Polytechnique Montréal

Un labo mobile pour relancer la géothermie

Il a l’air d’un vulgaire conteneur de marchandises, mais détrompez-vous. Il est rempli d’appareils à la fine pointe de la technologie, a coûté 700 000 $ et a un objectif : relancer la géothermie, une technologie prometteuse et écologique, mais qui ne parvient pas à s’imposer. Coup d’œil sur un laboratoire mobile unique au monde annoncé hier par deux chercheurs de Polytechnique Montréal.

Dix degrés Celsius : au Québec, c’est la température qui règne quelques mètres sous nos pieds, autant l’hiver que l’été. Cela veut dire deux choses. L’hiver, on peut utiliser le sol pour se chauffer. Et l’été, on peut utiliser le même sol… pour climatiser nos bâtiments. Ce concept, appelé géothermie, existe depuis des décennies. Mais avouez que vous connaissez peu de gens qui l’utilisent.

« La géothermie peine à prendre la place qui lui revient », constate Philippe Pasquier, professeur agrégé au département des génies civil, géologique et des mines à Polytechnique Montréal. Selon lui, ce sont surtout les « coûts prohibitifs » qui freinent l’adoption de la technique.

Pour faire tomber les barrières de la géothermie, le professeur Philippe Pasquier et son collègue Benoît Courcelles proposent de penser autrement. À l’heure actuelle, 90 % des projets canadiens de géothermie fonctionnent avec des systèmes qu’on appelle en « boucle fermée ». Des tunnels sont creusés sous le bâtiment, et on y fait circuler un liquide pour capter la chaleur (ou la fraîcheur).

Les experts proposent plutôt de se tourner vers une technique existante, mais beaucoup moins populaire : creuser un seul puits très étroit (de 10 à 20 cm de diamètre), mais très profond (jusqu’à 500 m). Un tel puits se rend jusqu’à l’eau souterraine, laquelle est alors pompée à la surface et utilisée pour chauffer ou refroidir les bâtiments.

Économies

Selon les deux professeurs, l’utilisation de l’eau souterraine est jusqu’à trois fois plus efficace que la géothermie en boucle fermée, et les coûts d’installation pourraient être de deux à cinq fois moindres. L’autre avantage est qu’elle nécessite le forage d’un seul puits étroit, ce qui la rend beaucoup moins invasive.

« On pense que cela pourrait être intégré à plusieurs bâtiments déjà construits, même en zone urbaine dense. »

— Philippe Pasquier, professeur agrégé à Polytechnique Montréal

Pour cela, il suffit de viser à côté du métro et des conduites d’eau… L’expert estime que la technologie pourrait être intéressante pour les bâtiments de la taille « d’un triplex et plus ».

Hier, devant une assemblée qui comptait notamment la ministre de l’Enseignement supérieur, Hélène David, les chercheurs ont annoncé la création d’une unité de recherche unique au monde. Il s’agit d’un conteneur de 22 tonnes rempli de pompes, d’échangeurs de chaleur et de capteurs qui peut simuler le comportement d’un bâtiment de 10 étages.

Les chercheurs l’ont installé au-dessus d’un puits creusé à Varennes, où ils mèneront une batterie de tests afin d’étudier la géothermie à un seul puits sous toutes ses coutures. L’unité a reçu un financement de 700 000 $, dont 225 000 $ du gouvernement du Québec et une somme équivalente de la Fondation canadienne pour l’innovation, un organisme fédéral. Un groupe de six entreprises a aussi misé conjointement 100 000 $ sur le projet – une preuve, selon les scientifiques, du potentiel commercial des recherches.

Filtrer les contaminants

L’annonce d’hier n’aurait pas pu être possible sans les avancées technologiques réalisées par le professeur Benoît Courcelles. C’est qu’utiliser les eaux souterraines pour chauffer ou climatiser les maisons entraîne un problème de taille : ces eaux contiennent des minéraux et des bactéries qui, à la longue, encrassent les systèmes et nuisent à leur fonctionnement. Le spécialiste du traitement des eaux a notamment mis au point des filtres qui retiennent les contaminants et permettent au système de fonctionner. Le but de l’unité de recherche est justement d’accumuler des données qui permettront de rassurer les futurs utilisateurs.

Les chercheurs admettent qu’en brassant et en changeant la composition et la température de l’eau souterraine, la géothermie à un seul puits pourrait avoir des impacts sur les nappes phréatiques. Ils assurent être en discussion avec le ministère de l’Environnement à ce sujet et disent vouloir étudier le phénomène lors des tests menés avec le nouveau labo mobile.

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