Les devises

Risque ou occasion ?

À l’approche de vacances en Europe ou aux États-Unis, savez-vous jauger l’impact du taux de change du dollar canadien ? Et dans vos placements, connaissez-vous le « risque de devises » qui pèse sur le rendement de vos placements ? Tour d’horizon pour s’y retrouver.

Un dossier de Martin Vallières

Vos finances  Les devises

vos placements et les devises

Connaissez-vous le « risque de devises » dans vos placements ?

Il s’agit du risque que les fluctuations des taux de change entre le dollar canadien et les principales devises des marchés financiers, le dollar américain et l’euro notamment, bousculent considérablement le rendement de vos placements internationaux.

« Pour les investisseurs canadiens qui veulent optimiser la gestion et le rendement de leurs placements boursiers, alors que le marché canadien représente à peine 2 % des marchés mondiaux, il y a beaucoup plus d’occasions d’investissement à l’international qu’au Canada », souligne Charles Martin, vice-président et gestionnaire de portefeuilles au service de placements privés chez TD Waterhouse à Montréal.

« En contrepartie, ces occasions de placements sur les Bourses étrangères peuvent représenter un plus grand “risque de devises” dans les portefeuilles des investisseurs canadiens par rapport à leurs semblables américains ou européens, qui fonctionnent déjà dans les plus grands espaces monétaires et boursiers du monde. »

Un exemple ?

Depuis le début de l’année, le principal indice de la Bourse américaine, le S&P 500, a procuré un rendement total de 3,6 % (en incluant les dividendes) aux investisseurs américains.

Mais pour les investisseurs canadiens, ce rendement se retrouve presque doublé à 6,9 %, lorsqu’on le mesure en dollars canadiens.

Cette différence très avantageuse à court terme s’explique par le rebond de la valeur du dollar américain par rapport à celle du dollar canadien.

Les différences de rendement parfois considérables qui sont imputables aux variations des taux de change motivent l’intérêt pour les investisseurs canadiens de tenter de neutraliser ce risque de devises sur les actifs étrangers dans leur portefeuille.

« Il y a diverses façons de gérer cela en fonction du profil de tolérance au risque de chaque investisseur, mais aussi de la pertinence de ces moyens selon leurs coûts et l’ampleur du portefeuille », explique Charles Martin.

Les investisseurs d’envergure et plus chevronnés peuvent recourir à l’achat et à la vente de produits de couverture comme des contrats à terme sur le dollar canadien qui sont échangés sur le marché des produits dérivés de la Bourse de Montréal.

C’est par ce moyen que l’on peut tenter de compenser le risque de devises sur le rendement de placements en actions internationales avec des gains en capital réalisés lors de transactions de contrats à terme sur les devises d’origine.

Prudence !

Mais attention, il s’agit de transactions considérées autant comme spéculatives que comme préventives dans le milieu boursier et monétaire.

« C’est extrêmement difficile de prédire adéquatement l’évolution des taux de change, et bien peu y parviennent, même parmi les professionnels des marchés financiers et boursiers. »

— Charles Martin, vice-président et gestionnaire de portefeuilles au service de placements privés chez TD Waterhouse à Montréal

« En fait, c’est comme une formule mathématique avec des dizaines de variables à considérer et sur lesquelles il ne faut pas se tromper, au risque d’erreurs de prévision qui peuvent faire très mal à un portefeuille », avertit Charles Martin.

De l’avis de Martin Bray, vice-président et gestionnaire de portefeuilles de particuliers chez Valeurs mobilières Desjardins, les surcoûts relatifs aux produits de couverture de taux de change à court terme seraient difficilement justifiables dans la gestion à plus long terme d’un portefeuille type de particuliers.

« Ça n’en vaut pas la peine – et le coût ! – pour les portefeuilles qui sont déjà bien diversifiés entre les actions canadiennes et les actions américaines, par exemple. Selon mon expérience au fil des ans, avec une part raisonnable de 20 à 30 % en actions américaines dans un portefeuille type, ce n’est pas vraiment justifié de couvrir le risque de change », explique M. Bray.

« Et dans les portefeuilles où les actions américaines sont à plus de 35 % de l’actif total, ce qui est trop élevé à mon avis, je commencerais par réduire ma position avec des prises de profit sur les titres les mieux valorisés avant de chercher à couvrir le risque de devises. »

Pour le nombre croissant de particuliers qui investissent à l’étranger par l’entremise des fonds négociés en Bourse (FNB) spécialisés, plusieurs FNB d’actions internationales et de plus grande capitalisation à la Bourse de Toronto sont offerts en version d’origine et en version assortie d’une couverture des fluctuations du dollar canadien.

Mais encore là, l’avantage ou non d’un fonds couvert sur le rendement à moyen terme dépend beaucoup des fluctuations du taux de change du dollar canadien durant la période cible.

Par exemple, comme le montre le tableau suivant, les FNB les plus représentatifs de la Bourse américaine, comme les XUS/XSP chez iShares et les VUN/VUS chez Vanguard, ont produit des rendements du simple au double selon qu’un investisseur canadien avait des parts de la version non couverte et de la version couverte en dollars canadiens.

Quelles perspectives pour le dollar canadien ?

Vos finances  Les devises

Vos dépenses et les devises

Vous préparez un séjour aux États-Unis et des dépenses en dollars américains ? Ou encore du côté de l’Europe, avec des dépenses en euros ?

Vous avez intérêt à garder un œil sur l’évolution du taux de change entre le dollar canadien et ces deux devises d’importance.

En fait, comme le montre le premier graphique, l’achat d’un dollar américain coûte au moins 1,29 $CAN ces temps-ci en taux de change de base, avant les frais de conversion selon le mode de paiement utilisé.

C’est un peu moins coûteux qu’il y a un an, où l’achat coûtait alors 1,34 $CAN, mais un peu plus qu’il y a trois ans (1,24 $CAN) et beaucoup plus coûteux qu’il y a cinq ans, alors que 1 $US coûtait 1,03 $CAN, ce qui se rapprochait de la parité.

Par rapport à l’euro, comme le montre le second graphique, le coût d’achat en dollars canadiens fluctue aussi considérablement au fil des ans.

À la veille des nombreux voyages estivaux outre-Atlantique, l’achat de 1 euro coûte au moins 1,51 $CAN au taux de change de base, avant les frais de conversion selon le mode de paiement utilisé.

C’est un coût pratiquement équivalent à celui d’il y a un an, où il était de 1,52 $CAN. Mais un peu plus coûteux qu’il y a trois ans (1,36 $CAN), et presque 11 % plus cher qu’il y a cinq ans (1,34 $CAN).

L’art du « magasinage »

Comme consommateur et voyageur, comment tenter de réduire ses coûts d’achat de devises étrangères, au-delà des variations de taux de change sur les marchés des devises ?

De l’avis d’experts consultés par La Presse, la réponse dépend surtout de l’ampleur et du moment prévus des dépenses en devises étrangères.

« La clé de base, c’est de minimiser les frais de conversion d’une devise à l’autre. »

— Charles Martin, vice-président et gestionnaire de portefeuilles au service de placements privés chez TD Waterhouse à Montréal

Pour les consommateurs moyens, dont les dépenses en devises étrangères sont occasionnelles et limitées dans leur budget annuel, le « magasinage » des meilleures conditions et frais de conversion selon les modes de paiement, en particulier les cartes de crédit de fidélisation en « bonis-voyages », demeure la façon la plus accessible de minimiser ses frais de conversion de devise.

Mais pour les consommateurs qui voyagent et dépensent beaucoup à l’étranger, notamment ceux qui séjournent quelques mois par hiver dans le sud des États-Unis, le recours à des moyens de paiement déjà libellés en dollars américains peut être le moyen le plus efficace de réduire ses frais de conversion de devises.

« Quand une personne ou un couple passe de trois à quatre mois par hiver en Floride, avec le tiers environ de leur budget de vie annuel qui est déboursé en dollars américains, ça vaut habituellement le coût d’avoir un compte d’opérations bancaires et une carte de crédit libellés en dollars américains, auprès de l’institution financière au Canada avec laquelle ils font déjà affaire », explique Charles Martin.

« Comme il s’agit de dépenses importantes et surtout prévisibles d’une année à l’autre, les détenteurs de tels moyens de paiement en dollars américains peuvent utiliser les fluctuations à court terme du taux de change pour se constituer d’avance une “réserve” de devises au meilleur coût, selon le moment. »

Bien sûr, avertit Charles Martin, il ne s’agit pas ici de tenter de deviner l’évolution du taux de change de la devise cible. Mais plutôt de tenter de planifier et de stabiliser ses frais de conversion dans son budget de dépenses futures, et de mieux contrôler le risque de surcoût de taux de change au moment de faire ses dépenses.

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