Opinion : Taxe sur le carbone

Se rapprocher du coût réel de nos aliments

La nouvelle taxe sur le carbone risque de faire grimper le prix de certains aliments en nous rapprochant simplement de leur véritable coût social.

Depuis le 1er avril, le litre d’essence au Nouveau-Brunswick, en Ontario, au Manitoba et en Saskatchewan se vend 0,04 $ plus cher qu’avant en raison d’une nouvelle taxe carbone qui passera à 0,11 $ d’ici 2022. Contrairement à l’ensemble du pays, ces quatre provinces n’avaient aucun mécanisme de taxation en place pour gérer les émissions de carbone, elles ont donc dû participer au plan fédéral. 

Deux autres territoires rejoindront les rangs sous l’égide du plan fédéral, le 1er juillet prochain. Certains déplorent cette nouvelle taxe et clament que notre économie pourrait subir les contrecoups d’une inflation démesurée. Rien n’est clair à ce stade-ci. Mais dans le secteur agroalimentaire, il y aura sûrement des gagnants et des perdants et un impact sur nos choix alimentaires.

D’abord, cette taxe n’aura pas autant d’incidence sur les prix alimentaires que certains le prétendent. Selon une étude de l’Université d’Ottawa publiée en 2012, avec une taxe de 50 $ par tonne de carbone (montant qui sera atteint uniquement en 2022), les prix au détail risquent d’augmenter d’au plus 3 %. Répartie sur cinq ans, cette taxe touchera les prix alimentaires de manière négligeable. D’ailleurs, la Colombie-Britannique, qui impose une taxe carbone depuis 2008, a vu son inflation alimentaire suivre la moyenne canadienne à quelques dixièmes près. Le phénomène de la TPS d’il y a plus de 25 ans ne se répétera sûrement pas.

Malgré tout, la taxe sur le carbone créera une discrimination envers certains produits alimentaires qui requièrent plus d’énergie.

Plusieurs produits transformés et les produits transportés d’ailleurs seront exposés à une taxe qui pénalise l’utilisation d’énergie.

Les communautés nordiques en subiront probablement les contrecoups en vertu du transport obligatoire à l’approvisionnement.

Les producteurs agricoles, dans la plupart des cas, sont exemptés de la taxe carbone, alors les produits primaires comme les fruits et légumes, viandes, poissons ne s’en trouveront pas touchés. Les produits importés comme les fruits et légumes et plusieurs autres produits exotiques qui viennent d’ailleurs n’y seront pas assujettis.

Notre climat nordique fait en sorte que de développer notre filière horticole devient une priorité pour nous tous afin de nous assurer que la production d’ici peut tirer son épingle du jeu. Personne n’a vraiment mesuré les répercussions réelles des changements climatiques sur la hausse du prix des aliments. Chose certaine, les prix deviennent beaucoup plus volatils qu’auparavant. On assiste dorénavant à des hausses allant parfois de 20 % à 30 % en un seul mois pour certains fruits ou légumes.

L'impact en restauration

La restauration s’en trouvera pénalisée à son tour. Chaque personne dépense de 35 % à 40 % de son budget alimentaire à l’extérieur du ménage. Puisque la restauration est un secteur énergivore, les prix sur plusieurs menus risquent d’augmenter en raison de la taxe carbone. Pour notre santé et notre bien-être, ce n’est peut-être pas une mauvaise chose non plus.

Les résidants des quatre provinces opposées au plan fédéral sur la tarification du carbone recevront un remboursement d’impôts.

Les sommes versées, pour une famille moyenne de quatre personnes, atteindront 256 $ au Nouveau-Brunswick, 307 $ en Ontario, 340 $ au Manitoba et 609 $ en Saskatchewan. Ces sommes modestes peuvent tout de même faire la différence pour les familles moins nanties. Les autres résidants retireront une compensation afin d'atténuer les prix plus élevés, une politique similaire à celle proposée par le gouvernement Mulroney lors de l’instauration de la TPS.

Mais en fin de compte, nous parlons bel et bien d’une taxe qui s’ajoute au fardeau des entreprises. Fixer un prix sur le carbone et percevoir une taxe ne constituent pas des solutions idéales, bien sûr. Cependant, cela vaut mieux que de ne rien faire. Le prix à payer aujourd’hui n’est rien comparativement à ce qui s’en vient, si rien ne change. Selon un rapport mandaté par le gouvernement canadien, à cause de son emplacement géographique, le Canada se réchauffe deux fois plus rapidement que la moyenne mondiale, un constat alarmant.

Alors, si vous croyez que votre nourriture coûte trop cher, détrompez-vous. Les Canadiens ont accès à l’un des paniers d’épicerie les plus abordables sur la planète. Cette taxe carbone nous rapproche simplement du coût social et véritable de nos aliments.

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.