Rencontres en altitude

Daniel et ses choristes

Malgré des heures passées à leurs côtés en plein vol, nos voisins de siège demeurent souvent anonymes. Notre collaboratrice a voulu briser cette bulle invisible, faisant des découvertes aussi étonnantes qu’enrichissantes.

Certaines personnes vous attirent comme des aimants. Daniel Benlolo (Danny pour les intimes) fait partie de cette catégorie. L’avion n’a pas encore décollé que la photo est prise et la conversation, bien entamée.

Daniel m’explique qu’il accompagne une chorale de 10 chanteurs en Israël et que certains d’entre eux prennent l’avion pour la première fois. L’excitation dans la cabine est palpable. De fait, je pense que c’est la première fois que j’assiste à des applaudissements au décollage ET à l’atterrissage.

« C’est une chorale bien spéciale. Ils ont entre 32 et 72 ans et sont atteints, pour la plupart, de troubles du spectre de l’autisme. Pour eux, chanter est presque leur raison de vivre en plus d’être un véhicule incroyable de développement. »

Daniel a créé et dirigé pendant 18 ans la chorale de la fondation juive Tamir et l’accompagne encore à l’occasion. De la Floride à Calgary, en passant par Atlanta ou le jubilé de la reine à Ottawa, Daniel promène ses choristes, trop heureux de chanter en hébreu, en anglais et en français.

« C’est la première fois en Israël pour la grande majorité d’entre eux. Là-bas, on va chanter avec d’autres chorales en plus de visiter des lieux saints juifs, chrétiens et musulmans puisque nous avons aussi des accompagnateurs et des choristes de toutes les confessions. C’est une expérience culturelle doublée d’un pèlerinage chanté ! »

Juif sépharade, Daniel est né au Maroc. Il est arrivé à Montréal à 7 ans avec ses parents et ses 11 frères et sœurs. Il est le benjamin de cette grande famille. Il raconte, avec un large sourire, que son père, vendeur d’épices, avait caché tout son argent dans les talons des souliers de ses 12 enfants, craignant de le perdre ou de se le faire voler durant le voyage.

« En arrivant, il s’est emparé de nos souliers neufs ! On ne comprenait rien ! », dit-il en riant.

C’est le cousin de sa mère, le chanteur marocain Samy Elmaghribi, qui l’a initié au chant sacré et pris sous son aile à la synagogue.

« Je chante dans toutes sortes d’événements, particulièrement des mariages et des funérailles. Je m’implique dans nombre d’organisations juives, mais je prône les échanges interculturels. Je retourne souvent au Maroc et je me considère judéo-arabe. Un jour, je l’espère, on pourra chanter avec les choristes en Palestine. Et pourquoi pas ? »

Daniel me demande si je veux entendre une chanson.

« Ici ? Maintenant ? Dans l’avion ?

— Mais bien sûr ! »

Il demande à Robert, l’un de ses meilleurs chanteurs, d’entonner With a Little Help From My Friends des Beatles. D’autres choristes se joignent à lui.

Et, à cet instant précis, je me dis que ça doit ressembler à ça, être au ciel.

Mazel tov, Danny !

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