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Comment je suis devenue une fille de char… électrique

Je n’étais pas trop portée sur la chose automobile. J’étais plutôt du genre à frémir pour un grano à vélo que pour un Gino en Camaro. Ferrari, Bugatti, Audi… pas un pli. Et puis il y a eu ce jour de décembre 2015. La voiture électrique est entrée dans notre vie.

Il faut bien l’avouer : le moment était bizarrement choisi. Nous venions d’avoir notre quatrième enfant et la pression sociale pour « enfin ! » acheter une minifourgonnette était très forte. Pour la plupart de nos amis, c’était là une évidence : une grosse famille sifflotant à tue-tête dans une grosse voiture bien remplie, c’est tout à fait nous, ça.

Nous étions sur le point de faire le saut, prêts à signer le contrat, séduits par les dépliants en papier glacé qui vantent l’espace de la « minifourgonnette la plus vendue au Québec ». Et tout à coup, le doute nous a assaillis.

Nous habitons près du mont Saint-Hilaire, à environ 35 km de Montréal. Mon conjoint et moi travaillons tous les deux à Radio-Canada, à deux pas du pont Jacques-Cartier.

Nous avions déjà à l’époque une Mazda5 qui peut transporter six personnes. Il nous fallait par contre remplacer notre Ford Focus après 15 ans de bons et loyaux services. Nous nous sommes posé la question suivante : en voiture, combien de personnes sommes-nous réellement la plupart du temps ? Réponse : deux, parfois trois ou quatre, rarement six. L’un va à l’école en autobus, l’autre marche ou prend son vélo…

Au même moment, Nissan venait d’augmenter la capacité de la batterie de la Leaf, son véhicule 100 % électrique. La Leaf 2016 a une autonomie d’environ 170 km et les bornes à recharge rapide se multiplient dans la province. Nous nous sommes dit : « Allons-y, au pire nous avons notre béquille Mazda. » Depuis, la voiture à essence dort dans la cour et ne roule qu’à de rares occasions, lors des escapades en famille et des vacances d’été.

La Leaf est de loin l’achat le plus intelligent que nous ayons fait de notre vie : aucune émission de CO2, plus de scrupule lors de nos allers-retours quotidiens entre la banlieue et la ville, voiture rechargée tranquillement la nuit par une énergie propre, pas de dépendance aux hausses inopinées du prix de l’essence. Nous faisons des économies substantielles. Nous dépensions en moyenne 3000 $ d’essence et d’entretien par année. Il nous en coûte désormais à peine 300 $. En quelques mois, nous avons amorti la différence entre le prix de la Leaf et le prix d’une voiture à essence de même catégorie. (Il n’y a pas de changement d’huile, presque pas d’entretien.)

Nous avons constaté l’effet Leaf autour de nous : des voisins se sont convertis et nous croisons toujours plus d’électro-mobilistes heureux et épanouis sur la route.

Petit secret ici : nous échangeons parfois un petit signe complice, comme si nous avions compris quelque chose qui échappe « aux autres ».

Il y a d’ailleurs à ce chapitre quelques dérives. Les propriétaires de voitures électriques sont encore en infime minorité (les VE représentent à peine 2,2 % de tous les véhicules vendus au Québec) et il se développe chez quelques-uns d’entre eux une forme d’arrogance à l’égard des conducteurs de véhicules à essence. Sur les forums ou les réseaux sociaux, on aime ridiculiser, dénoncer les « pétrosaures » stationnés aux emplacements réservés aux véhicules verts, se péter les bretelles quand le prix de l’essence augmente… bref, il existe un sectarisme qui risque de nuire à ce très beau mouvement en marche.

une communauté

Mais les propriétaires de voitures électriques représentent avant tout une communauté où se dégage une forte entraide. Sur la page Facebook « Ma Leaf… une passion ! » qui compte à présent plus de 3500 membres, on se conseille, on s’épaule, on se refile sans arrêt des trucs. Nous sommes encore des pionniers qui défrichons un univers en constante évolution.

Et ça bouge vite ! C’est un autre bémol : l’obsolescence si rapide des véhicules et l’inconnu quant au développement des prochains modèles. Ça donne le vertige et peut être paralysant. Je vous entends dire : « Oui, c’est pour cela qu’il vaut mieux attendre. » Mais à quoi bon repousser constamment le moment si le marché offre déjà des voitures électriques qui satisfont vos besoins quotidiens ?

Ma voiture zéro émission comble non seulement mes besoins, mais également mon plaisir de conduire. Dans cet habitacle doux et silencieux, j’avance vers un monde plus sensé. Je suis devenue une vraie fille de char électrique.

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