Les femmes qui allaitent doivent éviter le cannabis 

Licite depuis le 17 octobre au Canada, le cannabis n’a jamais été aussi accessible. Cela ne veut pas dire que les femmes qui désirent tomber enceintes, celles qui le sont ou celles qui allaitent peuvent en consommer, préviennent les professionnels de la santé.

Les substances contenues dans le cannabis (dont les cannabinoïdes et le tétrahydrocannabinol, appelé THC) traversent le placenta et se rendent au lait maternel, explique la docteure Amira El-Messidi, professeure associée à la division de médecine fœto-maternelle du Centre universitaire de santé McGill. « Si une femme qui allaite boit de l’alcool, elle jettera son lait pour ne pas le passer à son bébé et éviter que cela n’affecte son développement, dit-elle. Mais cela ne fonctionne pas dans le cas du cannabis puisqu’il faut 30 jours pour l’éliminer complètement. »

Et les traces de drogue dans le lait peuvent être importantes, souligne la Dre El-Messidi. « La concentration est jusqu’à huit fois plus élevée pour le bébé, explique-t-elle. Le cannabis transféré au bébé est relâché lentement, sur une longue période de temps. » Elle rappelle que la marijuana est aujourd’hui plus puissante qu’il y a 30 ans. Ainsi, le taux de THC, l’ingrédient actif responsable des effets psychoactifs ou du « gel », est passé de 3 % en 1983 à 13 % en 2008 et à 23 % en 2016, relate la spécialiste.

Ne pas y toucher

La recommandation ? Ne pas consommer de marijuana du tout pendant l’allaitement. « Qu’il soit inhalé ou mangé, le cannabis a des répercussions et des impacts dont on ne mesure pas toute l’ampleur encore, ni à court ni à long terme », dit Caroline Morin, pharmacienne au Centre info-médicaments en allaitement et grossesse du CHU Sainte-Justine. Parmi les effets secondaires chez les utilisatrices habituelles de cannabis et mesurés par des études, la Dre El-Messidi cite le manque de tonus du bébé, des problèmes de succion qui provoquent une sous-alimentation en lait, des troubles du sommeil, de l’agitation et une moindre capacité de s’autoapaiser.

Le hic : on ignore quelle est la dose ou la fréquence de consommation qui provoque ces effets. « D’une femme à l’autre, cela peut varier parce que les substances ne passent pas dans le lait de la même façon », indique Mme Morin.

Risques potentiels

Dans le cas des femmes enceintes, la consommation de cannabis a aussi des répercussions, en plus de celles citées précédemment : bébés de petits poids, effets sur la croissance de la circonférence de la tête, naissances prématurées et mort intra-utérine.

Les femmes qui souhaitent vivre une grossesse devraient elles aussi stopper leur consommation de pot, disent les deux expertes.

« On connaît mal l’impact sur le cycle menstruel et sur la fertilité chez la femme comme chez l’homme. »

— La Dre Amira El-Messidi, professeure associée à la division de médecine fœto-maternelle du Centre universitaire de santé McGill

La qualité des spermatozoïdes, quant à leur morphologie, leur nombre et leur mobilité, est affectée par la prise de marijuana.

La fumée secondaire du pot, comme celle de la cigarette, peut elle aussi faire des dommages. « Il ne faut jamais fumer en présence d’enfants, note Mme Morin. Et changer de pièce ou fermer la porte ne suffit pas : la fumée voyage d’une pièce à l’autre ! »

Consulter son professionnel de la santé

Qu’elle soit allaitante, enceinte ou désireuse d’avoir un bébé, une femme qui souhaite arrêter de fumer du cannabis doit en parler à un professionnel de la santé. « Si la femme prend du cannabis pour une raison de santé, pour de l’anxiété, des nausées ou des douleurs, par exemple, des solutions existent », souligne la Dre El-Messidi.

Consulter des groupes de soutien et suivre une psychothérapie fait aussi partie des solutions à envisager si une femme décide d’arrêter de consommer du cannabis. « Le premier pas, c’est de le dire », insiste Mme Morin.

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