« Une très mauvaise nouvelle »

L’opinion des Québécois à l’égard de la voiture électrique se forgerait-elle au même rythme que les progrès de l’industrie automobile au cours de son histoire ?

Les Québécois ne sont pas plus nombreux qu’il y a cinq ans à être convaincus que l’auto électrique sera la voiture de demain. Et malgré les progrès accomplis et les efforts consentis, ils sont toujours aussi nombreux à être indécis quant à un éventuel achat.

C’est ce qui ressort d’un sondage CROP-La Presse sur la perception des Québécois à l’égard de la voiture électrique, réalisé cet automne, tout juste cinq ans après une première enquête qui posait les mêmes questions fondamentales. 

« C’est comme si la situation n’avait pas changé en cinq ans, commente Pierre-Olivier Pineau, professeur à HEC Montréal. Ce qui, pour les fervents de la voiture électrique, est une extrêmement mauvaise nouvelle. Parce que tout ce que l’on fait pour expliquer et promouvoir ne semble avoir rien changé – ou alors très, très faiblement – dans les perceptions des gens. C’est une très mauvaise nouvelle. »

Au vu des pourcentages des sondages de 2011 et de 2016, on ne peut donner tort à ce spécialiste en politique énergétique.

Selon Céline Berre, vice-présidente de CROP, « les Québécois considèrent que, oui, la voiture électrique remplacera un jour la voiture à essence, mais ça ne semble pas encore proche pour eux ».

« Il y a marginalement moins de personnes qui disent non, remarque Pierre-Olivier Pineau. Mais c’est quand même étonnant que près d’une personne sur cinq pense encore que la voiture électrique ne remplacera pas la voiture à essence. »

Ce qui frappe l’esprit – ou décourage ? – également, c’est que la proportion de gens qui envisagent l’achat d’une telle voiture à plus ou moins long terme est la même en 2016 qu’en 2011, à savoir 38 %.

« Je pense que les gens ne réalisent pas encore que la voiture électrique a beaucoup progressé, que cela pourrait s’intégrer dans leur propre réalité. Ça reste encore quelque chose de presque futuriste. […] Ça reste une niche », souligne Céline Berre.

Indécis

Yan Cimon s’étonne de voir toujours autant d’indécis après cinq ans. « Le niveau de sensibilisation pour l’environnement était déjà élevé en 2011. L’essence est encore abordable aujourd’hui et c’est un facteur qui a un impact sur les ventes de véhicules verts », estime le professeur du département de management de l’Université Laval, spécialiste du secteur automobile.

Dans le détail, la réponse « oui, certainement » a gagné deux points de pourcentage en cinq ans à la question de savoir si la voiture électrique remplacera la voiture à essence. Cette même réponse à la question sur l’intention de faire un tel achat à plus ou moins long terme en a gagné trois. Pour la première fois, en 2016, 1 % des répondants ont affirmé déjà posséder une voiture électrique.

« Je ne dirais pas que c’est décevant. Je préfère voir le verre à moitié plein. L’idée de l’électrique fait son chemin à un rythme relativement lent sur cinq ans, c’est vrai. Ça veut dire que l’on n’est pas rendu dans la phase d’accélération du changement », conclut donc Yan Cimon.

La conclusion de Pierre-Olivier Pineau est plus sombre : « Depuis cinq ans, la technologie s’est améliorée, les prix ont quand même baissé, la voiture électrique est beaucoup plus connue et la lutte contre les changements climatiques est plus publicisée. Il y a un ensemble de facteurs qui font qu’on aurait dû s’attendre à un mouvement un peu plus marqué que ça. […] C’est un constat extrêmement malheureux […]. Mais je crois aux véhicules électriques, je suis sûr que, dans 10 ans, ça va être important. »

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