La Presse à Paris

Une solution écolo au « pipi sauvage »

Paris a un problème de pipi sauvage. Tous ceux et celles qui ont visité la Ville Lumière l’ont constaté à leur nez défendant. Partout, ça sent. Souvent. Beaucoup… Mais deux designers français pourraient avoir inventé l’arme révolutionnaire pour lutter contre ce fléau nauséabond. Il s’agit de l’uritrottoir, une pissotière 100 % écolo, qui recycle vos urines en engrais pour les plantes. La gare de Lyon, à Paris, est la première à avoir adopté cette vespasienne de l’avenir. Mais d’autres villes ont déjà manifesté leur intérêt. Explications sur le terrain – et sans éclaboussures – avec ses deux créateurs.

Le principe

Non, ce n’est pas une jardinière. Et encore moins une boîte aux lettres. Malgré les apparences, cette boîte rouge est bel et bien un urinoir… vert. Son principe est simple. Le pipi tombe dans la cuve inférieure, qui contient des matières sèches, surtout de la paille… Une fois que cette cuve est saturée (250 pipis pour le petit format, 500 pour le grand), un signal numérique est envoyé à l’entreprise qui gère l’uritrottoir. Un responsable vient remplacer le bac souillé, et envoie la matière odorante au centre de recyclage. Qui en fera du compost. « Oui, c’est ce qu’on appelle du low-tech, de la technologie douce », admet fièrement Laurent Lebot, de l’agence Faltazi, qui a créé l’uritrottoir.

Le recyclage

À moins d’être très, très diluée, l’urine est trop acide pour être versée directement sur des plantes. Il faut donc la mélanger avec des matières sèches pour en faire du compost. Un bon équilibre entre le carbone (la paille) et l’azote (l’urine), bien oxygéné, permettra la création d’un humus. Il faudra six mois pour faire du fumier et un an pour faire du compost, lequel sera ensuite répandu dans les jardins publics de Paris. Attention, souligne Vicor Massip, l’autre papa de l’uritrottoir : l’engrais ne doit pas être utilisé pour faire pousser des fruits et des légumes, à cause des molécules de médicaments pouvant se retrouver dans l’urine de certains « pisseurs ».

Le succès

Depuis leur installation, à la fin du mois de janvier, les deux prototypes de la gare de Lyon font fureur. Du Figaro au New York Times, de grands médias français et internationaux se sont penchés sur ces petits bijoux. Plusieurs villes ont aussi manifesté leur intérêt. Après Paris, il y aura Nantes. Puis peut-être Lausanne, Zurich, Rennes, Cannes, Le Mans. Ce succès ne surprend pas Laurent Lebot. « Les problèmes de pipis sauvages, ça concerne toutes les villes du monde, dit-il. Donc tout le monde est en quête d’une solution. » L’avantage de l’uritrottoir, ajoute Victor, « est que ça se pose où on veut » et qu’il permet d’économiser sur le nettoyage. « On sauve des quantités d’eau, de temps et de détergent pour laver les rues », dit-il.

Ce qu’en disent les passants

Pourquoi des uritrottoirs alors que Paris a déjà des toilettes publiques ? « Parce que les 450 sanisettes de Paris ne répondent pas aux besoins de la ville », répond Laurent Lebot. On verra si l’expérience est concluante. Mais pour l’instant, l’uritrottoir demeure un DOMI (drôle d’objet mal identifiable). « C’est un récupérateur de pluie ? », demande Daniel, un passant, en observant l’uritrottoir. Une fois renseigné, l’homme hausse les épaules. « Ah… un urinoir ! Bon… Si j’ai une grosse envie de pisser, je l’utiliserais peut-être. Mais sinon, je préfère encore aller en gare… »

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