L’actualité expliquée

Pourquoi l’essence coûte-t-elle soudain plus cher  ?

Le prix de l’essence a fait tout un bond il y a une dizaine de jours, notamment dans la région de Montréal où il a grimpé de 15 cents en une nuit. Cette fois, pas de grandes explications sur l’instabilité au Moyen-Orient, mais un concours de circonstances et un nouveau venu au banc des accusés : l’essence d’été. Explications.

Cette histoire d’essence d’été semble être une autre justification vaseuse pour hausser les prix, non  ?

Nous l’avons probablement appris en même temps que vous, mais cette raison est très convaincante. À partir du 15 avril, les stations-service au Canada ont l’obligation de fournir de l’essence d’été, plus coûteuse à produire et qui contient des composants la rendant moins volatile. Pour l’essence d’hiver, la date limite est le 15 septembre.

« C’est clair que deux fois par année, quand les raffineries changent la composition de l’essence, qu’elles ferment à tour de rôle, il y a une pression sur les prix  », indique Normand Mousseau, directeur académique de l’Institut de l’énergie Trottier, établi à Polytechnique Montréal. Une rapide recherche a permis de constater qu’avril rime généralement avec flambée des prix de l’essence : en 2014, on avait même atteint un sommet de 1,53 $ le litre. À Montréal, cette année, on est passé d’un prix moyen de 1,13 $ à 1,28 $.

Et c’est tout  ? Pas de hausse des cours du pétrole, de crise économique ou de problèmes de ravitaillement en vue  ?

Le prix du baril de pétrole brut a récemment connu une légère hausse, atteignant 53,40 $US le 11 avril pour retomber à 50,38 $US cette semaine.

Ce n’est pas de ce côté qu’il faut chercher des explications. En fait, c’est plutôt à cause d’une bonne nouvelle qu’on risque de payer l’essence plus cher au cours des prochains mois – 8 cents le litre de plus, selon la U.S. Energy Information Administration. La bonne tenue de l’économie américaine et une hausse des déplacements prévus ont notamment fait en sorte que les raffineries ont sous-estimé la demande. Le phénomène touche toute l’Amérique du Nord.

Autre bonne nouvelle qui peut se transformer en mauvaise : la baisse du prix du baril de pétrole. Elle entraîne celle du dollar canadien, alors que les cours sont établis en dollars américains.

Mais on dirait que ce sont toujours les Montréalais qui y goûtent le plus…

Vous avez un peu raison, mais pas tant que ça. Partout au Canada, on rapporte une hausse des prix de l’essence depuis une dizaine de jours, Vancouver étant particulièrement touché avec un sommet de 1,43 $ le litre. Cela dit, au Québec, c’est à Montréal que le prix de l’essence est pratiquement toujours le plus élevé, comme le constate la Régie de l’énergie.

« Montréal est un marché particulier où les marges de profit des détaillants sont généralement plus élevées, indique Normand Mousseau. On voit souvent les prix monter le mercredi ou le jeudi parce que les gens viennent de recevoir leur chèque de paie, ou à la veille de longs congés. » La marge de profit des détaillants à Montréal est estimée à 11,4 cents le litre, selon les données les plus récentes de la Régie de l’énergie, contre 5,9 cents à Québec. Et n’oublions pas que les Montréalais paient une contribution supplémentaire de 3 cents le litre remise à l’Agence métropolitaine de transport.

Mais alors, comment ne pas se faire plumer  ?

En période de flambée des prix, CAA-Québec recommande de limiter ou de retarder l’achat de carburant, quand c’est évidemment possible. Un site comme essencemontreal.com se fait une spécialité de repérer les meilleurs prix dans la région métropolitaine, mais le jeu n’en vaut pas la chandelle s’il faut aller loin. En fait, la meilleure façon de diminuer l’impact d’une flambée des prix de l’essence est d’en consommer moins… ou pas du tout, rappelle Normand Mousseau. « J’ai de la difficulté à pleurer sur le sort des automobilistes quand on voit que plus de VUS se vendent chaque année. On la connaît, la façon de réduire ses coûts : acheter une voiture qui consomme moins, prendre le vélo, marcher. » De toute évidence, rappelle le professeur de Polytechnique, le prix de l’essence va encore augmenter dans les prochaines années. Et ce ne sera pas qu’à cause de l’essence d’été.

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