Carnet d’endorphines

S’améliorer, pour quoi faire ?

Tout le monde se plaint qu’on est dans une société de performance, qu’on se fait presser le citron tous azimuts, qu’on tire, qu’on draine, qu’on pousse, jusqu’à l’épuisement.

Le paradoxe, c’est qu’il existe aussi une pression monumentale pour s’accepter « comme on est » et en faire moins. Lève le pied du gaz, fille, ralenti, calme-toi le gros nerf (et fais ça vite, ça presse).

Vous vous y retrouvez ? Moi non plus.

En sport, il y a deux écoles ; celle qui se satisfait des bénéfices d’une pratique saine et quotidienne d’un corps en mouvement. Et l’autre… celle où l’on traite volontiers celui (et celle donc…) qui se démène de « crack pot », de « crinqué » et autres qualificatifs peu reluisants, et tend à le faire passer pour une sorte d’Iggy Pop de la piste.

Si j’aime beaucoup l’idée qu’il faille se réconcilier avec nos limites, je suis moins indulgente avec l’idée de la résignation et du refus d’essayer…

J’ai passé 20 ans de ma vie à répéter à mes enfants qu’ils devaient au moins essayer avant de décréter que les épinards, c’est dégueulasse, je serais mal placée pour défendre le statu quo.

Le statu quo est à double tranchant ; d’un côté, on ne se plante pas, bien à l’abri de la routine. De l’autre, il y a toujours ce maudit doute qui nous susurre à l’oreille : si tu n’essaies pas, tu ne sauras jamais de quoi tu es capable…

Ceux qui osent

Quand je sens le piège du confort se refermer sur moi, j’ai un truc imbattable : je regarde ceux qui osent, qui se poussent et qui assument, joyeusement, leur désir de se dépasser.

Il y en a un qui me botte régulièrement le derrière. Il s’appelle Michel Cusson, il est graphiste à La Presse, et il vient de fracasser son record personnel au marathon de Boston (sa 8e participation à ce marathon mythique au parcours difficile) en le courant en 2 h 52 min 08 s.

À 50 ans.

Son premier marathon, il venait d’avoir 29 ans, il s’était entraîné deux semaines (!), et il l’avait couru à l’improviste, avec un ami qui le suivait à vélo. Il l’a terminé en 4 h.

Treize ans plus tard, à l’âge vénérable de 42 ans, mais beaucoup mieux préparé, Michel courait le marathon de Toronto en 3 h 07 min.

Hum, l’âge n’est donc pas un facteur de ralentissement, s’est dit ce grand slack qui laisse (malicieusement) pousser sa barbe blanche en prévision des courses importantes pour « que les petits jeunes ne se méfient pas ». Je peux faire mieux !

Qu’est-ce qui le motive ?

Ce qu’il ne cesse de faire depuis, abaissant son chrono jusqu’à 2 h 49 min 39 s sur la distance reine qu’est le marathon. Qu’est-ce qui le motive à vouloir s’améliorer ? Tout ! « C’est un feu, une façon de penser, un désir de prouver ta flamme, c’est le propre de l’humain de vouloir s’améliorer, c’est ça, vivre. »

Sa dernière préparation pour Boston, il avait moins de temps à consacrer à l’entraînement que d’habitude. Il a donc misé sur le volume, en courant matin et soir les 8 km qui le séparent de son travail. « Ça me prend moins de temps me rendre à la course que de prendre les transports en commun, et j’ai plus de temps pour la famille. » Il ne lui restait qu’à ajouter les longues courses du dimanche prévues au plan, quelques sprints de 80 m de temps en temps histoire de travailler une belle foulée et « de ne pas [s]’endormir » et ç’a été son meilleur temps entre Hopkinton et le fil d’arrivée.

Le coureur qui se définit comme un végétarien, ascendant végane, se garde de dire que le secret de sa forme est dans son alimentation. « Par contre, ce que je peux dire, c’est que le fait de ne manger ni viande, ni poisson, ni produits laitiers n’est pas un handicap à ma performance », dit-il.

Et maintenant que tu es au sommet de ta forme, pourquoi est-ce que tu cherches encore à t’améliorer, Michel ?

Il s’est mis à rire.

« Parce que ça me rend heureux. »

***

La chroniqueuse tient à spécifier que Michel Cusson n’a aucune ressemblance, même vague, avec Iggy Pop. Sauf peut-être pour les jus verts (essaie avant de dire que tu n’aimes pas ça).

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