Opinion : Réforme de l'aide sociale

Le projet de loi 70 nuit à la santé

Depuis quelques semaines, l’Assemblée nationale étudie le projet de loi 70 (PL70) qui veut imposer, sous peine de pénalités financières, des mesures de retour à l’emploi obligatoires à certaines personnes sans contrainte sévère à l’emploi qui déposent une première demande d’aide sociale.

La Table des regroupements provinciaux d'organismes communautaires et bénévoles* s’oppose à ce projet de loi parce que, dans la même logique que les autres politiques d’austérité du gouvernement Couillard, il menace la protection et l’amélioration de la santé de la population.

Vaut mieux être riche et en santé que pauvre et malade…

Il existe un lien très étroit entre revenus et état de santé : les organismes communautaires le constatent quotidiennement et les recherches en santé publique le confirment.

En effet, la pauvreté engendre la mauvaise santé et la mauvaise santé nourrit la pauvreté. Ainsi, les personnes les plus pauvres risquent d’être plus exposées au stress, de voir leur espérance de vie diminuer, de développer davantage ou d’exacerber des maladies chroniques (diabète, maladie cardiovasculaire, troubles musculo-squelettiques, etc.) et des troubles de santé mentale.

En ce moment, l’aide sociale pour une personne seule apte au travail ne couvre que la moitié de ce que cela coûte pour satisfaire ses besoins de base tels que le logement, la nourriture, le transport ou les vêtements. Pour les personnes bénéficiaires de l’aide sociale, il est déjà impossible de vivre dans un appartement sans moisissure ni vermine, de se déplacer pour aller à la clinique, de payer les frais accessoires d’un traitement, d’obtenir des services non couverts par la RAMQ (dentiste, optométriste, etc.), d’acheter des fruits et légumes frais, etc.

Tout cela a évidemment un impact important sur leur santé physique et mentale. Et que propose le gouvernement ?  D'imposer des mesures de retour à l’emploi qui donneraient un supplément – toujours très insuffisant pour couvrir les besoins de base des prestataires – aux personnes qui les suivent, mais qui couperaient leurs maigres 643 $ en cas de refus ou de manquement. Ces propositions sont inacceptables !

LA SANTÉ AVANT TOUT

De nombreuses personnes survivant avec l’aide sociale ont à prendre soin de leur santé AVANT de chercher du travail.

Pensons aux jeunes ayant des problèmes de santé mentale et qui doivent apprendre à vivre avec leur condition. Alors qu’ils ont besoin de soutien, entre autres financier, le PL70 les obligera à accepter trop vite un emploi ou une formation, ce qui pourrait les mener droit à l’échec.

Pensons aux femmes qui quittent un conjoint violent et doivent reprendre le contrôle de leur vie. Le PL70 leur imposera un travail ou une formation, alors qu’elles ont encore à régler la question de la garde de leurs enfants, à se remettre psychologiquement, à trouver un appartement, etc.

Il serait possible de multiplier les exemples de personnes qui ont besoin de l’aide de dernier recours, mais qui ne pourront suivre les exigences du PL70, d’autant que les prestataires ont souvent de la difficulté à faire reconnaître leurs problèmes de santé par la machine administrative de l’aide sociale. L’aide sociale devrait, au contraire, permettre aux individus fragilisés par la vie de souffler un peu pour ensuite pouvoir décider de leur avenir.

L’URGENCE D’AUGMENTER LES PRESTATIONS

Déjà en 2011, le directeur de l’Agence de santé publique de Montréal disait sur l’aide sociale : « La question se pose, à savoir : les programmes de soutien au revenu permettent-ils aux personnes de sortir de la pauvreté ou, au contraire, les enfoncent-ils dans la misère ? Compte tenu des effets négatifs de la pauvreté sur la santé et du fait que les problèmes de santé empêchent bien souvent les gens de trouver du travail et de s’en sortir, les programmes actuels de soutien du revenu font partie du problème. »

Il est clair que, pour assurer la santé des prestataires, le gouvernement doit retirer le PL70, mais aussi garantir un revenu minimal aux personnes bénéficiaires de l’aide sociale en augmentant leurs prestations de manière substantielle. L’aide sociale est une aide de dernier recours qui doit assurer à tous et toutes un niveau de vie décent. Autrement, cela équivaut à violer les droits des personnes, en premier lieu leur droit à la santé.

* La Table des regroupements provinciaux d’organismes communautaires et bénévoles est formée de 41 regroupements nationaux.

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