Jean Paul Gaultier

Célébrer la différence

Le couturier français Jean Paul Gaultier a fait un court séjour très remarqué à Montréal la semaine dernière, où il s’est uni symboliquement avec l’artiste canadien d’origine crie Kent Monkman, alias Miss Chief Eagle Testickle, alter ego flamboyant qu’incarne l’artiste.

La mannequin Ève Salvail, muse de Gaultier, était demoiselle d’honneur à l’occasion de cette performance artistique intitulée Another Feather in Her Bonnet (« Une autre plume à sa coiffe »), qui célèbre l’amour et le respect des cultures.

Cette union entre deux défenseurs de la diversité a été lancée par le Musée des beaux-arts dans le cadre de l’exposition Love is love : le mariage pour tous selon Jean Paul Gaultier, où 35 robes et habits de noces haute couture du créateur français sont présentés jusqu’au 22 octobre.

L’exposition qui a attiré 100 000 visiteurs se déplacera à Buenos Aires, en Argentine, au printemps prochain.

Besoin d’amour

Jean Paul Gaultier, qui a toujours célébré la différence à travers ses créations, estime qu’aujourd’hui plus que jamais, les gens ont besoin de transmettre un message social et de s’unir. « Nous vivons une période d’affrontement, explique-t-il. Des lois sont remises en question. Il y a un retour en arrière, un conservatisme qui est effrayant. Même les éléments de la nature sont déchaînés, c’est le chaos. »

« On a besoin de sentir les valeurs et les sentiments qui sont ceux de l’amour et de la famille, de se replonger dans les bonheurs de la famille qui apportent du soutien. »

— Jean Paul Gaultier

Le créateur, maintenant âgé de 65 ans, dit pourtant faire partie d’une génération antimariage. « C’était l’époque où les femmes brûlaient leur soutien-gorge pour montrer qu’elles voulaient sortir du carcan, affirme-t-il. On n’est pas obligé de se marier, on peut le faire par pur romantisme ou encore au bout de 15 ans de vie commune, mais il reste que le mariage peut aussi apporter une protection pour les conjoints, ne l’oublions pas ! »

On lui fait remarquer que son plus récent défilé se terminait avec la mannequin canadienne Coco Rocha vêtue d'une robe de mariée sur la musique de la chanson thème du film La Reine des Neiges, Libérée, délivrée ! « Tout en étant mariée, on peut très bien être libre et heureuse ! Libérée ! », lance-t-il, amusé.

D’ailleurs, a-t-il vraiment demandé Madonna (pour qui il a notamment créé le corset aux seins coniques) en mariage ? « Oui, mais elle a refusé trois fois alors maintenant, ça suffit ! Je ne dois pas correspondre à ses critères ! », s’exclame le créateur français.

Son regard sur la mode

Jean Paul Gaultier porte un regard critique sur la mode d’aujourd’hui. Dans les maisons de luxe, il parle d’une surenchère, et d’une guerre que se livrent les grands groupes. Il estime qu’il y a trop de collections, trop de vêtements et pas assez de gens qui les portent. Le couturier déplore le fait que les gens qui ont les moyens et l’occasion de porter du luxe, notamment les actrices d’Hollywood, ne paient pas leurs vêtements.

« On leur offre la garde-robe entière et on va même jusqu’à les payer pour porter des vêtements ! C’est un grand paradoxe. Et nous ? Comment fait-on pour payer nos couturières et employés si on donne nos créations ? C’est un système désolant. J’ai toujours fait des vêtements pour qu’on m’aime, et je ne vais pas faire signer de contrat pour que des actrices les portent », dénonce Jean Paul Gaultier, qui compte 41 ans de métier. Il a arrêté le prêt-à-porter pour se consacrer à la haute couture, qui est toujours sa passion.

Pour le couturier français, la mode est désormais devenue internationale grâce à l’internet. « On a tous accès aux mêmes informations, aux mêmes influences. Les créateurs de Montréal font de très belles choses, et les sources de talent se trouvent dans le monde entier, tant mieux ! »

Son nouveau parfum féminin Scandal

Aussi créateur de parfums, Jean Paul Gaultier vient de lancer une nouveauté, Scandal, avec une publicité qu’il qualifie de « gentiment provocante ».

On y voit une femme qui sort de discothèque au petit matin, se rend au travail en jupe sexy et porte-jarretelles. Puis, quand elle sort de sa voiture, des journalistes lui lancent : « Madame la ministre ! »

« Je montre que la femme est l’égale de l’homme. La femme peut à la fois aimer s’amuser, tout en ayant un poste de pouvoir, être ministre et intellectuelle. Un peu comme si Simone de Beauvoir donnait des spectacles au Crazy Horse [cabaret mythique parisien] ! », lance-t-il en riant. 

Love is Love : le mariage pour tous selon Jean Paul Gaultier se poursuit jusqu’au 22 octobre au Musée des beaux-arts de Montréal

Célébrer à Montréal

Jean Paul Gaultier se réjouit de célébrer à Montréal le succès d’une grande aventure, l’exposition La planète mode de Jean Paul Gaultier – de la rue aux étoiles, qui a débuté ici, en 2011. Lui qui pensait que les rétrospectives étaient réservées aux artistes morts est ravi de vivre cette reconnaissance, qui est le fruit d’un travail d’équipe avec Nathalie Bondil, directrice générale du Musée des beaux-arts, et Thierry-Maxime Loriot, commissaire de l’exposition. « Ma carrière est déjà l’accomplissement de mes rêves, confie Jean Paul Gaultier. Et ces 2 millions de visiteurs qui ont vu l’exposition à travers le monde, je pensais que c’était du domaine du surréalisme et pourtant, c’est la réalité ! »

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