Portfolio COOP

La fierté des jeunes coopérants

Il y a trois ans, Mathieu Morin a créé son emploi en fondant une coopérative de travailleurs avec quatre collaborateurs dans la vingtaine, comme lui. La coopérative compte aujourd’hui 14 membres travailleurs.

« On voulait permettre à chacun des membres de travailler à temps plein et de vivre pleinement leur vie professionnelle, dans leurs champs de compétence », explique le directeur des ventes et du marketing de la coopérative de solidarité Belvédère Communication.

Il assure que le modèle fonctionne. Il n’hésite pas à parler de « sentiment de fierté » et d’un « modèle d’affaires équitable ». « Nous prenons nos décisions de façon démocratique », ajoute le directeur de la coopérative montréalaise qui compte une centaine de « membres utilisateurs », dans le communautaire et dans le secteur privé.

« Ce qui est bien, fait-il valoir, c’est qu’une coopérative, ça ne peut pas être vendu ! Nous avons les deux pieds ancrés solidement au Québec. »

Stimuler la relève

Gaston Bédard, PDG du Conseil québécois de la coopération et de la mutualité, partage aussi cette philosophie. Il estime d’ailleurs qu’il faudrait « mieux outiller » les jeunes, « la relève », pour lui donner les moyens de faire des affaires selon le modèle coopératif.

« Les 18-35 ans, dit-il, ont le goût d’entreprendre. J’ajouterais même que l’avenir du modèle coopératif va passer par les jeunes, mais à la condition de leur faire une place et de les soutenir financièrement. » Il fait allusion à des « prêts patients » pour donner des formations adaptées aux jeunes entrepreneurs tout en capitalisant leur coopérative.

Il termine ce mois-ci une tournée provinciale au cours de laquelle il a rencontré de jeunes entrepreneurs « désireux de partir une coopérative ». Selon lui, ces forces vives pourraient constituer une partie de la solution quand viendra le temps de trouver des repreneurs, avec les départs à la retraite des entrepreneurs dans le début de la soixantaine.

« La formule des travailleurs-actionnaires peut être mise de l’avant pour réussir des transferts, ajoute-t-il. En impliquant les jeunes, on pourrait éviter de perdre nos compagnies. »

Se recentrer

Michel Séguin, professeur à l’École des sciences de la gestion de l’Université du Québec à Montréal, constate pour sa part que les coopératives « évoluent dans un marché de plus en plus compétitif », d’où l’importance, soumet-il, de se renouveler pour « répondre aux exigences de leurs membres ».

« Le principal enjeu que je vois pour l’avenir des coopératives, résume-t-il, c’est de ne pas s’éparpiller et de se recentrer sur leur raison d’être. Or, [ces dernières années], le mouvement coopératif a eu tendance à s’éloigner, à s’éparpiller de sa mission première. »

Chose certaine, insiste-t-il encore, les coopératives « ne peuvent plus se permettre de travailler chacune dans leur coin ». Il pense que les coopératives scolaires, à titre d’exemple, devront sans doute « travailler [davantage] ensemble » pour contrer les géants de la taille d’Amazon « avec des livres vendus 3 $ de moins par un seul clic ».

Tirer avantage du potentiel

Par ailleurs, le professeur en gestion juge essentiel que les coopératives existantes « se renouvellent » et qu’elles amènent « du sang neuf », en intégrant des jeunes au sein de leurs instances.

« Mais je vois un vent de changement, et c’est positif », relève-t-il.

Il aimerait voir émerger, enfin, des coopératives de consommateurs, dans le secteur alimentaire et dans la santé.

« Il y a un potentiel, évalue-t-il. C’est un bon modèle d’affaires. Est-ce que c’est utopique de l’envisager ? Moi, je pense qu’on pourrait créer des coopératives inspirées de la forme de Costco. »

« Si, demain matin, on se mettait ensemble pour créer des coops centrées sur les besoins des membres, ça pourrait marcher, et les profits iraient dans les poches des membres ! », conclut-il.

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