Réplique

La vraie facture du REM ?

En réponse au texte de Luc Gagnon et Jean-François Lefebvre, « Le REM sera plus coûteux que l’on pense », publié jeudi dernier

Lorsqu’il est question du REM (Réseau express métropolitain), on évoque plusieurs chiffres et on tente souvent de remettre en question l’avantage de ce projet pour les épargnes publiques. Quelques éléments seraient judicieux de ne pas omettre dans le calcul. Tout d’abord, un petit retour en arrière s’impose.

– CDPQ (Caisse de dépôt et placement du Québec) Infra a été créé en 2015 et le gouvernement a demandé d’étudier deux projets, soit une liaison vers la banlieue sud et une liaison vers l’aéroport de Montréal, incluant l’Ouest-de-l’Île.

– Près de 30 ans d’études ont été analysées par les experts de CDPQ Infra.

– En avril 2016, moins d’un an plus tard, CDPQ Infra présentait le REM, un réseau de 67 km de métro léger et automatisé, le plus gros projet en transport collectif depuis le métro de Montréal, il y a plus de 50 ans.

– Deux ans plus tard, la conception, la planification, le financement, les études techniques et environnementales, la consultation étaient complétées et la première pelletée de terre symbolique avait lieu.

En près de deux ans, CDPQ Infra a donc permis de concrétiser des projets longtemps analysés et étudiés, et n’ayant pas franchi le stade de planification.

Maintenant, est-ce gagnant pour les épargnes publiques ?

Il y a tout d’abord les coûts de construction du projet qui sont de 6,3 milliards de dollars, dont le financement se fait à la fois par CDPQ Infra (avec une participation importante de près de 3 milliards), mais également une partie par le gouvernement du Québec. Cette participation du gouvernement vient avec un potentiel de rendement de 3,7 %, une première pour un projet de transport collectif et pratiquement l’équivalent de son taux d’emprunt.

Maintenant, on peut extrapoler sur les coûts d’exploitation sur 30 ans, 50 ans, 100 ans. Plus on multiplie les années, plus les chiffres sont gros. Par exemple, l’opération de tous les autres réseaux de transport collectif dans la région de Montréal, de 2021 à 2042, s’élèveraient à plus de 81 milliards de dollars.

Il n’en demeure pas moins que le chiffre fondamental est 72 cents par passager/km. Que signifie ce chiffre ? C’est le montant facturé à l’Autorité régionale de transport métropolitain (ARTM) chaque fois qu’un passager franchit 1 km dans le REM. C’est le même principe pour tous les opérateurs de transport.

Est-ce compétitif ? Oui, très. Selon les chiffres de l’ARTM, le coût moyen pour le réseau d’autobus est 73 cents par passager/km et les trains, 89 cents passager/km. C’est dire que pour construire un réseau entièrement neuf et moderne, incluant 26 stations, en plus de son opération et son entretien sur plus de 100 ans, on réussit à avoir un coût par passager/km moins élevé que des réseaux déjà en place et en activité.

L’inclusion des coûts d’entretien à long terme est particulièrement intéressante. Ce coût permet d’anticiper les coûts d’entretien sur de nombreuses années, par exemple le renouvellement des voitures de métro. C’est comme si en 1968, le métro de Montréal avait anticipé la construction des voitures Azur et avait prévu ces coûts dans son modèle d’affaires.

Au bout de compte le gouvernement du Québec va certes participer au financement du REM, mais ce, pour un coût très compétitif, avec un potentiel de rendement intéressant et en profitant d’une participation importante de CDPQ Infra qui prend à sa charge les risques de construction et d’opération du projet.

Ce financement du gouvernement du Québec se fera aussi en fonction de l’achalandage réel du REM. Si personne ne monte dans le REM, il n’y aura pas de coût facturé à l’ARTM et donc au gouvernement. Lorsqu’on extrapole les coûts, c’est tenir pour acquis que les projections d’achalandage du REM se concrétisent, et c’est tant mieux ! Ça voudra dire que l’achalandage dans le transport collectif aura augmenté de plus de 40 % entre 2015 et 2026. Ça voudra dire aussi que le REM aura remplacé des réseaux de transport par des systèmes modernes, permettant du même coup de redéployer des autobus pour mieux desservir localement les communautés. Collectivement, ce serait une excellente nouvelle et une contribution a diminué les coûts de la congestion routière qui annuellement représente autour de 2 milliards de dollars.

Il faut aussi se rappeler que plus les projections d’achalandage du REM sont dépassées, plus le coût chargé à l’ARTM diminue, devenant plus compétitif et avantageux.

Est-ce gagnant finalement ? Absolument, quand on regarde le portrait complet. Si le projet du REM est un grand succès, comme nous le souhaitons, le gouvernement du Québec fera 3,7 % de rendement, le Grand Montréal profitera d’un nouveau réseau de transport collectif moderne et intégré comme il n’en a pas eu depuis 50 ans, et la Caisse de dépôt et placement du Québec fera environ 8 % de rendement à long terme. Et derrière ce rendement de la Caisse, ce sont les épargnes des Québécois qui en sortent gagnantes.

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