Couche-Tard

La plus grande entreprise au pays

Avec l’achat de l’américaine CST, Alimentation Couche-Tard réussit tout un exploit. Elle devient la plus grande entreprise de l’histoire canadienne en termes de revenus.

Couche-Tard

Des ventes de 50 milliards US

Au cours de son exercice annuel, les ventes de Couche-Tard dépasseront celles des multinationales en alimentation, des grandes banques et des autres sociétés canadiennes inscrites en Bourse. À quelques heures de l’assemblée annuelle, son fondateur fait le point. Entrevue avec Alain Bouchard, au siège social de Laval.

Première au pays

« Je n’avais pas réalisé que nous étions la plus grande entreprise au pays avant qu’on m’en fasse la remarque », dit Alain Bouchard. Sa réaction ? Il est « très fier » pour les gens du Québec et du Canada qui travaillent dans l’entreprise, dont certains sont là depuis très longtemps. « De voir tous ces gens faire carrière chez nous, ça me fait plaisir », dit-il. Le nombre d’employés de Couche-Tard, et de son enseigne Circle K, dépasse les 120 000.

Revenus en croissance

Grosso modo, les ventes annuelles seront de 50 milliards US, estime le grand patron. De ce montant, environ 35 milliards, soit 70 %, seront voués au carburant. Les marchandises vendues s’élèveront à 15 milliards, pour 30 %. Côté profit, M. Bouchard précise que d’autres entreprises canadiennes sont plus rentables. « Les grandes banques, les assureurs, les télécoms, par exemple, ont des marges plus grandes, précise-t-il. Nous, notre marge nette est de 3-4 %. »

Une petite pause

L’achat de la texane CST a été confirmé par les autorités réglementaires cet été. Il s’agit d’une grosse bouchée. Couche-Tard conservera 1263 magasins pour des ventes de 8,2 milliards US. Sans compter que l’entreprise québécoise se prépare à acheter la chaîne Holiday, avec plus de 500 magasins situés dans l’Ouest américain. « Présentement, le focus est de digérer tout ça, dit Alain Bouchard. Il ne faut pas essouffler nos troupes. Nous allons prendre une petite pause d’un an. »

Objectif mondial

L’objectif de Couche-Tard et de son enseigne Circle K est mondial. Ses magasins sont canadiens, américains et européens. Des contrats de licence lui permettent aussi d’exploiter des magasins en Asie, en Amérique du Sud et au Moyen-Orient. « On veut s’établir sur un autre continent, dit M. Bouchard. On veut le faire avec nos propres investissements. On regarde des occasions en Asie, en Amérique du Sud et en Europe. » La prochaine grande acquisition pourrait se faire dans deux ans.

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Couche-Tard venait de s’assurer contre les ouragans

Pour la reconstruction de ses magasins touchés par Harvey et Irma, Couche-Tard bénéficiera d’une assurance contre les ouragans contractée il y a à peine neuf mois, a indiqué Alain Bouchard à La Presse. Entretien sur les défis actuels et futurs de l’entreprise.

Quel a été l’impact des ouragans au Texas et en Floride, où vous avez des centaines de magasins ?

Au Texas, tout est reparti, sauf une dizaine de magasins. Dans les prochaines semaines, on va en rouvrir deux ou trois. Pour les autres, ce sera une question de mois. En Floride, ça se résume à 15-20 magasins encore fermés. C’est particulièrement le cas dans les Keys, car ils ont été très touchés. Pour aider nos employés, en plus des collectes de fonds, nous en transférons certains dans d’autres magasins. Par ailleurs, j’ai appris qu’on était assuré contre les ouragans. Ce n’était plus le cas depuis Katrina, il y a 12 ans. Mais on a signé un contrat en décembre de l’an dernier. Ça couvre la reconstruction. Ça représente des dizaines de millions.

Quels sont les principaux défis de Couche-Tard ?

Quand je rencontre des jeunes start-up, je leur demande ce qu’ils veulent accomplir. Certains disent : on veut prendre une partie de votre business [rires]. Alors, nous-mêmes, il faut être un peu perturbateurs [disruptive]. On est donc actifs dans les nouvelles technologies et l’intelligence artificielle. C’est un défi qui nous intéresse car on voit plus d’occasions que de risques. Par exemple, avec les nouvelles technologies, les clients pourront éviter de faire la file. Ils vont entrer, scanner leurs produits et repartir. Un peu comme avec l’essence. Les employés vont demeurer, c’est évident. Ils seront là pour conseiller et aider la clientèle. Ils feront aussi des tâches de maintien et de contrôle de l’âge pour la bière, le vin, les cigarettes et les loteries.

Et vous réfléchissez aussi à l’arrivée des autos électriques ?

La voiture électrique est un de nos grands défis. Mais c’est vraiment à long terme. Pour le moment, il y en a moins de 1 % en Amérique du Nord. Mais on se prépare. On étudie de très près notre marché en Norvège. L’an dernier, 30 % des nouvelles voitures vendues étaient électriques. Cette année, on parle de 40 %. Les choses ont bougé rapidement là-bas. Pourquoi ? Parce que ça coûte moins cher d’acheter une auto électrique. Le gouvernement a enlevé les taxes. Et il a donné d’autres avantages aux acheteurs. Pour nous, la Norvège, c’est un micromarché pour apprendre. La bonne nouvelle, c’est que l’année dernière, la Norvège a fait plus de profits que jamais. On a réussi à prendre des parts de marché avec, entre autres, le prêt-à-manger. Et pour les autos électriques, on a le plus grand réseau de bornes de recharge au pays et nous avons des services très développés du côté des lave-autos. Ça nous rassure.

Sur quel autre volet technologique travaillez-vous ?

On s’intéresse beaucoup aux milléniaux. On a eu une présentation, la semaine dernière à Chicago, d’un spécialiste qui étudie les générations de consommateurs. Les milléniaux, c’est un grand défi pour l’ensemble des entreprises. Ils sont indépendants. Ils ont un comportement différent de leurs prédécesseurs, comme c’est le cas avec chaque nouvelle génération. Mais la grande différence, c’est qu’ils sont élevés dans les technologies. Ils sont nés avec une tablette dans les mains. Ils réagissent différemment. La question, c’est : comment on réussit à les convaincre de fréquenter nos commerces aussi souvent que les générations précédentes ? On a un site Facebook et des applications. Les jeunes viennent chez nous à cause de la nature du commerce. Mais ils semblent moins attachés à la marque. On dirait qu’elle n’a pas la même signification pour eux. Il faut les toucher au cœur. On a encore du temps pour se transformer. Et pour adopter notre offre pour plaire davantage aux milléniaux.

Pour terminer, avez-vous toujours l’intention de vendre du cannabis dans les dépanneurs ? Quels sont les derniers développements ?

Oui, on a soumis notre mémoire au gouvernement du Québec. Par ailleurs, on a vu ce qui s’est passé en Ontario [on veut créer une filiale de la Régie des alcools de l’Ontario (LCBO) et ouvrir jusqu’à 150 succursales pour vendre du cannabis]. La première ministre Kathleen Wynne prend toujours des décisions unilatérales sans grandes consultations. Elle est fidèle à sa gestion. On l’a vu aussi avec le salaire minimum [hausse à 15 $ l’heure en janvier 2019]. Pour notre part, on peut vivre avec des augmentations de salaire minimum raisonnables sur un certain nombre d’années. Mais d’arriver avec de grands coups comme ça se fait présentement en Ontario… Il n’y a pas beaucoup de commerces qui peuvent réussir à performer quand on sait que leurs dépenses principales, c’est la main-d’œuvre. Et qu’il y a une hausse soudaine de 30 % de ce coût. C’est vraiment difficile. Ça oblige à faire des acrobaties qui ne créeront pas de richesse pour le personnel. On va couper des heures ici et là. On va trouver d’autres façons de faire. Malheureusement, c’est désagréable. On a des scénarios en place pour compenser.

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