SAUVER LE CLIMAT  STOCKER L’ÉNERGIE VERTE EN ONTARIO

« De vrais dollars pour de vrais services »

Des batteries. Des roues qui tournent. Des systèmes qui transforment l’électricité en hydrogène. D’autres qui la stockent sous forme de chaleur. Pendant que plusieurs voient encore le stockage de l’énergie comme un problème, l’Ontario passe à l’action. La province voisine déploie actuellement un grand nombre de technologies de stockage sur son territoire. Et ça fonctionne.

« Ce ne sont pas des projets-pilotes. Les contribuables paient de vrais dollars pour de vrais services », dit Len Kula, directeur des opérations pour l’Ontario Independant Electricity System Operator (IESO), l’organisme qui gère le réseau électrique de la province.

Comme partout ailleurs, les opérateurs du réseau ontarien doivent ajuster en temps réel la production d’électricité avec la demande du moment. Historiquement, ce sont les centrales hydroélectriques et thermiques qui se chargeaient de maintenir cet équilibre. Un manque d’électricité dans le réseau ? On ouvrait les valves des barrages ou on brûlait davantage de combustible. En cas contraire, on réduisait le débit. Hydro-Québec fait exactement la même chose avec ses barrages.

« Mais nous ne voulions pas mettre tous nos œufs dans le même panier, explique M. Kula. Nous avons conclu que les nouvelles technologies pourraient fournir les mêmes services. »

L’Ontario a donc décidé d’investir dans à peu près toutes les technologies de stockage qui existent sur le marché. L’idée : les faire fonctionner en contexte d’opération pour les comprendre.

Pour l’instant, deux types de technologies sont utilisées en Ontario : des batteries et des volants d’inertie. D’autres ont déjà été commandées (voir explications à l’onglet suivant). La capacité de stockage actuelle des nouvelles technologies atteint 6 mégawatts (MW), mais la province vise à déployer 50 MW de stockage supplémentaire d’ici quelques années. Du nombre, déjà 34 MW ont été accordés sous forme de contrats à des entreprises.

L’IESO affirme ne pas acheter des technologies de stockage uniquement pour gérer la production de plus en plus importante d’électricité verte en Ontario, mais pour balancer son réseau de façon générale. Il reste que l’une des raisons officielles de ces achats est d’« atténuer les fluctuations des ressources solaires et éoliennes ».

« Il peut arriver qu’à 3 heures du matin, nos sources non polluantes génèrent 15 MW d’énergie, mais que la demande atteigne seulement 12 MW. Nos capacités d’emmagasinage nous permettent de transférer cette énergie verte d’une période à l’autre », illustre Len Kula.

DES COÛTS ENCORE ÉLEVÉS

L’IESO refuse de dire exactement combien coûte l’électricité stockée grâce à ses nouvelles technologies.

« Nous voyons les coûts des fournisseurs traditionnels de régulation de fréquence augmenter, alors que le coût des nouvelles technologies diminue. En Ontario, notre expérience est que les coûts des deux types de solutions se rapprochent. »

— Mary Bernard, porte-parole de l’IESO

Pierre-Olivier Pineau, expert en énergie à HEC Montréal, juge toutefois que les coûts de chaque mégawatt emmagasiné sont encore trop élevés pour qu’on puisse compter sur cette solution à court terme pour réussir la transition vers une économie faible en carbone.

RÉDUIRE PLUTÔT QUE STOCKER

En fait, selon M. Pineau, l’Ontario devrait viser à réduire sa consommation d’énergie plutôt que d’essayer de la stocker.

« Un peu comme le Coke diète n’est pas une solution à la surconsommation de liqueurs douces, l’énergie renouvelable n’est pas la solution à notre surconsommation énergétique », compare-t-il.

Dans le cas ontarien, l’expert voit une solution intéressante. Au Québec, des études montrent que des mesures d’efficacité énergétique permettraient de réduire notre consommation d’électricité de 15 %. Si les surplus étaient envoyés en Ontario, la province voisine aurait accès à une source d’énergie facilement modulable à moindre coût.

Mais au-delà du débat sur la pertinence des choix faits par l’Ontario, il reste que la province est en train de faire une démonstration importante : les systèmes capables d’emmagasiner l’énergie existent, et ils fonctionnent.

La leçon pourrait inspirer des pays comme l’Inde, par exemple, où la production électrique est appelée à exploser au cours des prochaines années. Le pays doit choisir entre des technologies polluantes comme le charbon, ou des sources renouvelables comme le solaire ou l’éolien, qui doivent être stockées.

« Pour les pays en développement, le stockage est intéressant et essentiel, confirme M. Pineau. Il s’en fait d’ailleurs déjà beaucoup. »

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