Histoire

Durivage et la fierté de Montréal

Au milieu des années 80, le Montréal francophone mangeait du pain Durivage et le Montréal anglophone, du pain POM, acronyme signifiant Pride of Montreal. Durivage a avalé POM, et les deux boulangeries ont ensuite changé de propriétaires, mais leurs pains sont restés.

Les marques de commerce sont aujourd’hui propriété de Grupo Bimbo, une des plus grosses boulangeries du monde. L’entreprise mexicaine a fait l’acquisition de ce qui était devenu Canada Bread en 2014, pour la somme de 1,8 milliard.

« Mon grand-père doit avoir capoté en haut », dit Luc Durivage au sujet de cette transaction.

Alphonse Durivage, le grand-père en question, n’aurait en effet jamais pu imaginer un tel parcours pour l’entreprise qu’il a fondée en 1912 sur le Plateau Mont-Royal.

Issu d’une famille de 10 enfants, Alphonse Durivage a appris tôt dans sa vie que la terre familiale de Saint-Édouard ne pourrait pas faire vivre toute la famille.

« Son père l’a déposé au coin des rues Sanguinet et Sainte-Catherine, il lui a donné 1 $ et lui a souhaité bonne chance », raconte son petit-fils Luc, qui a été directeur général de l’entreprise de 1981 à 1990.

Le jeune Durivage trouve un emploi comme apprenti dans une boulangerie. Quatorze ans plus tard, il avait accumulé assez d’argent, soit 300 $, pour racheter la boulangerie.

C’est un des ses fils, Claude, qui a racheté l’entreprise de son père et l’a fait prospérer. « Mon père était un entrepreneur, il a fait beaucoup d’acquisitions », raconte son fils Luc.

Les années qui ont suivi ont vu apparaître le pain tranché, un produit venu des États-Unis, et un nouveau genre de boulangerie, de type industriel. « En 1976, mon père a eu une bonne idée. Il est allé voir la boulangerie Robin, qui faisait du pain pour des marques privées sur la rue Papineau, et a convaincu la famille de fusionner ses activités avec les siennes. »

Cette initiative est devenue Unipain, puis Multi-Marques, avec les familles fondatrices des boulangeries membres comme actionnaires, en compagnie de Canada Bread, qui a tout racheté en 2001.

Ce n’était pas l’unanimité dans les familles concernées quand il a été question de vendre à Canada Bread, se souvient Luc Durivage. Finalement, la majorité l’a emporté, et la transaction s’est conclue.

La marque Durivage existe toujours, mais elle est moins répandue qu’avant. Simon Durivage, journaliste bien connu et membre de cette illustre famille, a déjà livré le pain le samedi, dans une voiture à cheval. Il résume le changement qui s’est opéré avec le temps : « Avant, les Durivage se faisaient souvent demander : es-tu parent avec le pain ? Maintenant, c’est : es-tu parent avec Simon ? »

Legs : les produits Durivage et POM, pour Pride of Montreal, se trouvent toujours sur les tablettes des supermarchés.

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