Hockey  Martin St-Louis

« Martin était l’ailier idéal »

Martin St-Louis était loin, très loin de la LNH en juin 1993.

Les Sénateurs d’Ottawa repêchaient Alexandre Daigle au premier rang et lui offraient un mirobolant contrat, tandis que St-Louis avait joué cet hiver-là avec les Hawks d’Hawkesbury, dans la Ligue junior A, parce que les portes des rangs juniors majeures ne s’étaient pas ouvertes.

Un peu plus de 22 ans plus tard, St-Louis a annoncé sa retraite du hockey, hier, à l’âge de 40 ans, dans un communiqué émis par les Rangers de New York. Avec en banque 1033 points, dont 391 buts, en 1134 matchs, un trophée Hart remis au joueur le plus utile dans la LNH, une Coupe Stanley et deux trophées Art-Ross décerné au meilleur compteur de la ligue.

« C’est drôle parce que je lui ai parlé il y a deux jours et ça n’était pas encore clair, confiait hier à La Presse son ancien coéquipier Vincent Lecavalier. Il a pris une décision familiale, évidemment, parce qu’il pourrait encore jouer dans la LNH. Il a compté 21 buts l’hiver dernier. Ça me fait bizarre. Mais je suis content pour lui.

« [Martin] se retire sur une bonne note. Il va pouvoir en profiter. »

— Vincent Lecavalier, ancien coéquipier de Martin St-Louis

Même après quatre saisons très prolifiques à l’Université du Vermont, entre 1993 et 1997, St-Louis n’était toujours pas repêché. Les Sénateurs ont daigné l’inviter à leur camp d’entraînement, mais on l’a vite libéré et le Québécois s’est retrouvé dans la Ligue internationale avec les Lumberjacks de Cleveland, un club professionnel indépendant.

St-Louis s’est même présenté au bureau de Réjean Houle, alors DG du Canadien de Montréal, en compagnie de son coéquipier Éric Perrin, afin d’obtenir un essai.

Houle allait raconter au collègue Richard Labbé quelques années plus tard que la réunion avait bel et bien eu lieu, mais que l’équipe était déjà petite à l’époque et qu’il cherchait d’abord des joueurs au gabarit plus imposant pour obtenir un meilleur équilibre.

LE FLAIR DE RICK DUDLEY

À la suite d’un départ fulgurant dans la Ligue internationale, 50 points en 56 matchs, le DG des Flames de Calgary lui a finalement offert un contrat en 1998. Il a passé les deux saisons suivantes à vivoter entre la LNH et la Ligue américaine.

Au terme de la saison 1999-2000, Al Coates est remercié par la formation de l’Alberta et son successeur, Craig Button, soumet St-Louis au repêchage d’expansion du circuit Bettman. Mais ni les Blue Jackets de Columbus ni le Wild du Minnesota n’ont osé repêcher celui qui avait obtenu 26 points en 17 matchs dans la Ligue américaine, mais seulement 18 points, dont 3 buts, en 56 matchs avec les Flames. Le Québécois a donc été ignoré au profit des Geoff Sanderson, Stacey Roest, Turner Stevenson, Jim Dowd, Sergei Krivokrasov et compagnie.

Button, aujourd’hui analyste à TSN, ne lui a même pas donné la chance de mériter un poste quelques mois plus tard puisqu’il s’est empressé de racheter son modeste contrat, la première décision de son court règne de directeur général.

Le DG du Lightning de Tampa Bay, Rick Dudley, aujourd’hui bras droit de Marc Bergevin chez le Canadien, était l’un des rares à croire en son potentiel. Il lui offre donc un contrat garanti de la LNH et dès sa première année à Tampa, St-Louis a obtenu 40 points. Trois ans plus tard, il gagnait le championnat des compteurs…

« Le plus drôle, c’est que j’ai dû me battre avec mes patrons pour les convaincre de lui offrir un contrat. Ils ne comprenaient pas pourquoi je tenais à lui octroyer un contrat garanti alors que les Flames, qui n’avaient pas un très bon club à l’époque, ne voulaient plus de lui. »

— Rick Dudley, directeur général du Lightning au début des années 2000

« Je lui offrais pourtant seulement 250 000 $ par année pour deux saisons. D’autres équipes lui offraient 400 000 $, mais ne voulaient pas lui garantir l’entente, racontait Dudley à La Presse il y a quelques années. Il a sans doute choisi le Lightning parce qu’il a compris qu’il aurait la chance de jouer dans la Ligue nationale avec notre équipe. »

À force de discussions musclées, Dudley a finalement eu le dernier mot. « Je leur assurais qu’il jouerait avec notre équipe. J’étais évidemment loin de me douter qu’il allait remporter le championnat des compteurs un jour, mais je le voyais comme un régulier au sein de notre troisième trio. Je le connaissais depuis longtemps. Je l’avais vu jouer au moins 50 fois dans les rangs collégiaux et dans la Ligue américaine. J’aimais sa fougue. »

« C’ÉTAIT FACILE DE JOUER AVEC LUI »

Vincent Lecavalier regrette de ne pas avoir joué plus souvent au sein de son trio. Brad Richards était le centre qui avait ce privilège à Tampa. « J’ai joué seulement deux ans avec lui, vers la fin [du règne] de John Tortorella, et ç’a été les deux saisons les plus productives de ma carrière. »

Lecavalier a connu des saisons de 108 et 92 points en sa compagnie, et remporté le trophée Maurice-Richard en 2006-2007 avec 50 buts.

« Pour un centre, Martin était l’ailier idéal tellement sa compréhension du jeu était grande. Je ne l’aurais échangé pour personne dans la ligue. C’était facile de jouer avec lui. Il rendait ses coéquipiers meilleurs. Il aimait analyser le jeu et on le retrouvait souvent dans la salle de visionnement. J’ai appris beaucoup de lui. »

« [Tortorella] nous avait placés ensemble à la fin de la saison 2006 alors que ça ne fonctionnait pas pour l’équipe et la chimie a été instantanée. On se comprenait. Ça a explosé sur la glace. »

— Vincent Lecavalier

Lecavalier, premier choix au total de la LNH en 1998, connaissait le potentiel de St-Louis lorsque celui-ci s’est joint au Lightning en 2000. « Il avait joué avec mon frère [Philippe]. Je savais qu’il était bon. Mais à l’époque, les équipes repêchaient presque seulement de gros joueurs et ils ne voulaient même pas donner de chances aux petits. »

Le natif de l’Île-Bizard, qui entamera en octobre la troisième année d’un contrat de cinq ans à Philadelphie, garde des souvenirs impérissables de son coéquipier et ami. « Quand tu gagnes la Coupe Stanley avec quelqu’un, ça devient le souvenir le plus marquant. Il inscrivait toujours le gros but, dont celui en prolongation lors du sixième match en finale contre Calgary en 2004.

« L’année précédente, à notre première participation en séries, son but avait éliminé Washington. Il avait réussi à compter après avoir passé la rondelle entre ses jambes. Il voulait tellement gagner. Quand on parle du feu dans le regard, plusieurs comparent ce regard à celui du Rocket. Il était affamé, et il savait rassurer l’équipe quand les choses allaient moins bien. »

Le porte-parole des Rangers, John Rosasco, a mentionné hier à La Presse qu’aucun événement médiatique n’était prévu pour l’instant autre que le communiqué émis pour annoncer la retraite de ce joueur légendaire.

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