Partage de photos intimes

Les adolescents et la loi

Cinq adolescents d’un collègue privé de Québec ont été accusés au tribunal de la jeunesse dans une affaire de partage de photos intimes. En plus d’un chef d’accusation de leurre, certains sont accusés de distribution de pornographie juvénile et d’avoir rendu accessible une image intime sans consentement. Un des adolescents est également accusé d’agression sexuelle. Clarification en six questions.

Peut-on prendre une photo intime de quelqu’un sans son consentement ?

Prendre une photo ou une vidéo intime sans le consentement d’une personne est considéré comme du voyeurisme. « Dans le cas où la personne qui est prise en photo ou vidéo est âgée de moins de 18 ans, cet enregistrement pourra être considéré comme de la pornographie juvénile si elle remplit les critères précisés par le Code criminel », écrit le commandant Michel Bourque du Service des enquêtes criminelles, section de l’exploitation sexuelle au Service de police de la Ville de Montréal (SPVM).

Une personne mineure peut-elle prendre une photo intime d’elle-même et la partager ?

Une personne mineure pourrait, en théorie, être accusée de production et de distribution de pornographie juvénile en prenant une photo d’elle-même et en la partageant. Or, dans la réalité, il y a un élastique. « Une personne mineure peut prendre des photos intimes d’elle-même, mais il y a des règles très strictes, insiste Me Dominique Boutin, vulgarisatrice juridique chez Éducaloi. Elle pourrait l’envoyer à son chum ou à sa blonde, mais le consentement doit être libre et éclairé. L’échange doit aussi respecter les règles de consentement quant à l’âge. »

Un adolescent de 12 ou 13 ans peut donner un consentement valable à un partenaire âgé d’au maximum deux ans de plus. La différence acceptée est de cinq ans dans le cas des jeunes de 14 ou 15 ans. L’image en question ne doit en aucun cas être montrée ou diffusée et il ne doit y avoir aucune menace de distribution. « Il faut faire attention avec ces photos-là et savoir pourquoi on en prend et à qui on les envoie », insiste Hertel Huard, chef d’équipe et intervenant à Tel-Jeunes, qui incite les adolescents à réfléchir lorsqu’ils sont face à ce choix.

Peut-on partager une image intime de quelqu’un sans son consentement ?

Non, on ne peut pas partager l’image intime d’une autre personne sans son autorisation. « Les adolescents se livrent de plus en plus à la distribution consensuelle d’images intimes, lesquelles peuvent en venir à alimenter des attaques de cyberintimidation humiliantes, ces images se répandant rapidement et souvent de façon incontrôlée, prévient le ministère de la Justice du Canada, sur son site internet. À l’origine, ces images ne sont souvent destinées qu’à une seule personne ou un petit nombre de personnes, mais elles sont distribuées à un public plus large que leur auteur le prévoyait ou auquel il avait consenti. »

Que faire si on reçoit une photo intime de quelqu’un ?

Tout dépend des circonstances. Entre adultes consentants, aucune infraction n’est commise. Pour les mineurs, c’est différent. « Le jeune, sa seule obligation, c'est de ne pas la partager et de ne pas la garder », indique Hertel Huard. En fait, il ne peut la conserver que dans un seul but : la montrer à une autorité compétente pour la signaler. Dans le cas d’une personne mineure, qu’elle soit consentante ou non, « il faut appeler un service de police afin de dénoncer [la photo], la conserver et ne pas la distribuer », dit pour sa part le commandant Bourque du SPVM.

Qu’est-ce qu’un leurre ?

« C’est le fait de communiquer avec une personne de moins de 18 ans ou qu’on croit âgée de moins de 18 ans, en vue de commettre une infraction de nature sexuelle », résume le commandant Bourque.

Que risque une personne mineure accusée de possession ou de distribution de pornographie juvénile ?

« Les adolescents n’ont pas les mêmes peines que les adultes. Les procédures se ressemblent, mais sont différentes. Les peines sont adaptées », précise Me Dominique Boutin. Sans se prononcer sur le cas des adolescents de Québec, l’avocate évoque une gamme de sanctions possibles allant de l’absolution à l’amende, en passant par les travaux communautaires et une période de probation. La peine la plus sévère serait le placement sous garde et la surveillance. Il revient au juge de déterminer la peine adaptée à chaque cas.

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