Grands frères grandes sœurs

Un nouveau volet pour les membres de la communauté LGBTQ+

Toutes les deux semaines depuis des mois (sauf durant le confinement), Jeremy Arsenault et Nemis Quinn Mélançon Golden se réunissent pour faire de la photo, marcher dans les parcs ou parler du dernier épisode de RuPaul’s drag race. L'automne dernier, ils se sont inscrits au programme de mentorat des Grands Frères et Grandes Soeurs (GFGS), devenant ainsi l’un des premiers duos québécois du nouveau volet qui jumelle un adulte et un jeune membres de la communauté LGBTQ+.

À 11 ans, Nemis s’identifie déjà comme un membre de la communauté et pratique depuis des années la drag, soit l’art de la personnification basée sur des archétypes de genres, le temps d’un spectacle. Cette information a fait sourire Jeremy lorsqu’il a lu le questionnaire du garçon. « J’ai aimé ses réponses pleines de répartie et particulièrement brillantes pour un garçon de son âge, explique-t-il. J’espérais être jumelé avec quelqu’un qui aime au moins un peu la drag, mais je ne pouvais pas prévoir que je serais avec un enfant qui en fait ! C’est un gros bonus. »

Pour le préadolescent, la passion qu’il entretient avec Jeremy est un bonus dans sa relation, mais ne change pas sa perception de l’humain. « Si Jeremy était la même personne, sans aimer la drag, chose que j’ai du mal à imaginer aujourd’hui, ce serait correct. Je serais quand même intéressé à le voir. »

Grand frère d’expérience 

Jeremy Arsenault, âgé de 32 ans, voulait depuis longtemps devenir un grand frère avec l’organisation. Entre autres, parce qu’il adore jouer ce rôle auprès de ses 11 frères et sœurs, qui sont désormais plus vieux. Mais surtout parce qu’il souhaitait accompagner un jeune de la communauté LGBTQ dans son cheminement.

« Je viens de Turtle Creek, une petite ville du Nouveau-Brunswick, où je ne connaissais personne qui pouvait répondre à mes questions sur ce que c’est d’être gai. Je me suis dit que je pourrais peut-être aider un jeune. »

— Jeremy Arsenault

La relation avec Nemis remplit également des besoins qu’il aurait pu combler en devenant père. « Mon copain Patrice et moi avons décidé de ne pas avoir d’enfants, même si on les adore. Alors quand j’ai eu connaissance du programme, j’ai sauté sur l’occasion. J’aime avoir l’énergie des enfants autour de moi. »

Les deux « frérots » ont déjà une dizaine de rencontres à leur actif. S’ils ont déjà visité l’observatoire du mont Royal, la Grande Roue et le Vieux-Montréal ensemble, ils ont surtout fait beaucoup de photos. « Je suis passionné par la photographie et Jeremy aime les photos que je prends », lance Nemis. « Comme il les prend avec une caméra professionnelle, il peut continuer de travailler durant des heures sur les photos en rentrant chez lui », renchérit Jeremy.

Durant les quatre premiers mois de leur relation, les membres de l’entourage ne sont pas les bienvenus dans les activités, à la demande de l’organisme. « On reste juste nous deux pour construire une connexion sans distraction », précise le grand frère.

Au-delà des clichés

Jeremy a déposé sa candidature pour devenir grand frère en avril dernier, avant de passer à travers un long processus de vérification auprès de GFGS. L’organisme s’assure de sélectionner des candidats sans danger pour les enfants, de jumeler des personnalités complémentaires et d’expliquer les responsabilités aux adultes bénévoles. « Ils nous demandent de texter ou d’appeler le jeune au moins une fois par semaine pour prendre des nouvelles et d’organiser une activité toutes les deux semaines, explique Jeremy. Comme Nemis n’a pas encore son propre cellulaire, il utilise celui de sa mère. On parle de télé, des films qu’on a vus. Il me raconte comment ça va à l’école, des gens qu’il aime. » Nemis intervient alors. « Et de ceux qui sont absolument terribles ! »

C’est d’ailleurs à l’école que le garçon a été mis en contact avec le programme. « Il participait à des activités des Grands Frères Grandes Soeurs à l’école avec des amis, se souvient sa mère Jessica Mélançon. Quand j’ai appris qu’un projet pilote serait créé pour les personnes LGBTQ+, je lui ai demandé s’il voulait essayer hors de l’école et il a embarqué tout de suite. » Ses parents anticipent une période où leur fils ne voudra plus leur parler de tout ce qu’il vit. « Je pense que ça va être plus facile de parler de trucs de gars, de puberté ou de relations avec son buddy », ajoute-t-elle.

Quand on demande à Nemis si le fait que Jeremy fasse partie de la communauté LGBTQ+ change quelque chose pour lui, il répond « définitivement » avec aplomb. Cela dit, Jeremy appréhendait la réaction du garçon quand ce dernier découvrirait qu’il est militaire pour l’armée canadienne. « J’avais peur qu’il imagine que je suis trop macho et conservateur, dit-il. Dans son dossier, Nemis a écrit que les genres sont des constructions sociales. J’ai adoré ça ! Je trouvais ça très progressiste pour un enfant de 11 ans. Heureusement, il a vu dès le départ que je n’étais pas le soldat cliché. »

Nemis précise qu’il se fout que Jeremy soit soldat. Et son père, Coriander Golden, se souvient que leur première rencontre a effacé toutes les craintes potentielles. « Nemis portait un t-shirt de Britney Spears et dès leur première interaction, Jeremy a remarqué le t-shirt. Ils ont commencé à discuter et la connexion a été immédiate. Il n’y avait pas de moments de malaise. »

Un lien était créé. Et officiellement, leur relation – supervisée par l’organisme GFGS – durera jusqu’à ce que Nemis ait 18 ans. « Et possiblement après », précise le garçon.

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