Élections provinciales Opinion

Une fenêtre ouverte pour la laïcité ?

Le 1er octobre, le peuple québécois a tranché. Avec fermeté, il s’est débarrassé du régime libéral et a choisi la Coalition avenir Québec (CAQ) pour gouverner le Québec. Ce tournant est indiscutable, très net. Étonnamment, les maisons de sondage n’ont pas senti ni vu venir cette puissante vague. 

Le Parti libéral du Québec a subi une véritable raclée. Un revers historique. Pour sa part, Québec solidaire (QS) est parvenue à renforcer ses bases à Montréal et à effectuer une percée fulgurante à certains endroits, bien que très contenue si l’on considère l’ensemble du territoire québécois. C’est la CAQ qui régnera en roi et maître pendant quatre ans sur l’Assemblée nationale et le Québec.

Ce qui ressort le plus de ces élections, c’est l’échec lamentable du flirt manqué de Jean-François Lisée auprès de la gauche radicale et QS. Trois ans d’une stratégie controversée qui aboutissent à un cul-de-sac. Ce triste sort était pourtant déjà écrit dans le ciel depuis un bon moment avec la multiplication d’un ensemble de signaux d’hostilité lancés en direction du Parti québécois (PQ). Les nombreuses accusations lancées par les Marissal, Châteauneuf ou Nadeau-Dubois, associant à la xénophobie ou au racisme la laïcité pilotée par le PQ, sont des attestations indiscutables de ce clivage. QS est un parti arc-bouté contre la laïcité, comme tous les partis de la gauche radicale en Europe, associant à tort le principe démocratique de la laïcité à une forme de populisme de droite.

Une question rebondit donc immanquablement. La Coalition avenir Québec, elle qui a promis l’abrogation de la loi 62 et l’introduction d’une loi proclamant la laïcité, respectera-t-elle son engagement et agira-t-elle de manière conséquente ? Le vote exprimé par la majorité des Québécois le 1er octobre est pourtant clair sur ce plan.

La laïcité, au cœur du vote exprimé

Ce qui ressort de l’aspiration à la laïcité au Québec, c’est qu’elle a sa propre résilience. Elle s’est déjà exprimée fortement dans le vote exprimé lors des élections québécoises de 2014, les deux partis prônant la laïcité ayant réussi à réunir près de 50 % des voix. Elle s’est exprimée à nouveau cette fois-ci, plus fortement encore. Les données en attestent.

Le 7 avril 2014, c’est près de 50 % de la population du Québec qui s’est prononcée pour la laïcité.

Le Parti québécois (récoltant 25 % des suffrages) avait son projet de charte (démonisé par le PLQ et QS), tandis que la CAQ scandait de son côté sa volonté d’instituer une charte de la laïcité, mais sans souveraineté du Québec. François Legault a répété ce slogan au cours des deux dernières semaines de cette campagne électorale, ce qui lui a permis de hisser le niveau de ses appuis à 23 % le jour du scrutin. Un des plus grands mensonges de ces cinq dernières années au sujet des élections de 2014, c’est précisément la prétention que les Québécois auraient refusé ce projet de laïcité. Le vote cumulé du PQ et de la CAQ (48 % des voix) infirme cette thèse.

Cette fois-ci, la CAQ et le PQ ont ensemble recueilli près de 55 % des voix.

Le PQ a promu son propre projet de « laïcité de préférence » inspiré des recommandations de la commission Bouchard-Taylor tandis que la CAQ s’est également engagée en direction d’une certaine laïcité. C’est donc dire que le 1er octobre, les Québécois ont opté pour la mise en œuvre d’une laïcité, si minimale soit-elle. Ce choix est très clair et a de quoi secouer un grand nombre d’observateurs et analystes de la scène politique qui, à l’approche du scrutin, soutenaient que la laïcité est rejetée au Québec. En vérité, ils n’avaient d’yeux que pour Québec solidaire ou le vieux Parti libéral du Québec en vertu d’une vision multiculturaliste et communautariste. Le résultat des élections a le mérite de donner l’heure juste.

Le temps d’agir

Par conséquent, se pourrait-il que ce soit la CAQ, plutôt que le Parti québécois, qui ouvre maintenant la voie vers une certaine base minimale de laïcité au Québec ? Cette cause de la laïcité a gagné pour une deuxième fois le 1er octobre. Même si le programme de la CAQ en matière de laïcité n’est pas très avancé, le champ d’application de celle-ci entend couvrir les enseignants, pour qui le port de signes religieux serait interdit. Toutefois, il serait souhaitable d’élargir cette interdiction aux services de garde subventionnés par l’État dans les écoles publiques ainsi qu’aux CPE en installation et en milieu familial, car cette problématique y est pour l’heure la plus criante.

D’autre part, le projet caquiste n’envisage pas l’instauration d’une clause grand-père, ce qui se justifie parfaitement ; il prévoit aussi l’abrogation de la loi 62, ce qui est incontournable dans la mesure où cette loi est anti-laïque et définitivement antinomique à toute loi sur la laïcité. De plus, la question des accommodements religieux, telle que régie par ladite loi, est une porte d’entrée pour tous les intégrismes religieux dans les organismes publics. Elle devrait conséquemment être revue et corrigée.

Par ailleurs, il faut saluer le fait que le projet de la CAQ prévoit d’emblée un recours à la clause « nonobstant » pour la mise en œuvre d’une laïcité dans le cadre des règles établies par les chartes des droits. Cela est indispensable pour assurer sa viabilité constitutionnelle. Comme ce fut le cas pour la loi 101.

À la lumière des résultats des élections et après 10 ans suivant les travaux de la commission Bouchard-Taylor ou un très grand nombre des mémoires déposés plaidaient déjà pour l’instauration d’une réelle laïcité au Québec, le temps des décisions s’impose. À ce stade-ci, on peut soutenir que la CAQ a le mandat et les moyens de faire avancer les choses sur ce plan. Dans la mesure où le nouveau premier ministre François Legault appelle au rassemblement, il devrait logiquement respecter ses engagements. Une forte majorité des Québécois a déjà démontré son attachement à la réalisation d’une franche laïcité dans nos institutions.

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