Éditorial  Architecture

Pourquoi pas du beau pour nos enfants ?

Comme les bibliothèques, les écoles mériteraient d’être construites à l’issue de concours d’architecture

Et si 2017 était l’année où l’on cessait de construire des écoles laides ?

Le souhait peut sembler utopique tant on part de loin avec nos Costco scolaires et nos polyvalentes déguisées en bunkers.

N’empêche, un esprit optimiste pourrait se permettre de rêver en ce début d’année. Il pourrait, en regardant ce qui s’en vient, espérer que le Québec fasse enfin le choix de l’architecture de qualité.

Dur à croire. Surtout quand on voit que les horreurs scolaires ne datent pas toutes de 1970. Encore aujourd’hui, il se construit des boîtes de tôle, des établissements sombres et des écoles d’une affligeante banalité.

En banlieue de Montréal, par exemple, on a peu de souci pour l’exemplarité des bâtiments scolaires. On se contente de racheter les plans d’écoles déjà bâties à proximité ! Puis on reconstruit à l’identique ! On se retrouve ainsi avec exactement la même école à Laval, à Brossard et à Saint-Hubert, malgré des sites, des environnements et des besoins différents !

Comme s’il suffisait d’ériger quatre murs et un toit, pourvu que la superficie de plancher soit bonne… et la facture, la plus basse possible.

Après tout, il ne s’agit que d’une bâtisse où les élèves passeront dix heures par jour, cinq jours par semaine, pendant six ans !

Mais heureusement, il y a de l’espoir en ce début d’année. Les choses pourraient commencer à changer…

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Depuis la sortie remarquée de l’architecte Pierre Thibault* contre la laideur des écoles à Tout le monde en parle, l’automne dernier, les astres semblent vouloir s’aligner pour que l’on s’attaque au problème.

L’Ordre des architectes du Québec, d’abord, réfléchit à l’avenir de l’école, s’interroge sur la pertinence du copié-collé et tente de convaincre le gouvernement et les commissions scolaires de faire mieux.

Sa présidente, Nathalie Dion, a ainsi fait la tournée de quelques écoles le mois dernier afin de mieux comprendre la situation et de faire la promotion d’une idée lumineuse : l’adoption d’une politique nationale de l’architecture. Une politique qui consacrerait l’importance de cet art du quotidien au Québec, qui permettrait des interventions plus réfléchies et qui hausserait la barre pour les constructions publiques… notamment les écoles.

L’Ordre souhaite ainsi profiter de l’année qui s’amorce pour intensifier son lobbying, organiser une vaste consultation sur l’architecture et présenter au gouvernement une feuille de route avant le Sommet mondial du design, prévu en octobre prochain.

Intéressant ! D’autant que la principale commission scolaire du Québec, la Commission scolaire de Montréal (CSDM), vient de prendre formellement position en faveur d’une telle politique. Elle compte maintenant amener le sujet devant la Fédération des commissions scolaires pour la convaincre de suivre.

Tout cela se fait dans un contexte qui, de l’avis de bien des acteurs du milieu, semble propice à une révision des façons de faire depuis la nomination du dernier ministre de l’Éducation, Sébastien Proulx.

Un ministre qui comprend enfin le lien qui existe entre l’apprentissage des élèves… et l’environnement dans lequel il se fait !

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Les études scientifiques sont claires : le rendement scolaire augmente dans les écoles qui sont spacieuses, lumineuses, dotées d’espaces communs et de classes bien pensées.

Tout le contraire de nos écoles qui, à part quelques rares exceptions comme l’école primaire de La Grande-Hermine à Québec (voir galerie photo, ci-contre), sont conçues pour répondre à une demande en pieds carrés, rien de plus.

En fait, les écoles idéales ressemblent aux nouvelles bibliothèques qui se construisent aux quatre coins du Québec. Des bibliothèques aérées et généreuses qui, à Saint-Laurent, Rosemont, NDG et ailleurs, ont eu droit à des concours d’architecture depuis que le ministère de la Culture en a fait une condition pour tout projet de plus de 5 millions de dollars.

Une idée : appliquer aux écoles le traitement réservé aux bibliothèques, tout simplement.

On organiserait ainsi un concours d’architecture pour tout projet de construction ou d’agrandissement, afin de réfléchir à la fonction du bâtiment, à son insertion dans la trame urbaine, à son esthétique, à sa qualité architecturale.

Cela permettrait en plus à tous les architectes de participer à la conception des écoles plutôt que de se limiter à ceux qui en ont déjà fait, comme c’est le cas aujourd’hui ! Cela ouvrirait aussi la porte à la relève, à l’innovation, voire à une réflexion plus vaste sur l’école du XXIe siècle.

Et pourquoi attendre ? Pourquoi ne pas commencer dès cette année avec quelques projets pilotes ? La CSDM a déjà levé la main, après tout, et elle a quelques établissements à construire à court terme, comme l’école Irénée-Lussier, l’école d’horticulture ou encore le future pavillon de l’école Sophie-Barat.

Imaginons seulement ce qu’une telle directive pourrait apporter aux écoles de demain. Imaginons que nous décidions d’apporter plus de soins aux établissements scolaires dès cette année. Imaginons ce qu’une politique d’architecture pourrait avoir comme effet sur notre environnement immédiat, nos quartiers, nos villes… et l’expérience scolaire de nos tout-petits.

* L’auteur de cet éditorial a cosigné un livre sur l’architecture avec Pierre Thibault.

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