C2 Montréal

Un forum pour démystifier l’intelligence artificielle

Et si l’intelligence artificielle (IA), ce n’était finalement que de l’informatique très rapide et très efficace disposant de données plus abondantes que jamais ? Que sa compréhension n’était qu’une affaire de quelques heures d’efforts, non un mystère réservé aux initiés ?

C’est en tout cas la présentation qu’en font deux sommités montréalaises de ce domaine, le chercheur Yoshua Bengio et le PDG d’Element AI, Jean-François Gagné. Ils sont derrière l’organisation du premier Forum Intelligence artificielle, inauguré hier dans le cadre de C2 Montréal.

Pendant trois jours, quelques centaines de curieux, d’entrepreneurs et de créateurs auront l’occasion de démystifier ce domaine. Le succès était visiblement au rendez-vous hier, avec une demi-douzaine d’événements qui ont attiré deux fois plus de participants que prévu, selon l’organisation. « La démocratisation de l’intelligence artificielle est vraiment notre objectif, explique en entrevue M. Gagné. On en est entouré, on dépend de ces outils-là, c’est important de les comprendre. »

Le best-seller de l’IA

Évidemment, on ne devient pas programmeur ou ingénieur en intelligence artificielle en quelques ateliers à C2 Montréal. Mais Yoshua Bengio, qui a posé les jalons de l’apprentissage profond (deep learning) il y a une décennie, soutient que cette connaissance est relativement facile à acquérir.

« Il y a un effort à faire, ça prend une certaine base. Mais si on veut creuser, il y en a, de l’information, plein de tutoriels, de vidéos, de code gratuit. La compréhension générale du processus, c’est une question de quelques heures. »

— Yoshua Bengio

Il est d’ailleurs l’auteur, avec Ian Goodfellow et Aaron Courville, de ce qui est probablement le premier et seul best-seller jusqu’à maintenant sur l’IA, sobrement intitulé Deep Learning. Lui qui a fait sa maîtrise il y a 30 ans sur les réseaux de neurones, un sujet alors considéré comme excentrique, avoue qu’il ne s’attendait pas à l’engouement que suscite sa spécialité depuis trois ans.

« C’est difficile de prévoir ce genre de chose, mais c’est comme un effet boule de neige. C’est même rendu problématique pour l’organisation de nos conférences, on ne sait plus combien de places on doit prévoir. On ne peut quand même pas doubler nos auditoires chaque année ! »

Il rappelle que les réseaux de neurones avaient suscité un certain intérêt pendant les années 90 avant que le tout se dégonfle. « Il y a eu un hype, mais on n’était pas prêts, la puissance de calcul était insuffisante. »

Un domaine trop encencé ?

Aujourd’hui, l’engouement s’accompagne d’une certaine crainte devant l’omniprésence et les capacités apparemment sans limites de l’intelligence artificielle. Jean-François Gagné estime que Montréal pourrait devenir « un des points de la planète où la conversation à ce sujet pourrait se dérouler, un peu comme un Davos de l’IA ».

Le PDG d’Element AI voit toutefois cette technologie d’une façon plus terre à terre. « Des fois, on glorifie un peu ce domaine. Ce qu’on voit aujourd’hui, c’est une baisse exponentielle du coût de développement des logiciels, avec des machines de plus en plus puissantes et des données plus abondantes que jamais. Il y a un ensemble de dynamiques qui interagissent et qui donnent les outils qu’on connaît déjà. »

L’autre effet pervers de la popularité de l’intelligence artificielle, c’est la cohorte d’entrepreneurs ou d’experts qui veulent s’y associer. « C’est sûr qu’il y a de la récupération, il y a des compagnies qui veulent s’approprier le buzz word, note M. Bengio. Disons que l’intelligence artificielle est un cercle assez grand, il y a beaucoup d’approches qui existent depuis des décennies. Mais ça n’a pas débouché sur des systèmes qui fonctionnent aussi bien que pour l’apprentissage automatique. »

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