Apprendre la couture

Apprivoiser la machine à coudre

Elles ont choisi d’enseigner la couture. Pas nécessairement dans les écoles professionnelles devant de futurs grands designers, mais plutôt à une clientèle pour qui la couture est un passe-temps, que l’on pratique seul, en groupe ou même avec ses enfants. Et si la passion se transforme en carrière, pourquoi pas ?

Camélia St-Cyr Robitaille, qui travaille aussi comme couturière aux Grands Ballets canadiens, a fondé l’Atelier Espace Fabrik en 2012 en ciblant avant tout une clientèle d’enfants, d’adolescents et de nouvelles mamans. Sa grille de cours comprend des cours parent-enfant, maman-bébé, un camp de jour, des cours particuliers et même des activités de groupe pour souligner un anniversaire d’enfant.

« J’ai commencé à coudre à l’âge de 11 ans, où chaque samedi matin j’allais au cours de couture, jusqu’à décider de m’inscrire en design de mode au Collège LaSalle. Alors pour moi, c’était important de choisir l’enseignement aux plus jeunes », explique la couturière. Les cours pour enfants, parent-enfant ou maman-bébé se donnent avant tout pour le plaisir. « On commence par se familiariser avec la machine à coudre, puis on passe à des projets personnels », ajoute Mme St-Cyr Robitaille.

Quant aux cours pour adultes à l’atelier d’Espace Fabrik, on y vient pour apprendre des trucs de base, mais aussi pour des créations plus complexes. 

« Les étudiants sont ici pour laisser libre cours à leur côté créatif. »

— Camélia St-Cyr Robitaille, de l’Atelier Espace Fabrik

Ce sont majoritairement des femmes de 25-35 ans qui s’inscrivent à des cours de couture. « De jeunes mamans, de jeunes professionnelles. Il y a des hommes aussi, quelquefois », remarque Sonia Paradis, fondatrice de la Fabrique Éthique et auteure du livre Porter le changement.

Selon elle, il y a beaucoup de savoir-faire qui est en train de disparaître et la couture en fait partie. « Les gens de ma génération n’ont pas nécessairement appris à coudre, n’arrivent pas toujours à reconnaître un bon vêtement ni à accomplir des réparations de base. Ils viennent ici pour apprivoiser la machine à coudre et explorer les possibilités créatives. » Faire les choses soi-même, s’outiller pour être plus autonome et indépendant, la couture est un loisir créatif à l’utilité certaine.

MAILLOT DE BAIN, ROBE ET… LINGERIE

Si la plupart des écoles offrent des programmes qui visent surtout à doter l’élève d’un bon coffre à outils pour réaliser des choses simples en couture, d’autres ont choisi d’y aller de façon beaucoup plus spécifique et proposent des cours basés sur des projets déterminés à l’avance. La Fabrique Éthique offre une série d’ateliers au cours desquels les gens confectionnent tous le même accessoire ou vêtement. Atelier maillot de bain, robe extensible, jupe circulaire, toutous, on vient ici pour une raison bien précise.

Marie-Andrée Legault est une artiste burlesque qui se produit depuis sept ans sous le nom de Miss Rouge à lèvres. Diplômée en haute couture, enseignante en couture et forte d’une expérience dans le domaine de la corseterie et la confection de costumes, elle fonde son école Couture et rouge à lèvres en 2015.

Elle offre des cours aux adeptes du burlesque et de vêtements vintage. Miss Rouge à lèvres adopte elle aussi une approche par projets : imperméable, maillot de bain à la Monroe, pantalon capri, petites culottes, soutien-gorge, corset, etc.

« Dans les écoles, c’est souvent des cours sur plusieurs semaines, alors qu’on me demandait plutôt des techniques spécifiques. J’ai donc commencé à donner des cours sur des techniques de base souvent utilisées dans le burlesque. Et comme je m’habille vintage et j’aime le look pin-up, j’ai ajouté des cours de robe et jupe vintage, puis la lingerie. J’ai choisi le glamour et le sexy », explique Miss Rouge à lèvres. Dans sa classe, on trouve des femmes qui s’assument dans leur sexualité et leur beauté. « Ce sont des femmes qui ont envie de mettre leurs courbes en valeur », explique l’artiste burlesque.

AUGMENTATION DE L’INTÉRÊT

Selon les professeures interrogées, on assiste à une augmentation de l’intérêt pour les cours de couture dans la population. « Il y a un engouement réel, et ça attire une clientèle très variée. Que ce soit des gens qui n’ont jamais cousu, des gens qui sont au niveau professionnel ou des gens qui veulent changer de carrière », énumère Pauline Cossette, de l’école de coupe et couture Zig Zag.

Après les cours d’initiation à la couture, plusieurs décident de poursuivre leur apprentissage avec du perfectionnement ou encore avec de l’accompagnement personnalisé en cours particuliers. Certains voudront aussi donner une nouvelle direction à leur cheminement professionnel et se lanceront en affaires ou s’inscriront à des programmes de formation plus élaborés.

Même si le milieu de la mode n’est pas nécessairement un univers où il est facile de faire sa place, Mme Cossette reste positive face aux occasions professionnelles qui attendent ceux et celles qui décident d’en faire une carrière : « Je les encourage à faire affaire directement avec la clientèle plutôt que de chercher à coudre pour les boutiques. Les gens qui font du sur-mesure, une confection de haute qualité avec de beaux tissus, ne manquent pas de boulot, il y a une clientèle pour ça. Le problème, c’est lorsque l’on veut faire compétition aux vêtements qui se font en Chine, par exemple, avec des tissus bon marché. »

D’ÉLÈVE À DESIGNER

L’entrepreneure Julie Dumais, qui a passé par l’école de Pauline Cossette, était destinée à un tout autre parcours que celui de fonder une entreprise de confection de bikinis. Au moment de suivre une formation sur les patrons à l’école Zig Zag, elle avait déjà un diplôme en études internationales en poche. « J’étais à Montréal pour travailler dans le secteur événementiel principalement orienté vers le sport et j’ai profité d’une pause entre deux contrats pour entreprendre un cours de couture dans le but de pouvoir faire des patrons moi-même, pour confectionner et ajuster mes propres vêtements. » De retour sur les bancs d’école, elle réalise quelques morceaux pour une amie enceinte. Les commentaires étaient plus que positifs. « La couture a toujours fait partie de ma vie. Dès l’âge de 6 ans, je cousais avec ma mère ou ma grand-mère. Ce n’est pourtant qu’à l’école que j’ai réalisé que je pouvais peut-être en vivre », poursuit-elle. Après deux emplois dans le domaine du vêtement, elle décide de créer sa propre entreprise :  June Swimwear. Six ans plus tard, les maillots de bain imaginés par Julie Dumais se vendent au Québec et en ligne, à l’étranger.

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