États-Unis

Choisir entre la mort... et la mort

Des condamnés à mort américains qui contestent la volonté des autorités carcérales de les tuer par injection létale doivent proposer un mode d’exécution de rechange s’ils veulent être entendus par les tribunaux.

Cette singulière obligation explique l’exécution la semaine dernière par électrocution d’un homme de 63 ans, Edmund Zagorski, qui jugeait la chaise électrique potentiellement moins douloureuse que l’administration d’un cocktail médicamenteux expérimental.

Des détenus également condamnés à mort au Tennessee ont déposé par la suite une requête dans laquelle ils disent préférer mourir sous les balles d’un peloton d’exécution plutôt que par injection létale.

Le directeur du Death Penalty Information Centre (DPIC), Robert Dunham, qui suit les développements juridiques dans ce domaine, explique que ces détenus ne souhaitent pas avoir à faire un tel choix.

Une décision de la Cour suprême rendue en 2015 les oblige cependant à désigner une méthode acceptable pour leur exécution s’ils veulent que leur contestation de l’injection létale soit entendue, relève-t-il.

« Ce jugement a été largement critiqué en raison de la nature macabre du processus forçant un détenu à choisir la forme que prendra sa propre mort. »

— Robert Dunham, directeur du Death Penalty Information Centre 

Edmund Zagorski, précise M. Dunham, demandait initialement à être tué par injection létale avec un produit largement utilisé par le passé au Tennessee, le pentobarbitol, plutôt qu’un procédé utilisant le midazolam, un sédatif utilisé lors de plusieurs exécutions récentes qui ont mal tourné.

Il a opté pour la chaise électrique après que les tribunaux eurent tranché que l’ancienne méthode d’exécution par injection létale n’était probablement plus accessible et ne constituait pas une solution de rechange.

Son avocate, Kelley Henry, a souligné en vain que le Tennessee avait forcé son client à réclamer « une mort horrible et funeste dans la chaise électrique » pour échapper à une forme de « torture chimique extrême ».

Son plaidoyer n’a pas convaincu la Cour suprême, qui est partagée sur l’exigence d’une méthode de rechange. Une juge dissidente, Sonia Sotomayor, a déclaré que cette obligation était à la fois « légalement et moralement » inacceptable et « grotesque » et devrait être retirée.

Selon Robert Dunham, la question figure aussi dans une autre cause entendue cette semaine par le plus haut tribunal du pays. Russell Bucklew, qui a été condamné à mort au Missouri pour un meurtre survenu en 1996, veut aussi éviter d’être tué par injection létale et demande à être plutôt exécuté par l’utilisation d’un gaz.

Craintes envers l’injection létale

En plus de mettre en relief une obligation juridique controversée, ces causes révèlent l’importance des craintes concernant l’injection létale.

« Quand des détenus aiment mieux opter pour la chaise électrique ou le peloton d’exécution, ça en dit long », note M. Dunham.

En raison notamment d’un embargo qui a rendu le pentobarbital difficilement accessible, nombre d’États ont dû expérimenter au cours des dernières années de nouveaux médicaments, parfois avec des résultats catastrophiques. Des détenus ont souffert pendant plusieurs minutes avant de mourir, semblant aux prises avec une vive douleur.

Recul de la peine de mort

Selon M. Dunham, les dérapages très médiatisés survenus récemment avec cette méthode constituent un des facteurs qui contribuent au recul de la peine de mort dans le pays.

L’État de Washington est récemment devenu le 20e à interdire cette pratique, ce qui confirme « un changement de climat significatif ».

En incluant ceux qui ont imposé un moratoire ou qui ne l’ont pas formellement interdite, mais qui ne la pratiquent pas depuis plusieurs années, le nombre total d’États refusant la peine de mort passe à 30.

Les élections de mi-mandat, dit M. Dunham, devraient renforcer plus encore la tendance puisque plusieurs candidats très critiques de la peine de mort ont été élus.

C’est le cas notamment au Colorado, qui pourrait adopter un interdit total dans un avenir rapproché, relève-t-il.

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