MÉDECINS DE FAMILLE

La formation en région, facteur de réussite

Au début des années 2000, la Mauricie se trouvait en pleine crise, qui a culminé en 2002 avec le décès d’un homme, refusé aux urgences fermées de l’hôpital de Shawinigan-Sud alors qu’il faisait un infarctus. Pour en finir avec les pénuries de médecins, la Mauricie a pris les grands moyens : elle a convaincu l’Université de Montréal de venir en former sur place.

Comme l’explique le Dr Réjean Duplain, vice-doyen associé au campus de l’Université de Montréal en Mauricie, la vieille technique consistant à inviter de jeunes médecins dans de chics restos pour les convaincre de venir pratiquer dans la région avait fait son temps. Il fallait trouver mieux.

Députés, maires, acteurs du milieu de la santé et de l’éducation : la mise en place d’un programme de médecine à Trois-Rivières et à Shawinigan « a mobilisé quantité de personnes », raconte M. Duplain.

Ce programme, qui a aujourd’hui 10 ans, accueille maintenant 40 nouveaux étudiants par année. Des cohortes entières de médecins de famille y ont donc déjà suivi leurs cours au complet et les premiers spécialistes à y être complètement formés viennent tout juste d’être diplômés.

Comme on l’espérait, plusieurs d’entre eux ont été séduits par la région. On vient y étudier, on s’y fait des amis, voire un copain et tout compte fait, on s’y trouve bien, quoi. « Sur 62 résidents en médecine familiale à Trois-Rivières, 49 sont restés dans la région, et à Shawinigan, 18 sur 30. »

Plus encore, d’après un sondage maison réalisé en 2013, plus de la moitié des diplômés disent souhaiter s’installer dans la région pour de bon, ayant pris goût à cette forme de médecine qui donne plus d’autonomie à ceux qui la pratiquent.

Fini le temps où les urgences de la Mauricie fermaient, faute de médecins. Aujourd’hui, il est même possible d’en voir dans des cliniques, les soirs et les fins de semaine. La région n’est plus, pour les médecins, celle qu’il faut fuir à toutes jambes : l’affiliation universitaire lui a permis de regagner un pouvoir d’attraction.

La région compte aujourd’hui 160 médecins de famille de plus qu’il y a dix ans. La création d’un programme de médecine n’explique pas à elle seule cette réussite, mais elle y a certes contribué.

UNE LISTE COMMUNE

Comment l’Université de Montréal procède-t-elle avec ses deux sites d’enseignement de la médecine, l’un à Montréal et l’autre en Mauricie ? Les étudiants qui sont parmi les premiers admis ont le choix d’étudier dans la métropole ou en Mauricie. Si le nombre de places en Mauricie ne se comble pas naturellement, certains étudiants seront désignés pour aller y étudier.

« Moi, j’étais sur la liste d’attente et quand j’ai été acceptée, j’ai d’emblée été dirigée vers le programme de la Mauricie, explique Raphaëlle Gontier-Dupré, originaire de Montréal. 

« En moins d’un mois, j’étais séduite. Ici, la cohorte d’étudiants est plus petite, on est juste à côté du Centre hospitalier régional de Trois-Rivières. Mes études me donnent vraiment le goût de pratiquer en région. »

— Raphaëlle Gontier-Dupré, étudiante en médecine 

Plutôt que de donner elle-même sur son campus de la Mauricie des cours préparatoires qui se donnaient déjà à l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR), l’Université de Montréal envoie plutôt ses étudiants y suivre leurs cours de biochimie ou d’anatomie, par exemple. « On est loin de l’habituelle compétition que se livrent trop souvent les universités, note M. Duplain. La collaboration entre les deux universités est remarquable. »

Après l’année préparatoire, les cours se donnent à Trois-Rivières, qui compte entre autres des salles de classe, de réunion, une bibliothèque et des locaux réservés à la vie étudiante.

Les stages, eux, se font au Centre hospitalier de Trois-Rivières et à Shawinigan, au CSSS de l’Énergie.

À SAGUENAY, UN MÊME ENGOUEMENT

À Saguenay, où l’Université de Sherbrooke a elle aussi implanté une faculté de médecine il y a neuf ans, on est tout aussi convaincu que c’était vraiment la chose à faire.

« Dans la région, on peut dire qu’il y a un “avant 2006” et un “après 2006” tant l’implantation du programme a été bénéfique. »

— Dre Sharon Hatcher, doyenne associée à la faculté de médecine et des sciences de la santé pour la région de Saguenay et du Lac-Saint-Jean

Ici aussi, l’Université de Sherbrooke n’a pas cherché à faire ombrage à l’université régionale. Au contraire, certains profs de l’Université du Québec à Chicoutimi enseignent aux étudiants de l’Université de Sherbrooke.

« Ce n’est pas facile pour un médecin déjà débordé de donner un cours, mais tout le monde a mis l’épaule à la roue », note la Dre Hatcher.

Comme en Mauricie, l’aura universitaire qu’a acquise la région l’aide aussi à recruter des médecins « qui ont le meilleurs des deux mondes : une bonne qualité de vie et une vie universitaire », croit Mme Hatcher.

Le programme compte jusqu’ici 120 finissants. S’il est trop tôt pour savoir combien s’installeront à demeure dans la région, la Dre Hatcher souligne que 60 % font leur résidence sur place et que de nombreuses personnes parmi les premiers spécialistes qui auront leur diplôme à la fin de l’année indiquent vouloir rester dans le coin.

LE SALUT POUR L’OUTAOUAIS ?

Le salut de l’Outaouais, qui est la région la plus touchée au pays par la pénurie de médecins, passe-t-il en grande partie par l’Université McGill ? Cette dernière a fait des démarches pour obtenir la permission de mettre en place un programme de médecine à Gatineau. Le dossier est présentement entre les mains du ministère de la Santé et des Services sociaux, a indiqué l’université.

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