Le livre, le film, puis la pièce Vol au-dessus d’un nid de coucou – dont c’est la dernière représentation ce soir, au Rideau Vert – ont marqué l’imaginaire de générations, notamment par la violence de certains soins psychiatriques administrés. Et, d’après divers groupes de défense des droits en santé mentale, les temps sont loin d’avoir changé.
Pourtant, depuis des années, les instituts psychiatriques et les autres hôpitaux tentent de déstigmatiser l’utilisation des électrochocs (ou électroconvulsivothérapie, ECT dans le jargon). Régulièrement, des psychiatres interviennent dans les médias pour affirmer que la pratique s’est raffinée avec les années, et qu’elle ne ressemble plus en rien à ce qu’a pu connaître le personnage de McMurphy (incarné par Jack Nicholson dans le film, et Mathieu Quesnel sur les planches du Rideau Vert).
Interviewée par La Presse, Marie-Ève Cotton, psychiatre de l’Institut universitaire en santé mentale de Montréal, a rapporté récemment qu’il s’agissait désormais de traitements « d’exception », réservés aux « dépressions sévères, majeures, résistantes aux médications ».
Dans son Profil de l’utilisation de l’électroconvulsivothérapie au Québec, publié l’an dernier, l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) parle aussi d’une intervention de « dernier recours », dont l’utilisation est « en diminution constante ». Ainsi, souligne le rapport, entre 1996 et 2013, seules 8149 personnes ont été traitées, soit environ 804 par année. En 2013, 750 personnes ont eu un traitement d’ECT au Québec, et 180 à Montréal, signale Éric Pelletier, chef de secteur de la surveillance des troubles mentaux, à l’INSPQ.
Pas si exceptionnel que ça
L’affirmation de Marie-Ève Cotton a fait bondir plusieurs groupes de défense des droits en santé mentale, qui, en se basant sur les chiffres de la RAMQ et en se fiant non pas sur le nombre de personnes traitées, mais plutôt sur le nombre de traitements administrés, dénoncent au contraire un usage en augmentation constante. « En 2015, il y a eu 10 690 séances d’électrochocs au Québec, fait valoir Doris Provencher, directrice générale de l’Association des groupes d’intervention en défense des droits en santé mentale. Pour une mesure d’exception, je ne suis pas sûre que ce soit si exceptionnel que ça. »
L’Association chapeaute plus de 20 groupes de défense des droits dans la province. « C’est sûr que les gens qui font appel à nous vivent des difficultés, concède-t-elle, mais nous sommes nourris par ce qui se passe sur le terrain. »
Selon la directrice générale, depuis le temps des asiles, « sur le plan du respect des droits de la personne, les choses n’ont pas changé tant que ça ».
« Oui, des gens vont dire que les électrochocs leur ont sauvé la vie, mais il y a aussi des gens qui m’ont dit que ça a gâché leur vie ! »
— Doris Provencher, directrice générale de l’Association des groupes d’intervention en défense des droits en santé mentale
Action Autonomie, collectif pour la défense des droits en santé mentale de Montréal, a comptabilisé près de 3000 séances d’électrochocs à Montréal en 2015, une augmentation de 52 % en un an. L’organisme s’inquiète d’ailleurs de la banalisation de la pratique, essentiellement utilisée sur des femmes et personnes âgées de 65 à 80 ans. « Les femmes de cet âge, qui vivent souvent de l’isolement et des abus, mériteraient certainement une approche plus humaine et plus respectueuse pour surmonter leurs épisodes de dépression », a affirmé, par écrit, son porte-parole Jean-François Plouffe.