Sommeil

Mélatonine : un rapport « alarmiste » ?

Une agence française vient de publier un avis sur les compléments de mélatonine qui identifie des « populations et [des] situations à risque ». Une chercheuse québécoise déplore le ton alarmiste du rapport et de la couverture médiatique qui s’en est suivie, alors qu’aucune étude n’a démontré de danger en lien avec la mélatonine.

La mélatonine est une hormone que le corps sécrète pendant la nuit qui favorise l’endormissement. Au Canada, la mélatonine est désignée comme un produit de santé naturel. Des compléments de mélatonine sont offerts en vente libre, comme dans plusieurs pays dans le monde, dont la France.

Mercredi dernier, l’Agence nationale de sécurité sanitaire alimentation, environnement, travail (ANSES), en France, a publié un avis qui fait suite à une analyse des cas de déclaration d’effets indésirables susceptibles d’être liés à la prise de mélatonine sous forme de compléments alimentaires.

On parle précisément de 90 cas déclarés de 2009 à 2017, en France, dont 19 suffisamment complets pour être retenus. 

Divers symptômes ont été notés, dont des maux de tête, des vertiges, de la somnolence, des tremblements, des migraines, des nausées et des cauchemars.

L’ANSES a complété cette analyse par une étude de données bibliographiques, ce qui lui a permis « d’identifier les risques » associés à l’utilisation de compléments de mélatonine.

Ses recommandations ? L’ANSES déconseille la prise de mélatonine sous forme de compléments aux enfants, aux adolescents, aux femmes enceintes ou allaitantes, aux personnes souffrant de maladies inflammatoires ou auto-immunes et aux personnes devant réaliser une activité nécessitant une vigilance soutenue et pouvant poser un problème de sécurité. Du même coup, l’ANSES conseille aux personnes épileptiques, asthmatiques ou souffrant de troubles de l’humeur, du comportement ou de la personnalité de demander un avis médical avant d’en consommer.

Effets secondaires connus

Professeure à l’Institut de la recherche scientifique (INRS) – Institut Armand-Frappier, Cathy Vaillancourt s’intéresse aux effets de la mélatonine dans le cadre de ses recherches, qui portent sur l’effet des facteurs environnementaux sur le placenta humain.

Les recommandations de l’ANSES n’ont rien de nouveau, dit-elle. Au Canada, par exemple, les monographies publiées par Santé Canada au sujet de la mélatonine excluent la consommation du produit chez les enfants, les adolescents et les femmes enceintes et qui allaitent et fournissent des mises en garde concernant l’utilisation du produit par des individus présentant certaines affections, confirme Rebecca Purdy conseillère principale en relations avec les médias par intérim à Santé Canada.

« Ce que j’aime de l’avis – et c’est le message qui devrait être passé –, c’est qu’il faut toujours consulter son médecin ou son pharmacien quand on prend un supplément naturel ou un médicament en vente libre. »

— Cathy Vaillancourt, professeure à l’INRS-Institut Armand-Frappier

Elle déplore néanmoins le ton de l’avis et de la couverture médiatique qui s’en est suivie, qui insinue que la mélatonine est une molécule à risque. Aucun effet de dangerosité n’a été répertorié par rapport à la mélatonine, souligne-t-elle, que ce soit chez l’adolescent, chez l’enfant, chez le foetus ou chez le bébé allaité.

« Les effets secondaires mentionnés dans le rapport sont connus et ce sont des effets secondaires qu’on va retrouver avec bien d’autres suppléments », tempère Mme Vaillancourt, qui souligne que les effets varient d’une personne à l’autre.

Qui plus est, le rapport se base sur 90 cas (dont seulement 19 retenus) et la plupart des patients impliqués prenaient simultanément d’autres médicaments et suppléments.

Selon elle, l’avis de l’ANSES risque d’« alarmer les gens énormément ». Pourtant, des études cliniques en Australie et en Nouvelle-Zélande mettent actuellement en lumière des effets préventifs de la mélatonine dans les cas de grossesse avec prééclampsie (une maladie caractérisée par une hypertension artérielle) ou avec retard de croissance intra-utérin. On explore aussi sur l’effet bénéfique de la mélatonine sur le développement des bébés prématurés.

L’avis pourrait aussi inquiéter inutilement les parents d’enfants autistes ou ayant un trouble de déficit de l’attention et d’hyperactivité qui se sont fait prescrire de la mélatonine pour leurs troubles de sommeil graves. « C’est donné comme traitement, mais sous supervision », rappelle Cathy Vaillancourt.

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