100 idées pour faire avancer le québec 

Une hésitation incompréhensible

En 2018, on ne devrait plus se demander si on doit ou non investir dans les réseaux de transports en commun, on devrait plutôt se demander pourquoi on a attendu si longtemps pour le faire. Dans les 50 dernières années, les automobiles se sont approprié graduellement l’espace de nos villes avec des impacts économiques, environnementaux et sociaux trop importants pour qu’on se permette aujourd’hui d’hésiter encore.

Il faut recentrer la planification urbaine autour des individus car fondamentalement la ville est d’abord un milieu de vie. Et ensuite, il faut se rappeler que ce sont bien des personnes qu’on tente de déplacer et non des véhicules !

Il est grand temps de revoir notre façon d’imaginer des solutions et de ne plus faire abstraction du fait que les villes sont des agglomérations de services, d’emplois et de personnes et qu’avec cette concentration, génératrice de créativité et d’innovation, vient la responsabilité de faire passer l’efficience collective devant nos choix et désirs individuels, et ce, pour atteindre globalement une meilleure qualité de vie.

Et maintenant, qu’est-ce qu’on fait pour rendre nos transports en commun attractifs ?

Premièrement, on investit massivement dans les réseaux pour multiplier et diversifier les choix et en faire une option de haute qualité pour le plus grand nombre.

Il faut mettre de côté cette idée d’usager moyen et assurer que tous les types d’individus y trouvent leur compte : ceux qui aiment marcher, ceux qui ne veulent pas être sous terre, ceux qui sont pressés, ceux qui préfèrent être assis quitte à prendre plus de temps, etc. Il faut offrir cette nécessaire diversité, ce que les constructeurs automobiles ont bien compris, pour répondre aux besoins et attentes d’une gamme plus large de voyageurs.

Il faut offrir plusieurs trajets de qualité pour se déplacer entre une même paire origine-destination pour justement faire en sorte que les usagers puissent choisir le trajet qui leur convient le mieux chaque fois qu’ils se déplacent et surtout faire en sorte qu’ils ne soient plus otages d’une ligne ou d’une station lorsque quelque chose ne va pas tel que prévu… et on sait bien que cela arrive. On rend par conséquent le réseau tout entier moins vulnérable face aux imprévus.

Rétablir l'équilibre

Deuxièmement, on rétablit l’équilibre spatio-temporel sur l’ensemble du réseau routier en donnant la priorité aux usagers des transports en commun, tant aux véhicules qui les transportent (autobus, tramway, etc.) que lorsqu’ils accèdent au réseau en mode actif (marche, vélo). D’un côté, cela veut dire à la fois développer des transports en commun en site propre (et on ne parle pas nécessairement d’aller dans les airs ou sous terre), implanter des voies réservées et des mesures préférentielles mais de façon beaucoup plus agressive et systématique.

Il faut sortir les usagers des transports en commun de la congestion, tout simplement car c’est le mode le plus efficient collectivement.

De l’autre côté, il faut prendre grand soin des modes actifs car ce sont les alliés de premier plan des transports en commun : il faut pouvoir se rendre efficacement et en toute sécurité aux arrêts d’autobus, stations de métro et gares de train, sans devoir attendre à chaque intersection, sans risquer sa vie, sans devoir enjamber des montagnes de neige, sans se demander si son vélo sera là au retour.

Troisièmement, on intègre les offres innovantes dans le bouquet de services des transports en commun, tant d’un point de vue information à l’usager, paiement que planification. Les lignes de métro, les lignes de train et les lignes d’autobus sont là pour rester. Mais avec la configuration urbaine héritée du développement des 50 dernières années, la diversification des systèmes d’activités et les transformations technologiques, les transports en commun deviennent l’ossature d’un système beaucoup plus diversifié. Il faut recourir à un parc de véhicules plus diversifié permettant d’adapter dynamiquement l’offre de service à la demande, bonifier les services à la demande (taxi collectif, transport à la demande) et profiter des offres des modes alliés comme l’autopartage, le vélopartage, le covoiturage et le taxi pour repenser et optimiser l’offre globale. Et on prépare ainsi les réseaux de transports en commun à la venue des véhicules autonomes, connectés et partagés.

Quatrièmement, on s’intéresse à la séquence complète des déplacements en transports en commun, depuis leur planification jusqu’à leur évaluation par le voyageur. Celui-ci doit pouvoir facilement trouver l’information sur tous les trajets et options possibles, connaître l’état de tous les services en temps réel, déterminer la meilleure façon d’accéder à l’arrêt, attendre dans des conditions adéquates, payer son droit de passage simplement, se déplacer efficacement, en tout confort et sécurité, déterminer facilement quand et où sortir, se faire guider lors des correspondances et y trouver des services pertinents, savoir comment accéder à sa destination finale et pouvoir simplement offrir une rétroaction sur son expérience.

Et, finalement, on s’assure aussi de ne pas rendre l’automobile individuelle plus attractive, qu’elle soit électrique ou autonome…

* L’auteure est également titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur la mobilité des personnes, département des génies civil, géologique et des mines, CIRRELT/CIRODD.

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