Un leader d’extrême droite fait enrager une communauté
En janvier, l’arrivée d’un leader d’extrême droite dans la ville d’Alexandria, en banlieue de Washington, a semé l’émoi dans de la population locale. Depuis, les résidants de la ville manifestent sans relâche devant le bureau de Richard Spencer, porte-voix du mouvement suprémaciste blanc « alt-right ».
Alexandria — « Pas de nazis à DC », « Alexandria = Amour ». Rassemblés à un coin de rue, dans le centre historique d’Alexandria, à une dizaine de kilomètres au sud de la capitale américaine, une trentaine de manifestants brandissent en silence des pancartes à la lueur de bougies et de lanternes.
Immobiles, ils fixent l’immeuble où Richard Spencer, militant d’extrême droite et suprémaciste blanc, a ouvert ses bureaux.
Ce soir-là, quatre de ses supporteurs sont au balcon. Emily Patton, une manifestante de 30 ans, les fixe d’un regard défiant.
« Je suis furieuse ! Les nazis ont perdu la Seconde Guerre mondiale. On devrait les couvrir de honte 24 heures sur 24 », lance-t-elle au son des automobilistes qui klaxonnent et lèvent le pouce en soutien aux manifestants.
« Qu’ils aient choisi d’amener leur haine dans une communauté libérale comme celle-ci me rend malade. Nous avons le droit de faire de leur vie un enfer. »
— Emily Patton
Richard Spencer, controversé leader du mouvement « alt-right », et son groupe de réflexion, le National Policy Institute, ont élu domicile au cœur de la petite ville démocrate à la suite de l’élection de Donald Trump. Depuis, de nombreux résidants indignés assiègent régulièrement leurs bureaux.
Plusieurs commerçants, inquiets de l’impact de l’arrivée de ce groupe dans leur quartier, ont même décidé d’afficher le slogan « tous sont les bienvenus » dans leurs vitrines.
« Si Richard Spencer vient vers nous, n’entamez pas de dialogue avec lui », conseille Mary Palmer, organisatrice du rassemblement, aux manifestants. « La meilleure arme, c’est le silence, puisque ces gens détestent être ignorés », ajoute-t-elle, une photo de Heather Heyer, tuée lors des manifestations racistes de Charlottesville, à la main.
Le visage du mouvement « alt-right »
Réunis dans l’appartement qui sert de local au National Policy Institute, quatre jeunes disciples de Richard Spencer guettent les manifestants. Le salon est encombré ; de l’équipement multimédia et un lit de camp jonchent le sol, tandis que des balles de fusil et une bouteille de whisky reposent sur une table basse.
« Nous voyons ces manifestants tout le temps. Ils nous observent, mais on ne sait pas ce qu’ils veulent », dit William, les cheveux rasés sur les côtés, avec une mèche soigneusement gommée sur le dessus de la tête.
Les quatre étudiants appartiennent au groupe Identity Evropa, qui prône la supériorité de la « race blanche européenne ». Ils ont également participé à la manifestation d’extrême droite de Charlottesville.
« Le mouvement “alt-right” est essentiellement formé de jeunes. La plupart des manifestants que vous voyez devant notre bureau sont d’une autre génération. Ils ne savent pas ce que les Blancs de notre âge ont enduré. »
— William
« Je suis allé à l’école dans la région de Philadelphie. Il y avait beaucoup de Noirs, et mes amis et moi étions régulièrement victimes de discrimination. Nous nous faisions même battre », poursuit-il.
« D’ici 2040, les Blancs seront minoritaires aux États-Unis. C’est pourquoi nous voulons notre propre pays, comme Israël », ajoute Matt, étudiant dans la vingtaine.
Une communauté atterrée
Si la majorité des actions entreprises à Alexandria pour évincer le groupe extrémiste sont demeurées pacifiques, certains citoyens ont été tentés d’opter pour des moyens plus draconiens.
C’est le cas de C. Christine Fair, professeure à l’Université Georgetown, qui, après une altercation avec Richard Spencer dans un centre d’entraînement de la ville en mai dernier, a forcé l’établissement à renvoyer ce dernier.
Quelques jours plus tard, des tracts à caractère raciste et de faux avis de recherche ciblant la professeure ont été placardés dans le quartier Del Ray, à Alexandria.
Depuis, des résidants ont lancé une pétition pour forcer le propriétaire de l’immeuble où il travaille à évincer le militant d’extrême droite.
« La présence de cet homme met tout le monde extrêmement mal à l’aise, même s’il a le droit de vivre où il veut. J’aurais cependant préféré qu’il choisisse une communauté qui partage ses valeurs. »
— Jonathan Krall, cofondateur de l’organisation Grassroot Alexandria
« Ces fascistes ne viennent pas de nulle part. Ils sont encouragés par un système. C’est la première fois que je ne me sens pas en sécurité dans mon propre pays », ajoute-t-il.
Joint par téléphone, Richard Spencer affirme quant à lui ne pas être ébranlé par l’hostilité des résidants d’Alexandria.
« Les gens ont le droit de manifester, mais ils ne me feront pas partir. […] Ce que je fais est controversé et je suis prêt à faire face à ce genre de réactions. Ces manifestations ne font que renforcer mes positions. »