NOUVELLE TARIFICATION DANS LES GARDERIES

DE 7 À 20 $

C’est la fin du tarif unique à 7 $ pour les enfants fréquentant les CPE. Québec annoncera aujourd’hui que le prix d’une place en garderie sera modulé selon les revenus des parents, qui absorberont la hausse dans leur déclaration fiscale.  À l’évocation de ce scénario, mardi, l’ex-première ministre Pauline Marois confiait être profondément attristée par l’intention du gouvernement libéral d’altérer le plus célébré de ses legs politiques.

NOUVELLE TARIFICATION DANS LES GARDERIES

Les tarifs seront modulés selon les revenus

Après bien des tergiversations, le gouvernement Couillard est revenu à une formule plus simple : tous les parents continueront à payer le même tarif pour leurs enfants en centre de la petite enfance. Toutefois, en faisant leur déclaration de revenus, les plus fortunés sentiront qu’une hausse importante a été décrétée.

La ministre de la Famille, Francine Charbonneau, doit lever le voile aujourd’hui sur la décision adoptée finalement au Conseil des ministres, hier. Seuls des problèmes techniques, peu probables, pourraient repousser l’annonce d’une journée. Mardi, les députés avaient, dans un caucus extraordinaire, eu à se prononcer sur les scénarios envisagés par Québec. Un projet de loi sera déposé avant l’ajournement des Fêtes, le 5 décembre ; la mise en vigueur de la nouvelle formule devrait cependant attendre son adoption, à la session du printemps prochain.

On soutiendra que le gouvernement ne fait pas d’économies dans cette réforme. En fait, en tenant compte de la fiscalité fédérale, dans les officines gouvernementales, on estime qu’environ 120 millions, sur un an, seront ainsi récupérés par Québec.

À l’entrée, soit à la garderie, le tarif restera au plancher actuel, à 7,30 $ pour tout le monde. Québec a opté pour une « fiscalisation » de la nouvelle grille, pour arrimer le tarif des places au revenu des parents, comme l’avait indiqué le premier ministre Couillard dès le début de l’automne.

PLAFOND À 20 $ PAR JOUR

En tenant compte de l’impôt, toutes les familles dont le revenu familial net est inférieur à 75 000 $ par an resteront au tarif de base, soit 7,30 $ actuellement. Au-delà, il sera de 8,00 $ et s’élèvera progressivement. On atteindra 12,00 $ par jour pour un revenu familial net de 100 000 $ et on frappera le plafond, soit 20,00 $ par jour, pour les familles qui gagnent plus de 200 000 $ après impôts.

Aujourd’hui, Mme Charbonneau soutiendra que le gouvernement a opté pour le maintien de l’aide aux familles et a voulu éviter le « choc tarifaire » d’une augmentation imposée à tous les parents, quel que soit leur revenu.

Mais c’est au prix d’échanges houleux qui ont créé des divisions chez les élus et les membres du gouvernement que la décision a finalement été arrêtée. Trois réunions de caucus, la semaine dernière, ont été nécessaires pour calmer les angoisses des députés, inquiets devant les manifestations qui se multipliaient dans leur circonscription.

Au cours des dernières semaines, les scénarios envisagés ont été aussi compliqués que nombreux. Québec a longtemps jonglé avec l’idée d’un tarif haussé à 15 $ pour tout le monde, « mais cela aurait été difficile à vendre politiquement », de résumer une source au sein du gouvernement. Plus compliqué encore, le scénario d’une hausse à 35 $ par jour la place en garderie, qui aurait été neutre pour les bas revenus, ceux-ci bénéficiant de remboursements rapides de leurs crédits d’impôt. Mais la taille de la facture ne tenait pas la route pour un gouvernement qui avait promis, justement, d’éviter « le choc tarifaire » critiqué lorsque le Parti québécois avait décidé de hausser les tarifs.

Nouvelle tarification dans les garderies

Marois « profondément triste » pour les CPE

Déçue par la remise en question des garderies à 7 $, la mère des CPE monte au créneau pour critiquer les plans du gouvernement Couillard et défendre le plus célébré de ses legs politiques.

Pauline Marois croit que la modulation des tarifs des centres de la petite enfance (CPE) en fonction du revenu des parents pourrait nuire à l’égalité entre les hommes et les femmes, en plus d’être très lourde sur le plan bureaucratique, a-t-elle confié mardi à La Presse.

« Je suis profondément triste de ce que fait le gouvernement actuel », a affirmé Mme Marois en entrevue avec La Presse, alors qu’elle commentait le sujet pour la première fois. « Je trouve ça profondément dommage. »

« S’il y avait une politique, à mon point de vue, qui permettait une solidarité entre les classes, c’était bien celle-là, a-t-elle ajouté. Les politiques familiales adoptées par le Québec au fil des ans sont « un grand pas qui a été franchi pour libérer les femmes ».

SORTIR LES FEMMES DE LA PAUVRETÉ

En entrevue avec La Presse sur un autre sujet, Pauline Marois a expliqué qu’elle pensait particulièrement aux femmes démunies en mettant sur pied le réseau des CPE, à la fin des années 90. Elle revendique d’ailleurs l’étiquette de « féministe » comme un badge d’honneur.

« Les services de garde, ça a permis à beaucoup de femmes qui étaient bénéficiaires de l’aide sociale de sortir de leur pauvreté et d’accéder à plus d’autonomie. Ce sont des grands pas qui ont été faits. »

— L’ex-première ministre Pauline Marois

« Nous [les femmes] sommes les seules à pouvoir porter un enfant. Si on n’est pas capable, tout en faisant cela, d’avoir le choix d’une carrière, d’avoir le choix d’un engagement, on retourne en arrière. »

Les familles plus nanties intègrent maintenant l’argumentaire de Mme Marois. Elles « paient beaucoup d’impôts au Québec », « plus qu’ailleurs », a-t-elle souligné.

« En contrepartie, [les Québécois plus nantis] doivent avoir accès à des services aussi, comme la classe moyenne y a accès, a ajouté Mme Marois. La politique des services de garde s’appuyait sur le principe fondamental de la solidarité. »

CHAMBOULEMENT COMPLEXE

De toute façon, les « sommes relativement peu significatives » que le gouvernement ira chercher en modulant les frais ne méritent pas de chambouler tout un système, selon l’ex-première ministre.

« Ils vont se compliquer la vie pour rien », a tranché Pauline Marois. L’obligation pour l’État de déterminer précisément le coût de la journée de garde de chaque enfant suppose « un système complexe qui va être très lourd à administrer au plan administratif, au plan bureaucratique ». « En plus, on va faire des distinctions : un tel paie tant, un tel paie tant », a-t-elle dénoncé.

HARCÈLEMENT SEXUEL

Malgré ses nombreuses années passées sur la colline parlementaire, à Québec, Pauline Marois affirme n’avoir ni « vu ni entendu » de femmes qui auraient subi des agressions sexuelles dans les coulisses de la politique. « Je crois qu’à l’Assemblée nationale, les femmes réagissent tellement rapidement », a-t-elle expliqué. « Ça fait craindre un peu [les hommes concernés]. C’est pas mauvais. » Elle a bien été témoin de quelques « remarques désobligeantes à l’occasion », mais elle n’a pas eu l’impression qu’il s’agissait d’un « phénomène significatif » à l’Assemblée nationale. « Je peux me tromper. »

UNE SIMPLE MILITANTE

Redevenue une « militante », Pauline Marois entend bien garder le silence quant à la course à la direction du Parti québécois jusqu’à ce que son successeur soit choisi. « Ce qui ne veut pas dire que je ne pense pas », a-t-elle dit. Elle votera elle-même pour déterminer l’identité du prochain chef péquiste, comme n’importe quel autre membre du parti. Mme Marois assure ne pas entretenir d’amertume quant à la façon dont son mandat s’est terminé. « Je n’ai pas quitté la politique. On a décidé que je quittais la politique, c’est autre chose », a-t-elle illustré pendant l’entrevue. Cette retraite est « finale ». « On ne va pas recommencer ça », a-t-elle lancé en rigolant.

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