, autant la production de ces appareils que leur utilisation », fait-elle remarquer.

FAIRE LA FÊTE sans gaspiller

En 2016, le chef Guillaume Cantin s’est vu lancer le défi de faire un souper gastronomique avec des déchets alimentaires. Ce n’était pas une matière de premier choix, mais l’ancien chef du restaurant Les 400 coups s’est fait prendre au jeu. Une semaine plus tard, il avait les mains dans les poubelles des épiceries et fruiteries du quartier Rosemont.

« Ce qui nous a marqués, raconte-t-il, c’est la quantité énorme de nourriture gaspillée et, surtout, la qualité de ces denrées : des produits mûrs à point et des fruits gorgés de sucre. » En sondant les commerçants, Guillaume et son équipe ont pu constater que les entreprises n’avaient pas de solution pour valoriser ces invendus de qualité. Le concept de La Transformerie est né : convertir ces produits en tartinades salées et sucrées, et les mettre en conserve pour en capturer le goût à son apogée.

Inutile de préciser que le gaspillage alimentaire est un sujet qui le préoccupe, et celui des célébrations entourant Noël en fait partie. « L’aspect nourriture est vraiment important pour moi, souligne le chef. La magie du temps des Fêtes est liée à la nourriture et au fait d’être avec ma famille à relaxer, à passer du temps ensemble, à manger. »

L’abondance est cependant à double tranchant. Facile de tomber dans la surconsommation, observe-t-il. Une bonne partie de la solution réside, selon lui, dans la planification.

Le 31 décembre, c’est habituellement lui qui reçoit avec un buffet. « Il faut être clair dans l’expression de nos besoins et des quantités nécessaires pour le nombre d’invités », suggère-t-il dans le cas des potlucks, ou repas-partage. La personne qui invite peut y veiller au moyen d’un document partagé avec les convives. Le nombre de plats gagne souvent aussi à être réduit.

« Des fois, on est obligés d’acheter plus parce que les aliments sont préemballés à l’épicerie. Si on peut prioriser le vrac, on élimine du coup l’emballage, tout en prenant uniquement les quantités nécessaires. » Le réflexe, observe-t-il encore, est souvent d’acheter « au cas où ». « Mais est-ce que ça nous est déjà arrivé d’en manquer ? Souvent, le “au cas où” vient rajouter une couche de trop. »

Enfin, conseille Guillaume, il ne faut pas avoir peur d’utiliser un ingrédient plusieurs fois dans le menu. « Ces temps-ci, c’est le temps des courges, donne-t-il en exemple. Le problème n’est pas que c’est vendu en trop grand nombre, mais que c’est gros. » Pourquoi se mettre des barrières ? On peut l’utiliser dans plusieurs recettes et présenter les graines en apéro. Finalement, ça coûte aussi moins cher parce qu’on achète moins d’ingrédients et qu’on les utilise pleinement.

Conseils pour un Noël plus simple

Mieux conserver

Le buffet n’a pas besoin de rester sur la table pendant cinq heures, conseille-t-il. Sortez plutôt les plats au fur et à mesure et assurez-vous de conserver les aliments plus fragiles sur un réchaud, dans une mijoteuse ou sur la glace, selon les besoins. « Si les gens ont faim en soirée, je préfère ressortir le stock que de laisser ça là et en jeter à la fin. »

Gérer les portions

« Moi, je prends toujours des assiettes plus petites, ce qui fait que les gens sont obligés de se resservir. On peut faire comprendre gentiment aux gens qu’il y a autre chose qui s’en vient et qu’ils peuvent donc se garder de la place », indique Guillaume.

Et les restes ?

Les restes sont inévitables, mais trop, c’est trop ! Mieux vaut prévenir en gérant adéquatement les quantités en amont. Le jour même, assurez-vous d’avoir assez d’espace au frigo pour les récupérer, conseille-t-il, et ayez le réflexe de congeler pour des repas ultérieurs. « Et puis si on a des restes, il ne faut pas avoir peur de les partager avec les voisins ou nos invités. »

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