Fierté Montréal

Lingerie délicate et armes à feu

Dominique est née dans un corps de garçon. C’est avec une perruque, les ongles teints et une jupe qu’elle se sent vraiment elle-même. Qu’elle se sent comme une femme. Militaire de carrière, sa passion pour la lingerie délicate d’un côté et les armes à feu de l’autre en ont surpris plus d’un. Aujourd’hui, elle tente de concilier les deux.

C’est un combat de tous les jours pour Dominique, 34 ans. Un combat qui ne se livre pas sur le champ de bataille : enfiler son treillis et passer pour un dur. Dominique aimerait mieux se laisser pousser de longs cheveux et aller à la base avec une belle manucure.

Il lui faudrait une lettre d’évaluation pour établir officiellement sa dysphorie du genre et pour pouvoir commencer, si elle le souhaite, un traitement hormonal. Ce processus demande plusieurs rendez-vous chez des spécialistes comme un sexologue ou encore un endocrinologue. « L’armée est mon fournisseur de soins de santé et elle n’a pas de sexologue attitré. On m’envoie alors chez des médecins pas du tout spécialisés en dysphorie du genre », explique-t-elle en soufflant.

Dans les rangs de l’armée, cela ne fait pas si longtemps que ses « frères d’armes », comme elle les appelle, sont au courant. Dominique n’a jamais voulu faire de cette annonce un coming out. « Tu ne fais pas un coming out de toi-même ! », lance-t-elle. Et même si elle s’est toujours assumée, la trentenaire a besoin d’être vue comme une vraie femme à travers d’autres yeux que les siens parce que « cela rend la chose plus réelle ».

Mais c’est plutôt une fin de relation difficile qui l’a poussée à sortir du placard auprès de ses collègues militaires. « Il n’y a pas de moment idéal pour dire cela », croit-elle. 

« [Mes collègues] étaient pour la plupart étonnés. Certains se sont alors comportés différemment avec moi. D’autres s’en fichaient. »

— Dominique

Par exemple, l’un d’eux est un jour tombé sur une perruque et une paire de faux seins à elle. « Cela ne l’a pas plus dérangé que cela. » Mais Dominique assure que c’est derrière son dos que les gens parlent. « Ils disent que je suis folle. Certains m’ont dit que je ne devais pas trop en parler », assure-t-elle. Et c’est parfois avec des traits fins de maquillage noir autour de ses yeux vert clair qu’elle arrive à la base. Comme un poing levé vers le ciel, en signe de protestation.

Dominique apprécie pourtant le fait qu’au travail, hommes et femmes portent le même uniforme. « La seule différence, c’est ce que l’on porte en-dessous. » Pour elle, pas de slip ni de caleçon, mais une petite culotte en coton, « tellement plus confortable ! »

DEUX PASSIONS

Sa féminité, Dominique en a pris conscience très jeune, alors qu’elle fouillait dans les tiroirs de sa mère. « Ce n’était pas une déviance sexuelle. J’aimais juste toucher la soie, la lingerie. Quand on est enfant, on ne réfléchit pas plus », raconte-t-elle. De l’autre côté, c’est sa fascination pour les Forces armées canadiennes qui l’a poussée à s’engager. « Lorsque j’ai vu les soldats canadiens partir en Bosnie pour le maintien de la paix, j’ai trouvé ça admirable. Le code d’honneur véhiculé par l’armée m’a toujours parlé. »

De ses deux « passions », ses parents n’en connaîtront qu’une seule pendant longtemps. Cela ne fait que quelques mois que Dominique leur a parlé de sa volonté d’être une femme à part entière. « Beaucoup de personnes disent que c’est un choix de vie. Ce n’est pas vrai. J’ai fait le choix de vivre. Mes parents ont plutôt choisi de faire l’autruche et le sujet reste tabou », poursuit-elle, la gorge nouée.

Ce n’est qu’entre les murs de son appartement qu’elle se sent revivre. « C’est tellement confortable de porter une robe ou une jupe ! Il n’y a qu’une fois, à Toronto, que j’ai décidé de sortir habillée en femme. La plupart du temps, j’ai peur qu’on me dévisage. Je sais que pour certains, je suis une bête de foire », raconte-t-elle.

Aujourd’hui, Dominique ne songe pas à l’intervention chirurgicale elle en a bien trop peur. Mais elle aimerait pouvoir être elle-même. Hors des murs de son appartement. Tout simplement.

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