MÉNAGE DU PRINTEMPS

La manière nippone de faire de l’espace

Pratiquement inconnue il n’y a pas si longtemps, la Japonaise Marie Kondo a créé tout un mouvement grâce à la méthode KonMari, qu’elle a mise au point. Sa philosophie prône une épuration radicale des objets dans la maison et compte un nombre grandissant d’adeptes… au point où on parle presque d’une secte du rangement ! 

Le livre de Marie Kondo, The Life-Changing Magic of Tidying Up (Le pouvoir étonnant du rangement, en français), a connu un succès planétaire. À la demande générale, l’auteure a bricolé une suite, Spark Joy (pas encore traduit en français), un livre plus visuel où elle illustre certaines façons de plier le linge ou de ranger les objets.

Marie Kondo est obsédée du rangement depuis son plus jeune âge. Déjà, toute petite, elle s’attaquait aux placards et aux tiroirs de la maison familiale dès qu’elle rentrait de l’école, avant même de retirer son uniforme. Au fil de ses expérimentations, elle a peaufiné sa méthode de rangement jusqu’à devenir une experte du sujet.

L’idée : jeter un grand nombre de nos possessions pour garder seulement celles qui nous rendent heureux. Entourés uniquement des objets que nous aimons, nous dégageons alors de l’espace pour penser plus clairement, et même pour vivre mieux, croit Marie Kondo.

JETER, PUIS RANGER

Les bases de la méthode KonMari sont simples et reposent sur deux préceptes : jeter d’abord tout ce qui est superflu, en prenant soin d’apporter les objets qui sont en bon état à un organisme de charité, puis ranger les possessions qu’il nous reste. Chaque objet devrait ainsi trouver sa place et y rester.

Selon l’apôtre du rangement, on n’arrivera à rien si on avance à petits pas. Il faut plutôt procéder d’un seul coup, le plus rapidement possible.

Certains aspects de la méthode sont plus spirituels, voire controversés. Par exemple, pour faciliter le tri, Mme Kondo suggère de tenir chaque objet dans sa main, puis de se demander s’il nous procure une étincelle de joie (« spark of joy »). Si oui, on le garde. Si non, on le jette. Et ce, même s’il s’agit d’un cadeau de notre mère ou d’une robe coûteuse qu’on n’a jamais portée.

Marie Kondo incite aussi les gens à remercier les objets pour les bons services rendus. Elle écrit : « Une fois que mes clients ont appris à traiter leurs affaires avec respect, ils me disent toujours : “Mes vêtements durent plus longtemps. Mes pulls se tiennent mieux et je ne renverse plus de choses dessus.” »

Selon Marie Kondo, cette méthode induit de nombreux avantages, qui vont bien au-delà de la simple épuration matérielle. Certains de ses clients auraient perdu du poids après s’être « libérés » de leurs possessions ; d’autres auraient même changé de carrière ou quitté leur conjoint.

VIVRE SIMPLEMENT

Marie Kondo n’est pas la seule experte du rangement à la nippone : l’auteure Dominique Loreau, une Française qui vit au Japon depuis la fin des années 70, est également une pionnière dans le domaine. Elle s’est d’abord fait connaître par le livre L’art de la simplicité, paru il y a plus de 10 ans ; elle a depuis écrit plusieurs ouvrages sur le rangement, le ménage et, plus récemment, le bonheur de vivre dans un petit espace.

« J’adore ranger ! », lance-t-elle d’emblée, jointe au téléphone à sa maison de Kyoto. « Quand je veux me reposer d’écrire, je me mets à ranger. Pour moi, c’est un moment de plaisir. »

Si elle n’a jamais rencontré Marie Kondo, Dominique Loreau est néanmoins partisane de sa méthode. 

« [Marie Kondo] a mélangé deux concepts de façon très intelligente : ranger et jeter. Elle parle de ranger, mais si on lit bien son livre, il s’agit surtout de jeter. »

— Dominique Loreau, auteure de L’art de la simplicité

Selon Mme Loreau, il est normal d’avoir l’esprit plus clair après avoir épuré son espace de vie. « Ranger, c’est faire le tri, c’est faire des choix, soutient-elle. Si on range sans jeter, ça n’apporte pas grand-chose, à mon avis. Comme dit Marie Kondo, quand on a peu de choses, le problème du rangement ne se pose pas. »

Mme Loreau prône la simplicité dans toutes les sphères de notre vie : le rangement, certes, mais aussi notre façon de manger, de nous habiller, mais surtout de penser. « Le but ultime de la simplicité, c’est notre façon d’envisager le monde et la vie, illustre l’auteure. Accepter les choses, ne pas s’accorder trop d’importance, comme il ne faut pas trop en accorder aux choses. »

TROP, C’EST TROP ?

Selon les principes de la méthode KonMari, il ne faut pas hésiter à jeter, jeter et encore jeter. Et si on finissait ainsi par dénaturer notre espace de vie ?

Selon la designer d’intérieur Virginie LaSalle, ranger, c’est bien, mais on doit éviter de tomber dans l’extrême.

« Le rangement, il faut le voir comme un geste d’appropriation de son chez-soi, et c’est vraiment positif », affirme Mme LaSalle. Mais selon elle, il faut garder en tête que les contraintes d’espace du Japon et celles de nos sociétés nord-américaines sont bien différentes. « La densité urbaine dans les pays asiatiques implique qu’on doit accumuler moins d’objets matériels », poursuit Mme LaSalle, qui enseigne également le design d’intérieur à l’Université de Montréal. « D’un point de vue rationnel, c’est plus facile à justifier de leur côté ; tandis que pour nous, c’est une esthétique qui nous séduit. »

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